Le moins qu’on puisse en dire, c’est que la troupe de Bar Farouk n’engendre pas la mélancolie. Après avoir créé le cabaret égyptien Hichik Bichik, qui se produit au Métro al-Madina pour la seconde année consécutive, Hicham Jaber a mis en scène, dans le cadre du Festival de Beiteddine, la pièce Bar Farouk qui rend hommage à Beyrouth.
L’artiste a été secondé par Ziad el-Ahmadié pour les arrangements musicaux. Il a réussi le magnifique pari de rassembler des forces vives pour constituer une troupe dans un esprit de diversité. Le pari est parfaitement relevé. C’est donc dans la cour intérieure, presque intimiste du somptueux palais, qu’un bar-cabaret a été monté. Tentures rouges, photos affichées en toile de fond, font revivre la capitale libanaise. Yasmina Fayed, Randa Makhoul, Baha’ Daou, Chantal Bitar, Ziad Itani, Bachar Farran, Ziad Jaafar, Ahmad el-Khatib, Béchara Atallah et Wissam Dalati, également costumier – avec l’éclairage de Ala’ Minawi et le visuel de Nadim Saouma. La troupe a enchanté un public quasiment sous le charme. Une troupe d’amateurs, de professionnels, des jeunes et des moins jeunes, des femmes et des hommes, des gens différents des autres qu’on reconnaît en ce qu’ils ont d’unique. Des mouvements permanents de sorties d’acteurs, des costumes chatoyants évoquant les années 30 jusqu’à 70. Un langage forgé à partir du travail commun sur les expressions populaires qui ne sont pas sans rappeler l’ancien Beyrouth. Une inspiration qui tient sa source aussi des années rococo, des cabarets de l’époque, de la rue de l’époque, ce qui a entraîné une formidable énergie. Hai Beyrouth 3al makchouf, ta3 areb ta3 chouf, une chanson qui raconte les années de gloire de la ville, Nehna settat Beyrouth ma hada byokhod matrahna, nehna zinet hal balad a suscité nombre de commentaires d’un public qui a contribué, à l’instar des artistes, à rendre hommage à la femme libanaise et au rôle qu’elle a joué notamment «en nommant un ambassadeur ou en faisant tomber un ministre».
De la sensualité dans les gestes et dans les propos dans lesquels on trouve la convivialité, du toucher, des caresses… une manière osée d’envisager sa relation avec l’autre. Tout était évoqué. La comédie de la vie avec ses drames par un pot-pourri de chansons lascives ou entraînantes. La pièce s’est achevée sur le bruit de bombes qui rappelle que les années d’or de la capitale libanaise sont finies avec le déclenchement de la guerre. Pour ne pas terminer Bar Farouk sur une note triste, la danseuse Randa est descendue de la scène pour faire danser les spectateurs éblouis par sa prestance et son corps de liane. Elle a parfaitement réussi à communiquer son côté festif, sa chaleur et sa gaieté, pendant que le reste des artistes applaudissaient, en même temps que le public, heureux de l’accueil qui leur a été réservé.
Danièle Gergès