Calme à l’intérieur, violence à l’extérieur. C’est la formule qui résume le mieux la situation au centre-ville, dans le périmètre du Sérail gouvernemental et du Parlement. Mais aucune décision de fond n’a été prise. C’est comme si l’objectif du dialogue national et du coup de force contre les manifestants était principalement de préparer le terrain libanais aux développements régionaux en gestation…
Comme si un ange était passé au-dessus des têtes des participants au dialogue national. La seconde séance a été marquée par le calme des discussions et la profondeur des arguments. C’est du moins ce qu’ont unanimement déclaré les participants à la réunion de mercredi, après la levée de la séance. Il faut dire aussi que le chef du Bloc du Changement et de la Réforme, le général Michel Aoun, s’était excusé auprès du président de la Chambre invoquant la maladie. Il avait même proposé, dans un coup de fil à Nabih Berry, de déléguer le député Ibrahim Kanaan pour le remplacer aux côtés du ministre Gebran Bassil, nouveau chef du Courant patriotique libre (CPL), mais Berry aurait estimé que ce n’était pas nécessaire. Des sources proches de Rabié précisent, toutefois, que le général Aoun a préféré ne pas participer à la seconde réunion après les attaques systématiques dont il avait fait l’objet, au cours de la séance précédente, de la part de l’ancien Premier ministre, Fouad Siniora, et du ministre des Télécommunications, Boutros Harb. Mais, d’un autre côté, le leader du CPL ne veut pas non plus paralyser le dialogue, convaincu qu’il faut lui donner toutes ses chances, parce qu’il est la seule voie possible pour sortir de la crise actuelle.
En réalité, les protagonistes savaient donc que le général Aoun n’assisterait pas à la séance de mercredi et, du coup, les débats étaient plus détendus dans la forme, mais non dans le fond, les parties présentes étant convaincues de la nécessité de maintenir le dialogue, même à son niveau minimal, car la seule alternative est la rue et ses débordements.
Toutefois, selon les informations recueillies, il est clair que les positions restent très éloignées. Les agendas des deux camps sont à l’opposé. Le 14 mars veut donner la priorité à l’élection présidentielle, qui sera suivie de la formation d’un gouvernement chargé d’organiser des élections législatives après l’adoption d’une nouvelle loi électorale. Le général Aoun et le 8 mars veulent, au contraire, commencer par l’organisation d’élections législatives sur la base d’une nouvelle loi électorale préparée par l’actuel gouvernement. Le nouveau Parlement, issu de ces élections, serait chargé d’élire un nouveau chef de l’Etat. Selon l’un des participants à la réunion du dialogue, tout le problème est donc là. Les discussions sur un éventuel amendement constitutionnel pour permettre l’élection du président de la République au suffrage universel ne sont que des vues de l’esprit, aucune partie politique n’étant convaincue que cette proposition a ses chances d’aboutir. D’ailleurs, à la fin de la réunion, le vice-président de la Chambre, Farid Makari, a été très clair sur la question, affirmant que l’élection du président par le peuple est irréalisable actuellement. Il est clair aussi que Nabih Berry lui-même n’est pas favorable à cette formule, dans la mesure où elle enlève au Parlement une prérogative importante, celle d’élire le chef de l’Etat…
Les discussions autour de la table ronde du dialogue au troisième étage du Parlement ont donc été sérieuses, calmes et profondes, mais elles n’ont permis aucune percée significative. Les débats tournent en rond et il est clair que, dans le schéma interne et régional actuel, aucune partie n’est prête à faire des concessions à l’autre. C’est d’ailleurs pourquoi les participants ont déclaré, à la fin de la réunion, qu’il s’agit d’un long processus. Ce processus est toutefois menacé par la position du général Aoun qui pourrait aussi décider de ne pas venir à la prochaine réunion, fixée à mardi 22 septembre.
D’ici-là, les contacts vont se multiplier pour maintenir ce filet de dialogue et convaincre Michel Aoun de participer personnellement aux discussions pour leur donner un caractère plus global et plus officiel. Pourtant, en dépit de la position pas encore tranchée du CPL, les milieux du 14 mars restent convaincus qu’un compromis est possible dans les prochains mois, en parallèle aux développements régionaux et internationaux.
Joëlle Seif
Des dizaines d’arrestations
L’appui clair de la communauté internationale au gouvernement a poussé les forces de l’ordre à réprimer sévèrement, mercredi, les manifestants de la société civile. Profitant des protestations organisées simultanément à la réunion du dialogue, les forces de l’ordre ont effectué de vastes rafles parmi les manifestants, dans une tentative de couper le mouvement et de séparer la tête de la base, pour mieux le vider de son contenu. Plus de 45 personnes, dont les principales figures du collectif du 29 août, ont été arrêtées, semant la confusion au sein du mouvement de protestation. Arrêter, intimider et paralyser… N’est-ce pas pourtant l’attitude de celui qui a peur? Et comme un malheur n’arrive jamais seul, les contestataires ont été attaqués à coups de pierres et de bâton par des bandes de jeunes qui entendaient protester contre les «injures proférées à l’encontre du président Nabih Berry».