Aïn el-Heloué a été le théâtre de violents affrontements entre le Fateh du président Mahmoud Abbas et les islamistes extrémistes de Jund el-Cham. Bilan: des dizaines de morts et de blessés. Des roquettes et des grenades ont été utilisées et des tireurs embusqués ont pris pour cibles nombre de quartiers de Saïda et des zones de déploiement de l’armée. Une nouvelle ère vient de s’ouvrir dans le plus grand camp palestinien du Liban.
Ce qui différencie ces combats des autres rounds de violences, c’est que, contrairement aux précédents, ils ne se sont pas limités à un ou deux quartiers de Aïn el-Heloué. Ils ont, pour la première fois, dépassé les lignes traditionnelles des combats à l’intérieur du camp, notamment le quartier Tawarek-el Braksat, la rue Hattine-Safoury, el-Taïry-Jabal el-Halib et el-Safsaf-Taïtaba. La seconde spécificité de ces affrontements est la participation des partisans du général Mahmoud Issa (el-Lino) aux côtés du Fateh, surtout sur l’axe Hattine-Safoury et Taïry. La troisième différence est l’insistance des miliciens de Jund el-Cham à maintenir les axes enflammés jusqu’au succès des tentatives d’apaisement, bien que le Fateh s’y soit plié. Autre curiosité de ces affrontements, l’utilisation par les deux bords de roquettes de calibre moyen et de grenades de différents types, qui ont touché pour la première fois des quartiers périphériques de Saïda.
Les premiers résultats tirés de ces événements par les experts dans les affaires palestiniennes concluent que la tentative d’assassinat du commandant de la sécurité nationale dans la région de Saïda, le général Abou Achraf el-Armouchi, par les radicaux du quartier Hattine n’a été qu’un prétexte pour déclencher la bataille, dans l’objectif de provoquer des combats parallèles et de faire avorter les tentatives d’unifier la décision politique, sécuritaire et militaire au sein du Fateh. Les affrontements ont révélé des réalités nouvelles sur le terrain qui ne présagent rien de bon. Les échanges de tirs ont englobé tous les quartiers du camp, signifiant que les islamistes constituent toujours une importante force et sont déployés dans tous les secteurs.
Le Hamas neutre
Les deux mouvements islamistes Hamas et Osbat al-Ansar sont restés en dehors de ce conflit. En dépit de leur inimitié pour le Fateh, ils s’opposent à l’expansion des courants islamistes extrémistes. D’abord, parce ces derniers s’appuient sur un califat religieux qui se retrouve avec Daech, al-Nosra et al-Qaïda. Mais le fait que le Hamas se tienne à l’écart a donné une image effrayante de la force des islamistes, qui tentent d’étendre leur hégémonie sur le camp et de se déployer en direction de la zone chiite à Saïda. Les services de sécurité libanais possèdent des renseignements précis sur l’armement et la vente des munitions à l’intérieur du camp aux islamistes. L’unique aspect positif est que les courants islamistes ont échoué dans leur assaut contre les positions du Fateh. Ce dernier a prouvé sa capacité à contrôler militairement la situation. Mais jusqu’à quand? De fait, les affrontements ont révélé que le Fateh est le mouvement le plus capable d’agir militairement sur le terrain en dépit de ses pertes en hommes et du nombre de blessés dans ses rangs. Mais le mouvement reste le plus fort, à condition qu’il bénéficie d’une couverture politique. La bataille a confirmé sa solidité face au danger ainsi que la coordination entre les commandements militaires, même ceux dont la promotion est bloquée par le commandement palestinien à Ramallah, tel le général el-Lino. Autre participation très remarquée, celle des unités de la sécurité palestinienne commune du général Mounir el-Makdah et ceci pour la première fois depuis longtemps.
Avancée du Fateh
A cet égard, une source palestinienne avertie a indiqué que les combattants du Fateh ont réussi à atteindre les retranchements de groupes armés à Tawarek et à la rue el-Taïry et même jusqu’à el-Safsaf, où est installé un des responsables de Jund el-Cham, Bilal Badr. Mais le Fateh se trouvait pris entre deux feux et n’a pu pénétrer dans l’autre quartier où se trouve Osbat al-Ansar, qui en a fait son bastion principal. Les sources du Fateh ont déclaré que le mouvement avait marqué une large avance à el-Tawarek. Mais on ne sait pas pourquoi il n’a pas été jusqu’au bout, alors que les combattants avaient achevé leur avancée et qu’ils avaient reçu des renforts venus d’autres camps du Liban. Les choses sont apparues différentes au quartier Hattine, le fief le plus important de Jund el-Cham et du groupe appelé les «jeunes musulmans».
Les sources indiquent qu’aucun des protagonistes n’a enregistré des acquis stratégiques sur le terrain, bien que le Fateh ait significativement progressé. Après le cessez-le-feu, chaque partie est revenue à ses positions initiales.
Chaouki Achkouti
La carte des positions
Les derniers affrontements ont ramené les lignes de démarcation dans le camp, notamment dans le quartier Tawarek-Braksat, qui avaient disparu il y a quelques années. Les blocs de béton et les barricades ont été dressés à d’autres endroits. La rue Tawarek aurait été le point de départ des nouveaux incidents avec la tentative d’assassinat du général du Fateh Abou Achraf el-Armouchi, à son siège installé dans cette rue, d’où il prenait en tenailles Jund el-Cham et les autres groupes armés. Il faut ajouter à ces axes el-Taïry-Safouri, souk el-Khoudar, Hattine-Darb el-Sim, où Jund el-Cham bénéficie d’une plus grande liberté de déplacement et où a été assassiné le responsable du Fateh, le colonel Talal el-Ordoni. Est-ce une trêve en attendant un nouveau cycle de violences à Aïn el-Heloué entre le Fateh et les salafistes radicaux? Ceci est possible. Mais le Fateh a décidé, semble-t-il, de régler la situation en mettant fin à l’extrémisme et en détruisant les bases souterraines des terroristes dans le camp.