Magazine Le Mensuel

Nº 3025 du vendredi 30 octobre 2015

general

Dialogues. Verbiage politique, impasse institutionnelle

D’une réunion de dialogue à l’autre, le verbiage politique se poursuit, face à un horizon totalement bouché. Les protagonistes discutent des caractéristiques du futur président de la République, alors que les déchets envahissent les rues. Le Liban est otage de la classe politique, laquelle est elle-même otage des parrains régionaux. Résultat: on parle du sexe des anges, laissant les détails aux multiples démons de la discorde.

D’une semaine à l’autre, la principale réalisation de la classe politique est de dire aux Libanais que «le dialogue est maintenu». Comment les protagonistes de ce dialogue occupent-ils les trois heures de chacune de leurs réunions? C’est un véritable mystère. Les déclarations faites après les réunions font croire que le dialogue avance et les contours du futur président se précisent. Mais au fond, nul n’est dupe. Chacun de son côté attend les développements régionaux pour définir ses choix et tant pis pour le peuple… Cette semaine politique a pourtant été riche en réunions: la première a eu lieu lundi entre les différents protagonistes du dialogue national, en dépit de l’absence de plusieurs personnalités comme le chef du bloc parlementaire du Courant du futur, Fouad Siniora, le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, et le ministre des Télécoms, Boutros Harb, alors que le parti Kataëb a carrément annoncé sa volonté de boycotter désormais ces réunions. La seconde a réuni le nouveau (en fait, c’est le même, mais son mandat vient d’être reconduit) bureau de la Chambre dans le but de s’entendre sur l’ordre du jour de la prochaine réunion parlementaire générale et la troisième a eu lieu à Aïn el-Tiné entre les représentants du Courant du futur et ceux du Hezbollah, en présence du ministre Ali Hassan Khalil. Pourtant, en dépit de toute cette activité apparente, aucun progrès important n’a été enregistré, ni au niveau du dialogue national, ni dans le cadre du dialogue bilatéral, ni entre les députés membres du bureau de la Chambre. La situation pourrait être risible si elle n’était pas aussi tragique pour les Libanais privés de leurs droits élémentaires et menacés, désormais, dans leur santé.
Selon le 8 mars, c’est au 14 mars et, plus particulièrement, au Courant du futur de prendre l’initiative et de faire des propositions acceptables à leurs partenaires dans la nation. C’est d’ailleurs dans ce but que cette année, la commémoration de la Achoura par le Hezbollah a pris une nouvelle dimension, avec les deux apparitions successives du secrétaire général, sayyed Hassan Nasrallah, au milieu d’une foule immense, défiant ainsi les consignes de sécurité. Nasrallah a voulu par ce biais adresser un message clair au camp adverse en lui disant: «Nous sommes plus forts que jamais. Cessez donc de miser sur notre affaiblissement et sur notre enlisement dans la guerre en Syrie. Acceptez de faire des concessions puisque c’est vous qui bloquez toutes les questions importantes, de la présidence au fonctionnement du gouvernement, de la loi électorale à la crise des déchets, et ne comptez pas sur un renversement de situation régionale». De son côté, le Courant du futur fait assumer au Hezbollah et à son allié la responsabilité du blocage en l’accusant de vouloir imposer son candidat à la présidence, ainsi qu’une nouvelle loi électorale basée sur le mode de scrutin proportionnel, tout en refusant d’assumer sa part de responsabilité dans le règlement de la crise des déchets en installant une décharge dans les régions chiites de la Békaa. Dans ce contexte de radicalisation, il n’y a donc aucune possibilité d’instaurer un véritable dialogue, d’autant que dans les milieux proches du 14 mars on considère que l’offensive militaire russe en Syrie est vouée à l’échec et qu’il s’agit donc de patienter quelques mois pour assister à une débandade du Hezbollah et de ses alliés en Syrie, qui aura forcément des répercussions sur sa position au Liban. Face à ce pari du 14 mars, le Hezbollah affiche une grande confiance dans l’avenir et dans ses victoires à venir, selon les termes de Nasrallah.
Entre les deux, le Premier ministre, Tammam Salam, appuyé par le président de la Chambre, Nabih Berry, essaie de tenir contre vents et marées, sachant qu’il ne peut pas démissionner puisqu’il n’y a pas de président à qui présenter sa démission et qu’il ne peut pas non plus résoudre le moindre petit problème en l’absence de consensus général.

Joëlle Seif

Retour de Hariri?
Dans les milieux proches du Courant du futur, il est de plus en plus question d’un retour au Liban du chef de ce courant, cheikh Saad Hariri, avant la fin de l’année. Contrairement à ce qui se dit publiquement, Hariri serait prêt à conclure un compromis avec le Hezbollah au sujet de la présidence et du prochain gouvernement, car son absence prolongée favorise un éclatement de son courant en aiguisant les appétits de ses héritiers potentiels.

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