Autre conséquence inattendue de la crise des déchets, la prolifération d’oiseaux autour de l’aéroport de Beyrouth. Un constat qui a de quoi susciter quelques craintes en matière de sécurité aérienne, les oiseaux pouvant s’engouffrer et bloquer les réacteurs d’un avion.
Si l’amoncellement des déchets constitue un risque évident en matière de sécurité sanitaire et alimentaire, il peut devenir aussi un facteur aggravant pour la sécurité aérienne. Depuis l’été, des ordures ont été accumulées autour du périmètre de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB) avec une conséquence, celle d’attirer les oiseaux, comme les mouettes, qui viennent s’y nourrir et parfois y installer leurs nids. A priori, rien de grave. Et pourtant, la proximité d’un nombre croissant d’oiseaux avec l’aéroport pose question, pour la sécurité des avions. C’est d’ailleurs pour cela qu’une équipe restreinte de la Commission parlementaire des Travaux publics et des Transports, menée par son président Mohammad Kabbani, a procédé, la semaine dernière, à une visite d’inspection à l’aéroport. «Les ordures entassées à proximité de l’aéroport attirent les oiseaux et portent atteinte au trafic aérien», s’est inquiété le député, venu en compagnie de Kassem Hachem et Nidal Tohmé. Toutefois, il a affirmé avoir été «rassuré de savoir que l’aviation civile et la sécurité de l’aéroport disposent d’équipements permettant de disperser les oiseaux». Effectivement, comme la plupart des aéroports internationaux, la plateforme de Beyrouth dispose d’équipements mobiles qui diffusent des sons destinés à effrayer les volatiles et les faire fuir. Après s’être réuni avec les responsables de l’aéroport, le président de la commission a ajouté: «Nous essayons de trouver des équipements fixes susceptibles d’avoir le même effet, à l’instar de ceux utilisés dans les aéroports internationaux».
6 000 incidents par an
Ce problème d’amoncellement des déchets à proximité de l’aéroport, qui attire de fait de nombreux oiseaux, n’est pas nouveau. Déjà, durant l’été, six compagnies aériennes avaient informé le Liban qu’elles pourraient interrompre leurs vols vers l’AIB si ce problème n’était pas réglé.
Le «péril aviaire», car c’est ainsi que le phénomène est nommé dans le monde de l’aviation, est bel et bien réel. C’est le terme utilisé pour évoquer le danger de collision entre des oiseaux et des avions. Les chiffres sont impressionnants. Tous les ans, dans le monde, il y aurait en effet pas moins de 5 000 à 6 000 incidents enregistrés avec des volatiles dans l’aviation civile. Tous ne sont pas sérieux, fort heureusement. Car les aéroports internationaux ont chacun leurs méthodes pour se débarrasser de ces encombrants oiseaux. En France par exemple, les aéroports Paris Charles de Gaulle et Paris-Orly sont dotés respectivement de quinze et onze équipes exclusivement consacrées au péril aviaire. Leur travail consiste exclusivement à faire fuir les oiseaux aux abords des pistes. Tirs de fusées détonants, effarouchements ponctuels, torche laser, imitation de cris de détresse, sans oublier la présence d’équipe de fauconniers, tout est bon pour écarter les volatiles. Des tirs à balles réelles sont parfois même effectués quand les autres méthodes ne sont plus efficaces, les oiseaux s’y habituant. De même, les aéroports se prémunissent au niveau de l’aménagement. Les alentours des pistes doivent être exempts de mares, d’eau stagnante ou d’arbres susceptibles de servir de perchoirs aux oiseaux, tout comme de fleurs ou d’herbes hautes où ils pourraient être tentés d’installer leurs nids.
En outre, du côté des avionneurs, la réglementation est très stricte. Les réacteurs et pare-brise des avions sont soumis à des tests de résistance. Un réacteur d’un appareil A320 doit, par exemple, pouvoir supporter la pression de sept goélands d’un kilo et continuer de produire au moins 75% de la poussée de décollage pendant une vingtaine de minutes. Par ailleurs, la structure des avions doit être suffisamment solide pour résister à des impacts d’oiseaux de 1,85 kilo en vitesse de croisière.
Malgré toutes ces précautions, des accidents surviennent encore. Des oiseaux peuvent se prendre dans les pales d’un moteur et le détruire, mettant l’avion en danger. Tout le monde se rappelle l’amerrissage de l’Airbus A320 en baie de l’Hudson, à New York. Le 18 août dernier, au Maroc, un Mirage de l’aviation marocaine s’est écrasé, après une collision avec de grands oiseaux qui avaient provoqué une avarie du moteur. Des cas exceptionnels, qu’il ne faut toutefois pas prendre à la légère.
Jenny Saleh
Miracle sur l’Hudson
L’image de l’Airbus A320 amerrissant dans les eaux glacées de l’Hudson, à New York, en 2009, a fait le tour du monde. Une minute après son décollage depuis l’aéroport LaGuardia, le pilote de l’avion signale «un double choc d’oiseaux». Les volatiles entrent en collision avec l’avion, se coincent et étouffent les deux réacteurs. Les moteurs sont en feu, le pilote obligé de poser l’avion. Un cas rarissime qui s’est finalement bien terminé, puisque tous les passagers s’en sont sortis indemnes, grâce au pilote qui a su garder son sang-froid.