Dans une interview recueillie par Magazine, Nada Abdelsater-Abusamra, présidente de l’Association libanaise pour la transparence, assure que «c’est une première au Liban qu’un ministre accepte de gérer un dossier dans la transparence, permettant aux représentants de la société civile de suivre l’évolution des choses de près».
Appuyez-vous le plan du ministre de l’Agriculture, Akram Chéhayeb, pour résoudre le problème des déchets?
Nous ne sommes pas experts en politique environnementale, mais le plan a l’air de convaincre les spécialistes en la matière. Le plus important dans l’affaire, et c’est une première au Liban, c’est qu’un ministre accepte de gérer un dossier dans la transparence, permettant aux représentants de la société civile de suivre de près l’évolution des choses. En tant qu’association, nous sommes concernés par la transparence et nous la réclamons sans cesse. D’ailleurs, cela fait des années que nous demandons que le Parlement adopte la loi donnant droit à l’accès à l’information, mais en vain. Tant que cette loi n’est pas adoptée, il est difficile d’intervenir légalement contre les ministères qui ne respectent pas la transparence. Or, ce qui s’est passé, c’est que, dans une émission télévisée à laquelle nous avons participé, nous avons réclamé le droit de rester autour de la table pour observer de près ce qui se passait. Le ministre Akram Chéhayeb est intervenu en direct et a accepté notre requête. Nous avons saisi cette occasion au vol et avons délégué un représentant, Yehia Hakim, secrétaire général de l’association, pour qu’il puisse assurer le suivi.
Ainsi, la société civile a-t-elle été autorisée à se réunir de façon régulière avec le ministre pour suivre les choses.
Appuyez-vous les manifestations organisées par divers mouvements qui dénoncent le manque de transparence et la corruption?
Oui, j’appuie certes ces manifestations. D’ailleurs, j’étais dans la rue à leurs côtés. Ces mouvements sont légitimes, parce que le gouvernement fait preuve d’une incompétence exceptionnelle, mais aussi se rend coupable de corruption. Concernant précisément le dossier des déchets, il a été traité avec une arrogance inadmissible, pensant que le citoyen allait faire comme si de rien n’était.
Ces agressions visent la personne dans son humanité et non seulement dans ses droits les plus élémentaires.
Or, ces jeunes et ces moins jeunes se sont insurgés et ont fini par changer les choses, puisqu’ils ont fait vaciller le monopole de Sukleen, ont réussi à imposer quelque part la décentralisation en impliquant les municipalités dans la gestion des déchets. On peut dire que, sans ces mouvements de protestations qui ont eu lieu, on n’en serait pas là. On leur doit beaucoup. Vous savez, ces mouvements me rappellent le jour du 14 mars 2005, quand des milliers de Libanais sont descendus dans la rue pour dénoncer le viol permanent de leur dignité. Chaque citoyen s’est senti concerné ce jour-là par l’assassinat de Rafic Hariri mais pas seulement. Chaque Libanais a voulu dire: «Non! Je n’accepte plus d’être bafoué de la sorte» et cela, quelle que soit son appartenance communautaire ou confessionnelle et même partisane.
Comment allez-vous poursuivre vos requêtes concernant la transparence. L’ouverture du ministre Akram Chéhayeb n’est peut-être qu’un coup médiatique pour calmer les esprits?
En effet, au fil des années, nous avons pu constater que la corruption est dans tous les ministères, et c’est pourquoi nous militons sans cesse pour demander l’accès aux informations. Mais quand un ministre nous permet d’observer de près ce qui se passe, nous ne pouvons que sauter sur l’occasion.
D’ailleurs, dès cette semaine, sur notre site web, les citoyens peuvent suivre l’évolution des développements et nous dénoncerons sévèrement tout manquement aux promesses et à la transparence.
Propos recueillis par Danièle Gergès