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Nº 3023 du vendredi 16 octobre 2015

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ACTUALITIÉS

Les médias et la protestation de la société civile. De l’information à la manipulation

Dans le contexte sociopolitique dans lequel nous vivons, il est fort difficile de ne pas deviner à quel bord tout média libanais appartient. Cela transparaît encore plus aujourd’hui au niveau des manifestations qui prennent lieu dans notre pays. La presse est allée au-delà de son métier qui consiste à informer.
 

Non seulement les médias prennent parti avec ou contre les manifestants, mais aussi, ils se font parfois le porte-parole officieux ou l’accusateur public. En quoi consiste le véritable métier de journaliste? Pourquoi faisons-nous face parfois à des abus du métier?
«Les médias ont-ils manqué à leur devoir d’observateur impartial? Et d’ailleurs existe-t-il un observateur impartial? A la lumière de l’échec du pouvoir à gérer efficacement l’administration publique, face à son incapacité à organiser un débat entre les Libanais et à aboutir à des solutions politiques durables, n’est-il pas du droit, et même du devoir des médias, ce quatrième pouvoir, de remplir le vide à leur façon?». A ces questions posées par Amine Issa, responsable du Master en information et communication à l’Université Saint-Joseph, quatre interv
enants ont tenté de répondre.
Paul Khalifeh, rédacteur en chef de L’Hebdo Magazine, a insisté sur le rôle du journaliste face à l’événement. Selon lui, l’information immédiate se situe, de nos jours, au cœur de l’événement, et ce, grâce à la technologie. «Elle nous rapporte une image commentée, mais qui souvent ne tient compte ni de l’avant ni de l’après de l’événement. Devant les exigences de l’audimat, du sensation
nel, de la livraison d’une information brute et immédiate, l’informateur, lui-même influencé par l’émotion du moment et ayant sa propre sensibilité, se trouve souvent en train d’induire en erreur plus que d’informer», explique Khalifeh pour qui cette «affaire» ne constitue pas un simple sujet, mais plutôt une problématique. Celle-ci est d’autant plus complexe que nous pouvons constater que le «monde est entré de plain-pied dans l’hyper-communication, caractérisée par le fait que chacun d’entre nous est soumis tous les jours à un flux d’informations tellement dense, intense et insistant qu’on a du mal à faire la distinction entre le vrai et le faux, entre ce qui est crédible et ce qui l’est moins, ce qui est croyable et ce qui est improbable». Avec, comme l’indique Khalifeh, des journalistes qui en font toujours trop et une opinion publique qui en demande toujours plus, nous avons tendance à oublier quel est l’objectif fondamental du métier de journaliste. «Est-ce qu’il s’agit d’orienter l’opinion publique, de la tenir par la main pour lui déblayer le chemin et l’amener subtilement dans une direction déterminée pour qu’elle fasse un choix qui a été décidé pour elle d’une manière intelligente? Est-ce que l’objectif réside en la manipulation, puisque beaucoup de médias et de journalistes se livrent à une manipulation éhontée qui consiste à induire les gens en erreur?», se demande Khalifeh en évoquant l’exemple de Joseph Goebbels.
 

L’info dans son contexte
D’après le rédacteur en chef de L’Hebdo Magazine, la mission d’un journaliste est d’informer. «Or, informer n’est pas seulement rapporter ce qu’on a vu, c’est aussi le situer dans un contexte, l’expliquer et essayer d’en connaître les possibles conséquences», ajoute Paul Khalifeh. Tenu par trois cadres (juridique, éthique et professionnel), le métier de journalisme est d’abord régi par des lois. «Un journaliste n’est pas au-dessus des lois. Ces lois édictent ce que l’on peut faire et dire», affirme l’intervenant. Pour évoquer le cadre éthique et moral, il donne l’exemple de plusieurs chartes, dont celle de Munich, qui date de 1971, et qui établit une longue liste de ce qu’un journaliste doit et ne doit pas faire pour pratiquer son métier correctement. Quant aux règles professionnelles, celles-ci consistent à se poser les questions suivantes: «Un journaliste a-t-il le droit ou peut-il s’identifier à l’événement qu’il est en train de couvrir? Une immersion excessive dans l’événement lui permettra-t-elle de garder le recul nécessaire pour pouvoir pratiquer son métier qui est celui d’informer? Un journaliste doit-il choisir un camp? S’il choisit un camp, sur quelles considérations s’est-il basé pour choisir ce camp? Est-il alors pris pour crédible dans la poursuite de sa mission?». Pour Khalifeh, les journalistes doivent se lancer dans l’éducation aux médias et aux règles de leur métier parce qu’«une immersion excessive dans la couverture d’un événement ne peut aboutir qu’à des excès, à des abus et à 
des dérives».
De son côté, Georges Eid, reporter à la MTV, a mis l’accent sur l’importance pour les activistes de maîtriser les dossiers qu’ils défendent pour plus d’efficacité. Le journaliste a expliqué couvrir les événements avec «innocence», dans la mesure où il ne porte pas de jugement de valeur sur les revendications avancées par les manifestants.
Premier à prendre la parole, l’activiste et ancien journaliste, Paul Achkar, a axé son intervention sur les objectifs du mouvement de protestation.

Natasha Metni
 

Watchdog
Selon Michel Touma, rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour, l’un des principaux intérêts du mouvement civil c’est qu’il a avancé une idée qui était négligée depuis bien longtemps, qui est celle de réclamer des comptes aux responsables officiels. C’est un point fondamental dans toute société qui se veut démocratique. Plus encore, quand il y a un mouvement de protestation civile, il faut qu’il y ait un cadre qui joue le rôle de «Watchdog» et qui interpelle les responsables, protège d’une certaine façon le public des abus de pouvoir des puissances politiques et financières et dénonce lorsqu’il y a dérapage. C’est ce rôle que le quotidien L’Orient-Le Jour a décidé d’adopter.

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