Depuis leur installation en 2007 à Bagdad, Erbil et Bassora, les banques libanaises se sont battues sur un marché complexe. D’ici fin 2015, elles auront une nouvelle échéance à honorer.
Sur un plan organisationnel, laBanque centrale irakienne a décidé de relever les capitaux propres des branches des banques étrangères installées en Irak à 70 millions de dollars. Cette décision respectée, les banques sont autorisées à ouvrir autant de branches qu’elles le souhaitent. D’après certains experts, la nouvelle réglementation portant le No 9/3/288 du 16 octobre 2014 viserait à encourager l’activité des banques étrangères en Irak et, par la suite, à pousser les banques locales à réaliser de meilleures performances au nom de la concurrence. Les banques libanaises, qui ont accueilli favorablement la possibilité d’ouvrir de nouvelles branches, se sont montrées plus réservées quant au montant de la capitalisation requis et au délai de se conformer à la nouvelle directive expirant pour les banques étrangères fin 2015, alors que ce délai est de trois ans pour les banques locales. La date butoir de la fin 2015 a été qualifiée de courte. Parallèlement, les financiers ont considéré avec scepticisme les dispositions de la Banque centrale irakienne selon lesquelles la capitalisation des banques étrangères doit représenter 30% de celle des banques locales. Ce qui signifie, dans la pratique, qu’à chaque fois qu’il sera demandé aux banques locales de relever leurs capitaux propres, il en sera de même pour les banques étrangères dans une proportion de 30%.
Marché compliqué
Le parcours des banques libanaises en Irak a débuté en 2007, sachant que la loi concernant les banques irakiennes n’a été promulguée qu’en 2003. Sur le marché irakien, on dénombre aujourd’hui la présence de multiples branches appartenant à neuf banques libanaises, et un bureau de représentation, répartis entre Bagdad, Bassora et Erbil. Il s’agit de Byblos Bank, Intercontinental Bank, la Banque Libano-Française, Bankmed, Bank of Beirut & Arab Countries, le Crédit libanais, Fransabank, Blom Bank et Middle East & Africa Bank, alors que Beirut Bank a ouvert un bureau de représentation et que Audi Bank est en passe d’inaugurer des branches notamment à Najaf et Souleimaniyé, en plus de branches à Bagdad, Bassora et Erbil. Les conditions de travail en Irak rendent l’activité bancaire difficile à gérer vu les limites des autorités monétaires en termes de compétences humaines et techniques. La faiblesse de la culture bancaire de la clientèle n’arrange pas les choses. Aujourd’hui donc, l’activité des établissements bancaires en Irak se concentre sur l’ouverture de crédits documentaires aux agents sans toutefois l’octroi de prêts. L’inexistence d’une centrale des risques et d’un registre de commerce rend l’obtention de toute information financière et économique concernant le client quasiment impossible. A ceci s’ajoute l’interdiction pour les banques de procéder à des hypothèques immobilières, celles-ci n’étant pas autorisées à posséder des propriétés. En parallèle, suivant les données de l’Agence américaine pour le développement, il est fort probable qu’une grande partie des Irakiens n’a pas de comptes bancaires. Par conséquent, le ratio des prêts bancaires rapportés au PIB est l’un des plus faibles dans le monde, ce ratio ne dépassant pas 9%, alors que la moyenne dans les pays de la région Mena s’articule autour de 55%. Aussi l’absence d’un mécanisme de domiciliation des salaires est de nature à freiner le développement des prêts individuels.
Tabac
Le Liban, plateforme pour le commerce illicite vers l’Iran et l’Irak
Citée dans un rapport du think tankMiddle East Strategic Perspectives (MESP), la Régie libanaise de tabac et tombac a fait état récemment d’un recul de 30% de ses ventes de cigarettes en 2015 par rapport à la même période un an auparavant. Cette régression ne serait pas tant due à la mise en œuvre de la loi antitabac dans les endroits publics fermés, à peine respectée, mais à la contrebande des cigarettes via la Syrie. En revanche, la vente du tombac pour narguilé, shicha et hookah a progressé de 60% parce que ce type de produits n’est pas disponible sur le marché syrien, selon la même source. Une autre raison, qui justifierait la hausse des ventes et la popularité du tombac, est le fait que les jeunes seraient persuadés que la consommation de celui-ci est moins nocive que celle des cigarettes devenues un véritable fléau dans la région du Proche-Orient. Le conflit syrien, qui a rendu les frontières du Liban et de la Syrie incontrôlables et a aggravé l’instabilité sur le double plan économique et politique, a contribué largement au commerce parallèle du tabac, ainsi que du captagon, une amphétamine fabriquée en Syrie. Les cigarettes introduites en contrebande au Liban sont surtout vendues aux réfugiés syriens qui s’y trouvent ou transitent vers d’autres pays du Moyen-Orient. Le positionnement des grands acteurs de l’industrie du tabac par rapport à la convention du contrôle du tabac (FCTC) parrainée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) signée par 168 pays en mars 2004, est mitigé. Ces acteurs encourageraient le commerce parallèle des cigarettes au Moyen-Orient principalement vers l’Iran (44% du total des ventes de cigarettes) et l’Irak via le Liban et la Syrie. Les raisons seraient multiples, en l’occurrence, la création d’une demande de leurs marques de produits sur les marchés précités et la vente de leurs stocks de cigarettes de moins bonne qualité de fabrication.
Baisse des revenus
Le commerce des cigarettes en contrebande ou contrefaites (représentant 10,7% du total des ventes de cigarettes dans le monde) rend les prix de ce produit moins chers et plus abordables et augmente leur consommation auprès des couches sociales à faible et moyen revenus. Dans le même temps, cette pratique du commerce parallèle réduit les recettes du Trésor et permet le financement de la criminalité, du terrorisme et des conflits. De plus, souligne le rapport du MESP, le lobby des compagnies de tabac insiste sur le fait que le trafic illicite des cigarettes est une conséquence induite par l’augmentation de la taxation sur de tels produits et le resserrement des règlements qui gèrent cette industrie. Un fait qui s’inscrirait en faux par rapport aux données de l’OMS puisque le commerce illicite du tabac est plus fréquent dans les pays à bas revenu (16,8% du marché) et les pays à moyen revenu (11,8% du marché) ainsi que les pays où la taxation des cigarettes est faible (le prix du paquet est de 1,13 dollar et 1,89 dollar respectivement). Il est moins fréquent (9,8% du marché) parmi les pays à revenu élevé, où les taxes sont élevées (prix du paquet 4,89 dollars). Des études publiées en 2015 dans The British Medical Journal soulignent la stabilité du commerce illicite du tabac aux Etats-Unis et en Australie en dépit de la majoration des taxes sur les cigarettes.
PAGES RÉALISÉES PAR LILIANE MOKBEL