A la suite de la destruction de la banque mondiale de semences basée à Alep, décision a été prise d’envoyer environ 38 000 échantillons de semences de blé, orge, lentilles, etc. au Maroc et au Liban, afin de reconstituer les stocks. Explications.
Environ 38 000 échantillons de semences, comportant notamment du blé, de l’orge, des lentilles ou encore des pois chiches, ont été secrètement envoyés au Maroc et au Liban, dans des stations de recherches exploitées par le Centre international de recherche agricole dans les zones arides (Icarda). Les deux pays ont été choisis pour se rapprocher du climat syrien.
Différentes variétés de blé, orge, lentilles, pois chiches, soit 71 boîtes, sont parties en direction du Maroc, et fourrages, féveroles, pois, céréales, légumineuses, soit 51 boîtes, ont été envoyés au Liban.
Le Liban et le Maroc ont été choisis pour abriter ces stocks, afin de les reconstituer dans des pays voisins de la Syrie, mais pas en Syrie, à cause du conflit actuel, a déclaré à l’AFP Asmund Asdal, le coordinateur de la réserve de semences. Ainsi, «les semences ont quitté secrètement (en septembre) la réserve mondiale de semences du Svalbard, en Norvège, à destination du Maroc et, pour un certain nombre d’entre elles, vers le Liban», rapportait également l’agence Associated Press. Cette opération, d’une importance vitale pour la poursuite des cultures vivrières de la planète, a été rendue obligatoire, du fait de la destruction de la banque de gènes d’Icarda dans la ville d’Alep. L’entrepôt frigorifique de semences d’Alep est toujours opérationnel, mais le personnel ne peut plus utiliser les terres environnantes pour reconstituer les stocks. Or, il s’agit d’un aspect extrêmement important du travail d’un organisme, qui distribue en temps normal environ 25 000 échantillons chaque année à ses partenaires, selon Icarda.
Le centre a «demandé à récupérer des graines (de la réserve mondiale, ndlr) pour reconstituer ces stocks». Selon les responsables de la réserve de semences, c’est la première fois que des graines ont été retirées de la réserve, depuis sa création en 2008. Le transfert a fait l’objet d’une discrétion absolue afin d’éviter tout problème de sécurité, voire une utilisation à des fins différentes. L’enjeu est énorme, puisqu’il s’agit là d’assurer la survie de nombreuses espèces menacées. La banque génétique d’Icarda, basée à Alep, détenait par exemple des espèces très anciennes, 65% correspondant à des races primitives qui, depuis des milliers d’années, ont aussi développé des gènes robustes. Figurent également des «parents» de céréales, légumineuses et fourrages recueillis dans les régions du Croissant fertile, ou encore dans les hauts plateaux abyssins en Ethiopie ou dans la vallée du Nil en Egypte. Ceux-ci représentent ainsi une ressource précieuse pour renforcer la résilience climatique des cultures. Cette opération de «récupération de semences» est cruciale. Cela revient à préserver la diversité des cultures et donc à permettre de nourrir les générations futures.
Les semences, conservées à Alep jusqu’à présent, avaient été envoyées vers l’arche de Noé végétale que constitue la Svalbard Global Seed Vault, en Norvège. Une sorte d’immense frigo de la planète, aux allures de bunker, qui assure la survie de nombreuses espèces végétales.
Ainsi, dans des terres à la composition à peu près similaire à celles de la Syrie, les semences pourront être plantées et cultivées. L’Icarda a expliqué, dans un communiqué, que des graines seront aussi utilisées pour répondre aux demandes conjointes des éleveurs, chercheurs et agriculteurs du monde. Pour faire face aux changements climatiques et aux nouvelles maladies, de nouvelles souches pourront être testées et développées.
Jenny Saleh
Une arche de Noé végétale
La réserve mondiale de semences du Svalbard est un peu le Fort Knox des semences de la planète. Ce centre souterrain, situé sur l’île norvégienne du Spitzberg, est destiné à conserver dans un lieu hautement sécurisé des graines de toutes les cultures vivrières de la planète. Surnommé «chambre forte du Jugement dernier», l’«arche de Noé végétale» ou «Coffre-fort de l’apocalypse», l’entrepôt fait office de filet de sécurité pour les quelque 1 700 banques de gènes existant à travers le monde. La réserve «est située dans une région paisible et reculée, et enfouie à plus de 120 mètres à l’intérieur d’une montagne, ultrasécurisée et assure des conditions de conservation optimales à une température de -18°C». Environ 860 000 échantillons de semences ont été déposés par des banques de gènes et des organisations dans le monde, pour sauvegarder leurs propres collections en cas de calamité.