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Nº 3018 du vendredi 11 septembre 2015

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Pascal Odille décortique Beirut Art Fair. D’échange et de partage, une bouffée d’air frais

Du 17 au 20 septembre, se tiendra la Beirut Art Fair, au Biel. A l’approche de ce rendez-vous, devenu incontournable dans le paysage de l’art contemporain, Magazine s’est entretenu avec Pascal Odille, directeur artistique de la foire et commissaire cette année de l’exposition sur l’art numérique Virtual/Reality.

 

Quels sont les points forts du programme de cette 6e édition de la Beirut Art Fair?
Il y en a plusieurs, surtout cette année. Pour la première fois, on a décidé de mettre en place un type d’art qu’on n’a pas forcément l’habitude de voir, qu’on ne présente pas généralement dans une foire d’art contemporain qui est plutôt «commerciale», puisque c’est un lieu d’échange à travers les galeries, les collectionneurs, les amateurs et les curateurs. Parmi ces événements, pendant la soirée d’inauguration, sur invitation, on va avoir la présence d’un personnage un peu énigmatique qui s’appelle Faro. Faro est un mouton qui sera dirigé et promené par Ghassan Ghazal. Le mouton aura tatoué sur le corps, avec du «henné», un texte en braille, la Fatiha, la première prière musulmane. La particularité du braille est qu’il n’a pas de limites dans la langue, c’est une langue universelle. Il est intéressant de voir cet aspect religieux qu’on ne peut ni comprendre, ni lire, ce qui en fait quelque chose de visuel et d’esthétique mais qui, en réalité, a un propos. Du coup, c’est un discours qui devient universel. Faro nous accompagnera pendant une petite heure et la vidéo de la performance sera présentée en boucle pendant la foire.

Nous avons également un autre événement, plus intimiste, dans le cadre d’une collaboration entre Dar Onboz et l’association Brave Heart Fund, qui présenteront l’ouvrage Sama avec des gravures exécutées par Hassan Zahreddine. Deux fois par jour, il y aura une performance au cours de laquelle deux conteuses raconteront au public l’histoire de Sama, l’une en arabe et l’autre en français. Un duo fabuleux qui génère beaucoup d’émotion et rappelle la grande tradition des conteurs, accompagné d’une animation musicale correspondant au texte.

Il y a toujours le Byblos Bank Award, avec une exposition des photographies des trois lauréats et la proclamation du 4e lauréat qui aura lieu le 20 septembre. Au rendez-vous également, la plateforme de design BLC Bank; il y a une vraie sincérité dans le travail des jeunes et talentueux designers libanais. Nous aurons également tout un programme de tables rondes très pointu. Nous en avons besoin pour défendre la création et notamment la création contemporaine libanaise. Il y a de plus en plus d’espaces publics et privés qui s’ouvrent sur l’art contemporain, mais pour que le public puisse comprendre ce qu’il va découvrir dans ces lieux, on a besoin de médiateurs. La médiation culturelle est un point très important qui au Liban, jusqu’à présent, n’est pas vraiment travaillé. Et évidemment, il y a le focus sur l’art numérique.

 

Justement, pouvez-vous nous expliquer davantage pourquoi le choix de l’espace Virtual/Reality?
L’année dernière, l’espace central présentait le «Pavillon indien» mis en place par Fabrice Bousteau. Je voulais reprendre cet espace central pour montrer quelque chose d’encore différent. Il fallait trouver une thématique et un type d’art qui pouvaient montrer pas mal d’évolution, un éventail très large. Comme thématique, j’ai trouvé la notion de virtuel et de réel; nous passons tous beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, nous avons toujours un pied dans le virtuel. Je voulais pousser cette idée-là, mais montrer que le réel et le virtuel, après tout, ça devient de plus en plus peu confus pour nous. J’ai essayé de donner un côté, non pas historique, mais montrer plutôt une évolution dans le temps et les différentes manières de jouer entre ce réel et ce virtuel. J’ai demandé à huit artistes de préparer des œuvres bien spécifiques, qui seront disposées sous la forme d’un parcours qu’il n’est pas forcément facile d’appréhender. Pour ce faire, nous sommes aidés par un groupe de jeunes médiateurs de l’ESA, nouveauté cette année, qui ont accepté de travailler avec nous sur cette médiation directe. Ils seront donc sur place pour donner des informations et des explications à ceux qui le souhaitent.

