Dans une interview accordée à Magazine, Alain Aoun, député de Baabda (Courant patriotique libre), considère inadmissible que la situation soit aussi désolante tant sur la question des déchets que sur le plan politique. Il laisse entendre qu’il n’y aura pas de solutions tant que les chrétiens ne récupèrent pas leurs droits et que le conflit syrien n’est pas réglé.
Le Liban est dans l’impasse et les forces politiques ne contribuent pas à faire avancer les choses. Les images des déchets envahissant les rues sous la pluie ont définitivement terni la réputation des responsables. Qu’en pensez-vous?
La situation est triste. Désolante. Nous devons réussir à la débloquer. Après tout ce temps, la crise des déchets n’est toujours pas résolue. Ce dossier auquel nous devons trouver une solution scientifique a été «confessionnalisé». C’est là que réside la principale difficulté. Je ne comprends pas pourquoi soudain nous en sommes arrivés là, alors qu’au temps des dépotoirs de Naamé, tous les déchets étaient traités sans que nul ne s’inquiète de la région d’où ils provenaient.
La table du dialogue initiée par le chef du Parlement, Nabih Berry, n’a pas porté les fruits attendus, jusqu’à présent. Chaque semaine, le général Michel Aoun menace de s’en retirer. Pourquoi ne le faites-vous pas?
Nous ne voulons pas porter la responsabilité de l’échec de ce dialogue. Depuis le départ, nous avons fait preuve de bonne volonté, mais les choses n’évoluent pas. Le Courant du futur doit reconnaître, une fois pour toutes, l’ampleur du problème: nous pensons qu’en vue d’assurer la stabilité du Liban, nous devons renforcer l’équilibre au sein des institutions entre les composantes du pays. Pour cela, retrouver un rôle chrétien essentiel sur la scène interne est fondamental. Or, les chrétiens pâtissent déjà d’une loi électorale qu’ils considèrent injuste à leur égard, même si la parité a été consacrée à Taëf, tandis qu’au niveau de la présidence, dont les prérogatives ont déjà été affaiblies, ils ont souvent été confrontés à des scénarios qui ne prennent pas en compte la volonté de leur électorat. Notre principal argument, celui de la représentativité chrétienne, n’est pas retenu. Le problème de la présidentielle ne réside pas uniquement dans le vide actuel mais, de manière plus structurelle, dans l’incapacité des chrétiens à élire, du moins depuis la fin de la guerre civile, un président qui les représente réellement.
Que cela nous plaise ou pas, nous vivons dans un système de partage confessionnel du pouvoir, où la volonté de chaque communauté devrait, théoriquement, s’exprimer de manière représentative dans les principales échéances politiques. Comment sortir de ce cercle vicieux?
Il faut que quelqu’un cède.
Etes-vous prêts à le faire?
Celui qui doit faire des concessions est celui qui détient les clés de la solution. Les chrétiens en font les frais depuis 30 ans, il est temps que l’on reconnaisse leurs droits.
Vos détracteurs disent que vous faites preuve d’une certaine obstination sur ce sujet en vous sentant forts par les développements en Syrie, notamment depuis l’intervention militaire russe. Est-ce vrai?
Nous avons toujours été très fermes sur cette question. Nous avons même fait preuve d’intransigeance parce que nous considérons que c’est notre droit le plus élémentaire. Mais reconnaissons que l’intervention russe a lancé une nouvelle dynamique dans la crise syrienne. Le plus important, c’est qu’elle puisse aboutir à un compromis qui sortira la Syrie de cet enlisement…
D’ici là, la situation politique restera-t-elle bloquée au Liban? Pas de présidence en vue par exemple?
Nous sommes de nouveau à la merci des puissances régionales, le Liban étant l’une des scènes de cette lutte d’influence entre les grands axes régionaux. Nous n’avons pas su profiter de la marge de liberté que nous avions eue. Les forces politiques locales sont dans une logique d’attentisme et ne veulent pas avancer d’un pas avant que les choses ne se décantent dans la région.
Propos recueillis par Danièle Gergès