Inaugurée le 23 octobre dernier, sous la thématique Libres livres, la 22e édition du Salon du livre francophone de Beyrouth se poursuit jusqu’au 1er novembre, au Biel.
«Ce salon est une belle idée devenue succès». Par ces mots, Gérard Larcher, président du Sénat français, entame la 22e édition du Salon du livre francophone de Beyrouth, qui se poursuit ce week-end encore, jusqu’au 1er novembre, au Biel. Devant un public hétéroclite, composé d’ambassadeurs, de sénateurs français, de diplomates, de responsables politiques, culturels et médiatiques, libanais et étrangers, devant les auteurs invités et les citoyens lambda, le coup d’envoi du 22e Salon de Beyrouth est donné sous le signe de la liberté et de la résistance culturelle.
Le plaisir de la lecture
«C’est un salon qui manifeste la vitalité du monde du livre libanais malgré tout, poursuit Gérard Larcher. Il manifeste aussi la créativité des auteurs. C’est un lieu de débat, y compris d’expression, de rencontre et d’émulation intellectuelle. Ce salon, dit-il encore, est celui de la création francophone, non que la francophonie soit très carrée ou un lieu d’exclusion. La francophonie est, par excellence, un monde ouvert qui reçoit, partage, accueille». Brandissant la participation des éditeurs arabophones au Salon du livre francophone, le travail effectué autour de la traduction du français vers l’arabe et de l’arabe vers le français, il estime que le fait de «réfléchir dans la langue de l’un et de l’autre c’est déjà la promesse de mieux se comprendre, faire dialoguer les langues, c’est aussi partager la culture de l’autre».
Partenaires de cet événement de grande envergure, les francophones libanais, français, belges, suisses, canadiens, algériens… ont pris part, chacun à sa manière, à cette ultime célébration libanaise du livre et du mot, cette 22e célébration consacrée aux «Libres livres». Et dans cette allitération, poursuit Gérard Larcher, «on entend vivre libre. Et ce n’est pas, sans doute, un hasard. Le livre est un espace de liberté, pour son auteur bien sûr, mais aussi pour le lecteur qui le reçoit et l’interprète, et pour la société civile tout entière qui le façonne et le fait vivre».
Mettant l’accent sur l’unicité, la particularité du Liban, «comme un pays libre, comme un espace de liberté qui n’existe nulle part ailleurs dans cette région», le président du Sénat français clame haut et fort que «les terroristes comme les tenants des totalitarismes n’écrivent pas des livres, ils pratiquent l’autodafé, ils brûlent les livres, ils en ont peur. Le livre est donc un manifeste en soi de la liberté. Ce salon, estime-t-il ainsi, est donc aussi, «une réponse citoyenne au terrorisme qui embrase la région, le livre est indissociable de la démocratie et de la liberté, le livre est message».
Perturbée par une liberté d’expression rapidement contenue, la cérémonie d’inauguration du salon, qui a eu lieu le 23 octobre, vers 18h, a également été l’occasion pour le ministre de la Culture, Rony Araiji, de réitérer l’importance de cet événement qui prend de plus en plus d’ampleur. Soulignant la justesse de la thématique de ce 22e salon, «qui convient à cette période de fanatisme, de dogmatisme et de terrorisme sanglant qui sévit même dans les salles de rédactions où les gens sont assassinés parce qu’ils sont des hommes libres et non seulement des hommes d’écrit». Pour Araiji, «la société civile libanaise a fait son choix: par son engagement au salon, elle affirme qu’elle est libre et vivante, qu’elle rejette l’uniformité et la pensée unique pour préserver notre mode de vie unique».
Loin des discours et des mots répétés, c’est dans les couloirs du Biel, entre un stand et un autre, que les choses se passent, que les livres et les mots s’échangent, que les rencontres se nouent entre auteurs et lecteurs, au détour d’une signature, autour d’un débat, d’une conférence, d’une table ronde. Autour d’une discussion née dans la spontanéité d’un plaisir partagé: celui de la lecture.
Un espace de rencontre, un espace d’échange, mais qui se vit aussi dans l’intimité des goûts personnels, affirmés, qui se développent ou qui n’attendent qu’à germer, parce que les pages d’un livre ont été feuilletées, parce qu’en déambulant dans l’espace du Biel, le regard, curieux et en éveil, est accroché par le titre d’un livre, l’intitulé d’une conférence, d’un débat, une image, une photo, une planche de B.D. exposées… par la multitude de sujets à l’ordre du jour, que ce soit en littérature, cinéma, musique, patrimoine, politique, bande dessinée, histoire… C’est aussi les auteurs qu’on attend impatiemment de rencontrer pour discuter des choses qu’on aime, des choses qu’on partage, qu’on partagera au fil de la discussion. Tous les auteurs s’accordent à le dire, l’écriture, au-delà de toutes les raisons qui poussent à «prendre la plume» est un geste, un acte altruiste, un acte d’ouverture vers les autres. C’est pour pouvoir rencontrer des gens que j’écris, dit Dany Laferrière. Et quelques minutes plus tôt, il était là effectivement, partageant sa table de signature avec un «amoureux du livre», les mots dansant dans un va-et-vient animé et souriant. A l’image du Salon du livre francophone de Beyrouth qui restera, malgré tout, un espace ouvert à la liberté et à l’échange.
Nayla Rached
www.salondulivrebeyrouth.org