Un projet qui date de 1978 verra enfin le jour le 21 novembre 2015 au Collège Notre-Dame de Jamhour. Parmi huit projets proposés à la suite d’un concours lancé par le collège à ses anciens, trois ont été retenus, y compris celui qui a été adopté. De quel projet s’agit-il? En quoi consiste-t-il?
«Pourquoi les miliciens ont-ils pendu trois adolescents?». «Pourquoi les miliciens avaient-ils lapidé une famille de réfugiés?». Bref, pourquoi la guerre? La réponse du narrateur de l’œuvre Incendies de Wajdi Mouawad aurait été la suivante: «Il y a certainement une raison. Ma mémoire s’arrête là. Je ne peux pas monter plus haut, mais l’histoire peut se poursuivre encore longtemps, de fil en aiguille, de colère en colère, de peine en tristesse, de viol en meurtre, jusqu’au début du monde». C’est donc pour reconstituer cette mémoire, que le Collège Notre-Dame de Jamhour a décidé de retracer le parcours long et lourd de la guerre libanaise, de 1975 à 1990. Ce sont 68 noms répertoriés à ce jour, dont neuf prêtres jésuites, ayant à l’époque, servi au Liban, qui scanderont l’acier d’une muraille de 18 mètres de long, érigée sur le chemin près de l’esplanade menant à l’église du collège. Ces 68 noms représentent les anciens, éducateurs et pères du collège, qui ont fait ou subi la guerre, qui, martyrisés, ont perdu la vie.
« L’idée n’est pas nouvelle, mais sa mise en exécution et son adoption ont été maintes fois décalées, jusqu’au jour où le père Bruno Sion a décidé de proposer ce projet à la communauté jésuite, souhaitant inaugurer ce mémorial avant son départ. Malheureusement, et en raison de certains retards, son souhait n’a pas pu être exaucé», explique, à Magazine, le père Charbel Batour, recteur du collège. «J’ai donc accompagné ce projet, dit-il, et nous avons décidé de fixer la date de l’inauguration au 21 novembre en principe, sachant qu’une petite cérémonie se déroulerait également le 6 mai 2016», souligne-t-il.
L’idée est née, en 1978, avec Jean Darwiche, Amine Rizk… anciens du collège (promo 1979), alors en classe de 1ère, ainsi que Manuel Gemayel décédé lors de la guerre et dont le nom figurera dans la liste des martyrs. «Nous avons pensé à ce projet sans pouvoir pour autant aller plus loin à cause de la Guerre des Cent jours, puis d’une série d’événements qui ont entravé son exécution, jusqu’à ce que Joseph Otayek, ancien de la promo 1980, a pris la relève et a proposé l’idée du mémorial au recteur», confie Darwiche à Magazine. Le projet retenu, au terme du concours lancé par le collège aux anciens, est celui conçu par Racha Hage Chahine et Léa Bou Chédid, toutes deux diplômées de l’Alba (Académie libanaise des Beaux-arts). «Ma volonté d’intervenir de manière simple, modeste et digne du collège, affirme Racha, m’a effectivement poussée à aller dans le sens d’un tel projet. Quand le mot ‘‘martyr’’ est évoqué, c’est la notion de silence qui me vient à l’esprit. Personnellement, ce terme fait allusion au rituel du ‘‘lever du drapeau’’ pratiqué régulièrement à Jamhour et comportant trois moments cruciaux: le chant de l’hymne national, la prière et la glorification de la vierge Marie et, finalement, la minute de silence destinée à rendre hommage aux martyrs de la guerre». «Réaliser ce projet constitue, pour moi, un moyen d’exorciser cette minute de silence, de la concrétiser», poursuit l’architecte.
Quant aux difficultés rencontrées, Racha Hage Chahine cite notamment la récolte de fonds pour le financement du projet, ainsi que la collecte de données et précises concernant les martyrs et leurs familles. Cependant, et malgré ces petits obstacles, la volonté de rendre hommage aux martyrs de la guerre et anciens du collège a pris le dessus.
Natasha Metni