Magazine Le Mensuel

Nº 3029 du vendredi 27 novembre 2015

Rencontre

Afac. Quand l’art et la culture sont prioritaires

Fondé en 2006, l’Arab Fund for arts and culture (Afac) a pour mission, on serait tenté de dire sacrée, de promouvoir l’art et la culture en finançant des artistes et des institutions artistiques. Magazine a rencontré Oussama Rifahi, le directeur exécutif de la fondation, pour mieux connaître Afac qui, par son engagement, ouvre des horizons illimités pour les artistes.

Alors que le monde arabe se dirige vers plus d’obscurantisme et d’ignorance, Afac a décidé de relever le défi et «d’investir» dans l’art et la culture. Après près de dix ans, où en êtes-vous?
Afac a été fondée par un groupe d’activistes culturels, l’idée fondamentale étant de soutenir et de financer l’art et la culture. Il y avait une faille sur ce plan, nous avons essayé de la combler. Dans le monde arabe, il y a une absence marquante de support à la créativité et ce, sous toutes ses formes. C’est donc une fondation indépendante qui recherche des fonds de différentes sources et s’assure, par divers moyens transparents, d’attribuer ces fonds aux artistes arabes vivant dans des pays arabes ou à l’étranger.

Quelles sont vos sources de fonds?
Nous avons différentes sources dont des fondations arabes et internationales, des sociétés privées, des fonds d’investissements, des banques, des mécènes que nous essayons de convaincre de supporter l’art pour le bien général de la société.

A qui attribuez-vous essentiellement ces bourses?
Six catégories profitent de ces bourses. La littérature, les arts visuels, les arts de performance, le cinéma, la musique, des événements régionaux ponctuels comme des ateliers de travail ou des recherches dans le domaine culturel… Nous démarrons chaque année, en parallèle, un programme spécial sur un sujet précis que nous considérons pertinent.

Selon quels critères faites-vous la sélection?
La sélection se fait par le biais de comités composés de jurys indépendants qui changent chaque année. Ces jurys examinent les applications et décident d’attribuer les bourses aux œuvres qu’ils considèrent être les meilleures en fonction de la qualité, de l’innovation, de la pertinence et de la faisabilité. Depuis nos débuts, 800 bourses ont été attribuées, le montant total distribué étant de l’ordre de 15 millions de dollars. Les projets que nous finançons ont été vus par près de 9 millions de personnes et ont contribué à l’emploi de près de 11 000 professionnels. Certes, à nos yeux, les bourses distribuées sont essentielles puisqu’elles permettent aux artistes de s’exprimer mais, pour Afac, ce qui est également important, c’est de développer dans le monde une politique de philanthropie stratégique dans l’art et la culture.

Dans ce contexte, quelle est la principale difficulté qui entrave votre mission?
Le défi que nous relevons en permanence c’est le fait de convaincre les financiers de l’importance de notre mission. Une certaine perception prévaut et consiste à penser que l’art et la culture ne sont pas une priorité dans un monde qui souffre de conflits et de guerres, de crises de toutes sortes. Il s’agit pour tous de réaliser que guérir nos esprits est aussi important que soigner nos plaies physiques. Notre désintégration politique et économique vient, entre autres, de notre négligence du développement culturel.

Quelles sont les plateformes utilisées pour promouvoir Afac?
Nous sommes présents dans des forums, des séminaires, des salons… Nous développons des outils qui permettent à nos investisseurs de jauger de l’impact de l’art et de la culture sur nos sociétés. En fait, nous ne demandons pas la charité pour «les pauvres» artistes que nous finançons, mais nous appelons les gens à être conscients de l’importance d’investir dans les talents. Beaucoup de noms, devenus désormais prestigieux sur le plan mondial, ont pu percer dans le monde artistique grâce à Afac. Le dernier en date est Ely Dagher, le jeune Libanais qui a remporté la Palme d’or au festival de Cannes. Pour plus de détails, toutes les informations sont sur notre site électronique, www. arabculturefund. org
 

Propos recueillis par Danièle Gergès

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