 

Le numérique et l’art, un sujet qui pourrait prêter à polémique…
J’ai retrouvé, et c’est aussi pour cette raison que j’ai voulu travailler là-dessus, un commentaire de Baudelaire à propos de la photographie à ses débuts qui, pour lui, ne devait être qu’un outil professionnel et non artistique, avant que la vision des choses par rapport à la photographie n’évolue. Le rapport entre l’art et la technologie a toujours fonctionné de cette manière. Maintenant, l’évolution se fait plus rapidement. Mais pour un grand nombre de personnes, ça reste un questionnement: le numérique est-il de l’art ou pas? Je vais essayer de leur prouver que oui.

 

Pensez-vous que le public libanais est prêt?
Je ne sais pas, je lui fais la proposition. Mon travail est d’essayer de faire en sorte que les gens passent le moment le plus agréable possible, pour tout oublier. La Beirut Art Fair est une foire assez particulière, tout d’abord, et c’est l’une des seules actuellement à le proposer, où l’accès est gratuit. On veut que ça s’adresse à tout le monde, que ce soit comme une bouffée d’oxygène, un endroit pour se rencontrer, pour discuter… On veut continuer dans cette notion d’échange, de partage, d’apporter surtout quelque chose de relaxant, de différent, de vivant. C’est pour cette raison qu’il y aura des performances tous les jours.

 

Six éditions déjà, comment décrirez-vous l’évolution de la Beirut Art Fair?
La première année, c’était une œuvre par galerie. Quand on a mis en place la Beirut Art Fair, avec Laure D’Hauteville et Marine Bougaran, on voulait proposer comme une sorte de musée imaginaire; on a demandé à certaines galeries de présenter une seule pièce qui leur paraissait la plus spectaculaire. Après, on a voulu introduire l’idée de l’art ME.NA.SA. qui est devenue familière. Notre démarche actuellement est de continuer à développer cet art ME.NA.SA., d’essayer de faire venir, au-delà des galeries libanaises qui nous suivent depuis le début, un maximum de galeries qui, pour l’instant, ne connaissent pas la région. Maintenant que les choses sont bien installées, on commence à explorer d’autres univers, à montrer des choses encore plus différentes. Ce sera plus pointu, mais toujours dans cette volonté de partage et d’échange. Une constante sur laquelle il est hors de question de revenir.

 

La foire s’adresse donc à tous?
Oui, tout public, même ceux qui n’ont jamais poussé la porte d’une galerie, venez! Evidemment que tout le monde ne s’intéresse pas à l’art, mais c’est une opportunité de prendre une bouffée d’air frais, d’air pur. D’avoir un peu de curiosité pour découvrir. On fait des propositions, on essaie d’avoir un spectre le plus large possible de la création contemporaine. J’espère que ça plaira.

 

 

Propos recueillis par Nayla Rached

www.beirut-art-fair.com

 

 

Beirut Art Week

Lancée deux jours avant la Beirut Art Fair, le 15 septembre et jusqu’au 22, la 3e édition de Beirut Art Week fera vivre Beyrouth au rythme de l’art contemporain. Exposition hors les murs, avec une vingtaine de projets – installations, sculptures, performances –, à travers les espaces symboliques de Beyrouth, son centre-ville, la Beirut Art Week se décline «toujours dans la même idée que l’art est pour tout le monde. Les gens n’aiment pas pousser les portes des galeries, ajoute Pascal Odille, c’est une démarche qui n’est pas facile, car on n’a pas les codes. La Beirut Art Week donne un accès encore plus facile, car pour le coup, il n’y a pas d’intermédiaire, on est face à l’œuvre. C’est aussi une manière de découvrir, redécouvrir le centre-ville et circuler dans ses ruelles».

 

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