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Nº 3016 du vendredi 28 août 2015

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Yassine Jaber, député de Nabatiyé. «C’est la révolution des pauvres»

«La population est fatiguée. Elle n’en peut plus. Chacun le traduit à sa manière. Le citoyen souffre et exprime son malaise, écoutons-le. Mais d’y voir une manipulation dans ce qui se passe! C’est la révolution des pauvres et elle n’a aucune connotation politique». Yassine Jaber, député de Nabatiyé et membre du bloc de Nabih Berry, considère que les institutions étatiques doivent fonctionner avant qu’il ne soit trop tard.

Que pensez-vous des manifestations du collectif «Vous puez», qui dénoncent la corruption des politiciens de tous bords et demandent la démission du gouvernement?  
Elles sont légitimes. C’est le cri du cœur d’une population en manque de tout, même des nécessités les plus élémentaires, comme l’eau et l’électricité. Le chômage et la crise économique qui sévissent touchent toutes les classes sociales. Les déchets envahissant les régions ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les gens en ont eu ras-le-bol et sont descendus spontanément dans la rue pour exprimer leur mal-être. Pourquoi nous passons par cette crise? Parce que tous les responsables souhaitent accaparer, chacun de son côté, ses prérogatives sans prendre en considération l’intérêt général du pays.

Vous dites que ces manifestations sont légitimes. Et, pourtant, les médias et les réseaux sociaux accusent les «chabihha» de Nabih Berry de tenter par tous les moyens de les saper à la base?
Ce sont des propos irresponsables. Le peuple en a ras-le-bol de la crise économique, de la pauvreté et du chômage. Et chacun a voulu l’exprimer à sa manière. Ils disent que se sont les jeunes de Khandak el-Ghamik qui ont torpillé la manifestation en lançant des pierres et des bouteilles vides sur les forces de l’ordre et en détruisant des lieux publics. Les citoyens doivent se rendre dans cette région pour réaliser à quel point elle est abandonnée par l’Etat. Ses habitants ont exprimé leur rage à leur façon, que je ne justifie pas d’ailleurs. Mais dans plusieurs autres régions libanaises, il y a eu aussi des dégâts matériels provoqués par des manifestants qui se sont défoulés de la sorte. La population est fatiguée. Elle n’en peut plus et chacun l’exprime à sa manière. Le Liban n’est pas Zaitunay Bay. Il y a une extrême pauvreté partout. Le citoyen souffre et traduit son malaise, écoutons-le. Mais d’y voir une manipulation dans ce qui se passe! C’est la révolution des pauvres et elle n’a aucune connotation politique.
 

Les forces du 14 mars et leurs partisans considèrent que ces fauteurs de troubles sont manipulés par les forces politiques du 8 mars afin de paralyser complètement le pays et de le conduire à un nouveau pacte national. Que leur répondez-vous?
Je réponds que c’est la pauvreté qui mobilise les gens et non une cause politique. Que ferions-nous avec l’élaboration d’un nouveau pacte politique, nous qui demandons sans cesse que le Parlement soit rouvert et que le gouvernement fonctionne de manière régulière? Mais ils veulent que l’on adopte leur seul point de vue. Le pays est au bord du ravin. Il est temps que chacun mette de l’eau dans son vin et que l’on se retrouve au Parlement pour reprendre le dialogue et activer coûte que coûte les institutions. Ce sont les responsables réunis qui poussent les citoyens dans la rue, paralysent toutes les institutions et conduisent le Liban à la déroute totale. Nous devons vite réagir avant que la situation ne se dégrade et que nous perdions complètement le contrôle de la situation.

En partageant soi-disant équitablement le recyclage des déchets, le gouvernement a non seulement suscité la colère des manifestants, mais aussi celle de Nabih Berry qui a demandé la révision des appels d’offres, voire leur annulation. A quoi vous attendez-vous?
Ce qui se passe est un scandale. Lorsque l’affaire des déchets a éclaté au grand jour, chacun s’est empressé de dire que les prix étaient trop élevés et que l’on pouvait recycler à moitié prix. Or, il s’est avéré que les propositions adoptées coûtent bien plus cher que celles qui étaient en cours.
 

Propos recueillis par Danièle Gergès

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