Magazine Le Mensuel

Nº 3031 du vendredi 11 décembre 2015

Editorial

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En lançant son choix de la candidature de Sleiman Frangié, l’ancien Premier ministre Saad Hariri a donné un souffle nouveau à une solution possible qui, selon certains, ne devrait plus tarder à voir le jour et selon d’autres plus sceptiques, l’élection serait reportée au mieux à janvier 2016. Mais toute chose a un prix et au Liban la présidence de la République coûte le plus cher. On n’a pas encore fini d’assister à des surenchères qui ne mènent nulle part. Rien n’est encore dit. Le pays verse chaque jour un peu plus dans la désolation des institutions paralysées et, surtout, plonge dans la conviction d’être laissé pour compte et abandonné aux difficultés quotidiennes qu’aucun des présumés présidentiables n’évoque encore. Les acteurs économiques ont beau lancer des mises en garde contre le danger de la crise que traverse le pays, leurs voix sont étouffées par des intérêts particuliers. Les Libanais ne sont pas dupes de l’inefficacité de ces dialogues en aparté qui n’ont, de toute évidence, qu’un seul but, leur faire oublier qu’il fut un jour où le palais de Baabda avait un locataire.
On pouvait encore prêter aux acteurs de la tragédie des négociations stériles, la bonne foi de l’effort, mais certainement pas le savoir-faire ni le savoir-gérer une crise nationale de cette gravité. Depuis bientôt dix-huit mois, les pontes de la République continuent à piétiner et à tourner en rond, donnant le tournis à un peuple qui n’aspire qu’à en finir avec ces supposées rencontres sans issue. Les quatre ténors maronites réunis sous la houlette de la plus haute autorité spirituelle de leur communauté promettent, la main sur le cœur, que quel que soit celui d’entre eux qui accède à la fonction suprême de l’Etat, les autres applaudiraient et le soutiendraient. Mais alors que les réactions des concurrents étaient prévisibles, ces derniers sont restés étonnamment discrets et la contestation est venue d’ailleurs. Il est vrai que le président élu devra assumer la responsabilité de l’ensemble de la population et non celle de sa seule communauté. Il jurera de respecter la Constitution et d’œuvrer à sauvegarder la totale indépendance du pays. Mais que peut-on attendre des élus du peuple qui, plutôt que de se rendre dans l’hémicycle, pour afficher leur choix, continuent à faire la navette entre Paris et Riyad en quête d’appuis, alors qu’ils sont sans cesse renvoyés dos à dos et à leur seule conscience?
En 1973, alors qu’une crise aiguë, parmi tant d’autres, secouait le pays, le Premier ministre de l’époque, Takieddine el-Solh, déclarait avec une solide conviction devant un groupe de journalistes, que le Liban n’avait qu’une trentaine d’années d’indépendance et avait donc encore besoin d’une tutelle, en l’occurrence celle de la Syrie, dont le président de l’époque, Hafez el-Assad, était l’ami de son homologue libanais, l’ancien président Sleiman Frangié. Plus de quarante ans plus tard, qu’est-ce qui a changé, sinon peut-être les tuteurs?
Il serait temps, pour les sommités de la République, de comprendre que la masse citoyenne du pays, ne se soucie guère, mises à part quelques exceptions partisanes, du nom du président qui lui sera, en tout cas, imposé, le Parlement ne représentant plus ses électeurs. Ce que les Libanais souhaitent et espèrent est que chacun des candidats présumés annonce, avec franchise et sans détour, son programme national, son rejet de toute affiliation étrangère, sa détermination à rendre à l’Etat et à l’armée l’exclusivité de la protection du pays, sa politique économique, sociale, éducative et ramène le climat à ce qu’il était auparavant, autrement dit à la liberté, la démocratie et l’autonomie dont il était fier et que lui enviaient ses voisins proches et éloignés, tous ceux qui ont mené la bataille pour ces valeurs et contre la dictature, sans d’ailleurs vraiment y réussir. Quant à nous, nous perdons de plus en plus nos atouts, et nos compatriotes s’exilent vers des cieux plus cléments, mettant au service de leurs pays d’accueil les compétences qu’ils ont acquises dans nos universités. Les exemples dont les échos nous parviennent nous flattent et nous désolent. Il serait temps de remettre enfin de l’ordre au plus haut sommet de la République.

Mouna Béchara

 

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