Placé en situation de «confrontation avec le gouvernement», tel que l’a assuré, à Magazine, l’ancien ministre Charbel Nahas, le mouvement civil a proposé un plan alternatif avec l’aide de cinq experts. Dans quel contexte politique s’inscrit ce plan? Quelles en sont les différentes phases?
La décharge de Naamé ayant fermé ses portes le 17 juillet 2015, après l’approbation du gouvernement libanais (cette fermeture étant supposée être permanente et irréversible), les protestations populaires n’ont pas tardé à se manifester, comme conséquence de l’incompétence du ministère de l’Environnement et de l’impuissance politique à trouver une solution au problème de l’accumulation des déchets dans les rues du pays. Le gouvernement ayant également renoncé à lancer un appel d’offres pour des raisons qui relèvent de la corruption et du népotisme, les protestations ont aussi poussé le ministre de l’Environnement, Mohammad Machnouk, à se désister du suivi du dossier des déchets, et à «livrer» cette mission au ministre de l’Agriculture, Akram Chéhayeb. Ce dernier a procédé à la création d’un comité d’experts (dont 6 des 9 avaient déjà travaillé avec lui dans des projets) pour la présentation d’un plan de «rescousse». Il s’est avéré, par la suite, que le plan, qui manque de véritables dispositions de réformes, n’a pas été inclus en annexe dans les décisions prises par le Conseil des ministres. Il est apparu aussi que ce projet cherche à contourner l’opinion publique par le biais de transactions jugées «suspectes» par les collectifs de la société civile, telles que le projet Lenore, mais aussi par la prolongation des contrats conclus avec des entreprises et des institutions accusées de corruption.
Le plan Chéhayeb contesté
C’est donc dans ce sens que le mouvement populaire a émis un certain nombre de revendications, à savoir la démission du ministre Mohammad Machnouk, pour avoir omis de remplir ses fonctions, le déblocage des fonds municipaux provenant de la Caisse autonome des municipalités et l’ouverture d’un compte, l’annulation de l’arrêté ministériel n°1 en date du 1er décembre 2015, ainsi que de toutes les décisions qui s’y rapportent, et finalement l’achèvement de l’enquête du procureur général jusqu’à la révélation des résultats du degré de corruption atteint dans l’affaire des déchets.
«Les allégations du ministre Chéhayeb, qui consistent à dire que le tri des déchets est susceptible de ‘‘produire’’ uniquement 9% de matières recyclables et que l’augmentation de ce pourcentage ne peut se faire que si la technique du tri à la source est adoptée, sont incorrectes», pouvons-nous comprendre d’après le plan proposé par le mouvement civil. En considérant que cette affirmation soit juste, ce seraient les bennes à ordures ménagères qu’il faudrait «blâmer», ces dernières «broyant» verre et plastique, rendant le recyclage quasi impossible. En n’ayant pas recours à ce broyage des déchets, «nous pouvons recycler plus de 35% des ordures et transformer plus de 55% de matières organiques en compost». Plus encore, les 10% considérés matériaux sporadiques (issus des chaussures, tissus, cuir …) que le mouvement civil propose de transférer aux propriétaires d’usines responsables de la restauration des lieux «déformés».
Les usines existent
Il existe, outre les usines de tri de la Quarantaine et de celle de Amrousieh (qui peuvent accueillir 3 000 tonnes de déchets par jour), d’autres usines plus petites (pouvant recueillir près de 1 500 tonnes par jour) capables de trier tous les déchets du Liban. Ces usines ne demandent aujourd’hui qu’à fonctionner.
Le mouvement civil considère, premièrement, qu’il est impératif d’œuvrer au renforcement du principe du tri à la source et de prendre les mesures juridiques nécessaires à cet égard avec l’imposition d’un calendrier spécifique, qui sera distribué aux citoyens (pour les tenir au courant des dates de ramassage des déchets). Le tri à la source permettrait ainsi de faciliter le travail des usines de tri et le traitement des déchets de façon appropriée. Deuxièmement, l’Etat devra être en mesure d’assumer ses responsabilités envers les municipalités dans le cadre de la protection de l’environnement en mettant en place des directives fixes. Troisièmement, il s’agit de renoncer au recours aux bennes qui compressent les déchets et d’éviter de conclure tout contrat avec les entreprises qui utilisent ces camions pour la transportation des déchets. En ce qui concerne l’accumulation des déchets sur les routes, il est aujourd’hui difficile de procéder au tri manuel. Cependant, deux techniques permettent de résoudre le problème actuel: exposer les déchets à l’air libre dans des conditions sanitaires et écologiques qui ne nuisent ni à l’environnement, ni à l’homme, pour que les ordures sèchent et perdent de leurs poids, afin de pouvoir procéder au tri. L’autre procédé consiste à regrouper les ordures dans des «enveloppes» en plastique fermées, pour une durée de six mois, chaque «enveloppe» pouvant contenir environ 500 m2 de déchets. Une technique qui facilite aussi par la suite le tri.
Natasha Metni
Application immédiate
Interrogé par Magazine, l’ancien ministre Charbel Nahas explique que le plan du mouvement civil se distingue de celui de Chéhayeb par le fait qu’il est applicable dans l’immédiat. «Les décisions à considérer dans le cadre du plan Chéhayeb n’ont toujours pas été prises en Conseil des ministres», affirme l’ancien ministre. Etabli avec l’aide de cinq experts «ce plan vise donc à privilégier le stockage et le traitement des ordures accumulées, au lieu de les placer telles quelles dans des décharges, à optimiser les infrastructures existantes et à lancer une grande campagne en faveur d’un tri à la source, qui rendra cette pratique obligatoire et qui commencera immédiatement et non après dix-huit mois, comme prévu dans le plan Chéhayeb», explique Paul Abi Rached, président de l’association T.E.R.R.E. Liban et activiste.