Magazine Le Mensuel

Nº 3043 du vendredi 4 mars 2016

general

Restauration. Croissance du secteur de 3% en 2015

Dans une interview exclusive accordée à Magazine, Nagi Morkos, cofondateur et gérant associé de la société de conseil Hodema, offre un état des lieux du secteur de la restauration au Liban.

 

«En plus de l’instabilité économique et sécuritaire qui sévit depuis plusieurs années, le secteur de la restauration a dû faire face, en 2015, à deux phénomènes importants, explique Morkos. D’abord, la volonté du ministre de la Santé, Waël Abou Faour, d’imposer aux restaurateurs de nouvelles règles d’hygiène, parfois difficiles à mettre en œuvre. En second lieu, la crise des déchets et les manifestations associées qui ont paralysé le centre-ville de Beyrouth en pleine saison estivale. Néanmoins, les professionnels de la restauration ont montré une belle capacité de résilience.
Selon l’étude de marché annuelle réalisée par Hodema sur les restaurants, cafés et bars, on enregistre, en 2015, 184 ouvertures d’établissements contre 155 fermetures dans les onze zones étudiées, soit une croissance de 3% par rapport à l’année 2014. Ce chiffre encourageant reflète plusieurs réalités: la force de la demande domestique, qui compense en partie la baisse du tourisme, une nouvelle répartition géographique des lieux où sortir et une tendance de la part des investisseurs à miser sur des établissements relativement petits, en moyenne 70 places assises.

Quelle est la nouvelle géographie de la restauration à Beyrouth?
Tout ne change pas du jour au lendemain. Des quartiers comme Verdun, Hamra, Gemmayzé ou Mar Mikhael restent des incontournables, mais le grand gagnant de l’année 2015 est sans conteste Badaro.
La recomposition de la carte des restaurants et bars à Beyrouth s’explique principalement par la politique des loyers pratiquée au Liban. Les propriétaires étant libres de fixer le loyer qu’ils souhaitent en fin de bail, les investisseurs du secteur de la restauration sont en permanence à la recherche de nouveaux locaux, voire de nouvelles zones, où ils pourront limiter leurs frais. A ce titre, le développement de Badaro est spectaculaire avec une progression de 42% du nombre d’enseignes, soit 61 enseignes en 2015, contre 43 en 2014.
Certains facteurs ponctuels peuvent également expliquer le déplacement des restaurants comme la crise des déchets, qui a rendu difficile d’accès le centre-ville pendant une partie de l’été et donc occasionné des pertes importantes pour les opérateurs, voire des fermetures provisoires d’établissements. Dans notre pays, les défis auxquels font face les restaurateurs sont souvent imprévisibles. Enfin, 2015 marque aussi le début d’une importante expansion des restaurants et bars vers la périphérie de Beyrouth, c’est-à-dire essentiellement vers Dbayé et Hazmié avec la tendance des «clusters».

Qu’entendez-vous par «clusters»?
Un cluster est un lieu géré par un opérateur qui loue des emplacements à plusieurs enseignes de restauration. C’est une sorte de centre commercial, si vous voulez, où l’on ne trouve que des restaurants et des bars. Le phénomène a commencé il y a quelques années avec Uruguay Street, Junction 5 ou Blueberry Square, puis s’est très largement développé, depuis 2015, avec l’ouverture de The Village à Dbayé. D’autres ouvertures sont prévues prochainement. L’intérêt pour les restaurateurs est de se lancer sur un nouveau marché, en l’occurrence de capter la clientèle du Metn ou de Hazmié-Baabda, tout en limitant les risques qu’ils auraient pu encourir en ouvrant seuls. Le fait de se regrouper à 10 ou 15 dans un même lieu permet de créer un pôle d’attraction plus fort et de partager les coûts de fonctionnement comme les services de marketing, sécurité ou voituriers. Une exception à noter: l’ouverture en plein cœur de Beyrouth, à Achrafié avenue Charles Malek, d’un cluster qui regroupera plusieurs enseignes.

Qu’en est-il des restaurants dans des hôtels?
Naturellement, les hôtels attirent, en premier lieu, une clientèle touristique qui dort sur place. Or, depuis plusieurs années, les taux d’occupation des hôtels sont très bas et le secteur de la restauration est essentiellement porté par une clientèle domestique. De plus, contrairement à la région du Golfe, le Liban n’impose pas aux restaurants d’être affiliés à un hôtel pour pouvoir servir de l’alcool, donc il est difficile pour ces établissements de se différencier de la concurrence de rue. Enfin, ouvrir seul permet plus de flexibilité sur la décoration ou la possibilité d’avoir une terrasse, tandis que le cadre de l’hôtel peut sembler contraignant à certains. A noter, par exemple, le français La Petite Maison, anciennement situé au sein de l’hôtel Vendôme, a déménagé vers le centre-ville de Beyrouth fin 2015.

Côté ressources humaines, comment s’en tire le Liban?
La formation du personnel reste l’un des défis majeurs pour les professionnels de la restauration. Malgré de nombreux établissements techniques et écoles hôtelières, le niveau du service n’est pas au rendez-vous. Par ailleurs, très souvent, les élèves ainsi formés choisissent d’émigrer. Parmi les destinations les plus populaires pour ces jeunes, on retrouve les pays du Golfe, qui disposent d’un large panel de restaurants, notamment des franchises internationales, et de meilleurs salaires.
De plus, le manque de professionnalisme des personnes recrutées n’est pas compensé par la suite, car les établissements libanais investissent peu dans la formation en interne. 

Le secteur de la franchise
Hodema a considéré que le secteur de la franchise est au stade embryonnaire au Liban. Néanmoins, il est en croissance. Le nombre des restaurants libanais franchisés demeure négligeable en comparaison au volume de secteurs à l’étranger. Le Liban est un pays importateur de franchise de vêtements, de nourriture et d’autres produits de consommation, mais il n’est pas encore exportateur de franchise à part entière. Hodema soulève une nuance importante en référence aux critères en vigueur aux Etats-Unis dans ce domaine. Dans ce pays, un restaurant doit opérer pendant cinq ans et détenir trois branches afin qu’il puisse être éligible comme franchiseur. Toute enseigne qui a moins de cinq ans de présence sur le marché et moins de trois branches se retrouve dans la catégorie de «pourvoyeur de licence d’exploitation».

Liliane Mokbel

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