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Nº 3033 du vendredi 25 décembre 2015

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Fêtes de fin d’année. Nouvel espoir pour la nightlife libanaise?

A une semaine du Nouvel An, les professionnels de la restauration et de la nuit sont sur le qui-vive. Malgré un moral des ménages au plus bas et des crises à n’en plus finir, on s’affaire pour ne pas manquer un des événements les plus importants de l’année.

Les Libanais ont-ils toujours le cœur à la fête? Beyrouth est-elle toujours la capitale de la nuit? En cette fin 2015, il semble bien que pour la première fois, l’inébranlable réputation des Libanais à faire la fête envers et contre tout soit sévèrement mise à l’épreuve.
A une dizaine de jours du Nouvel An, Tony Ramy, le président du syndicat des restaurateurs et des établissements de nuit, ne cache pas sa déception. Car pour le secteur qui avait déjà dû subir les affres de la crise syrienne et ses conséquences sur l’économie libanaise et le tourisme, la Saint-Sylvestre représente une occasion à ne pas manquer en termes de revenus.
Selon les estimations de Ramy, le chiffre d’affaires du secteur dans son ensemble (restaurants, pubs, boîtes de nuit) aurait au moins plongé de 40% depuis 2011, soit environ une baisse moyenne de 20% par an. Les professionnels misent alors sur le Nouvel An qu’ils considèrent comme une occasion de renflouer les caisses.
L’année avait pourtant bien commencé et laissé espérer un renversement de la tendance négative de ces quatre dernières années. «Avec la relative accalmie sécuritaire au début de 2015, nous commencions tout juste à retrouver confiance et avions même constaté une hausse de 22% de l’activité du secteur sur les huit premiers mois de l’année», explique Tony Ramy.
 

«Le cœur n’y est plus»
Puis la crise des déchets est passée par là. Après la guerre en Syrie et la fuite des touristes, le secteur a dû accuser une des pires crises de son histoire. «Depuis le 20 août, l’activité des professionnels a tout bonnement été divisée par deux», ajoute le président du syndicat. «L’image de Beyrouth, poubelle du Moyen-Orient, a ébranlé le tourisme déjà gravement touché par les crises politiques».
Selon les professionnels, la soirée du Nouvel An devrait normalement constituer 5% du chiffre d’affaires annuel d’un établissement. «Mais cette année, nous n’atteindrons pas ce taux, prédit déjà Tony Ramy. A la mi-décembre, les grandes soirées n’ont même pas encore été annoncées, alors qu’habituellement les professionnels commencent à communiquer dès le 10 du mois».
Selon le professionnel «le cœur n’y est plus. Les Libanais, même s’ils comptent sortir ce soir-là, n’ont plus envie de dépenser des sommes extravagantes pour s’amuser, ils ont beaucoup d’autres soucis en tête».
Pour les professionnels, c’est la confusion. Beaucoup sont dans une situation d’attente. Jusqu’au dernier moment, ils hésitent encore entre proposer une formule ou laisser le choix aux clients de consommer à la carte.
Randa Farah, cofondatrice de Lebtivity.com, calendrier social d’événements en ligne, a recensé à la mi-décembre une centaine de soirées pour le Nouvel An. «Fin décembre 2014, nous avions plus de 200 événements sur notre site», ajoute-t-elle.
Alors dans cet environnement incertain, la tendance des «Presales» se développe selon Randa Farah. «Les professionnels organisent des «préventes»: ils font des prix spéciaux pour ceux qui souhaitent réserver tôt. Plusieurs établissements ont entrepris cette initiative cette année pour s’assurer un minimum de réservations».
Selon Tony Ramy, pour la première fois, 40% des restaurateurs proposent une soirée à la carte pour le 31 décembre. «Les restaurateurs ne veulent pas prendre le risque de voir leur clientèle rester à la maison ce soir de l’année».
C’est ce que confirme Georges Salti, propriétaire du Kudeta, rue Badaro. Lui ne propose pas un menu à la carte, mais une formule du type «dîner de gala» à 125 dollars incluant le dîner et l’animation. «Le soir du Nouvel An est définitivement un soir à ne pas manquer pour le secteur», explique-t-il. Cela dit, pour le professionnel, l’événement relève plus d’une importance d’un point de vue marketing qu’en termes de revenus supplémentaires significatifs.

 

Des tarifs onéreux
En effet, si les Libanais dépensent plus le soir du Nouvel An, les professionnels doivent également faire face à une fulgurante hausse de leurs coûts opérationnels. «Un chanteur qui se fera rémunérer 400 dollars pour une prestation un soir de l’année facturera son service 4 000 dollars le soir du Nouvel An», explique Georges Salti.
«Nous avons préféré faire appel à un DJ plutôt qu’à un groupe afin de pouvoir proposer un tarif qui reste abordable. Car le DJ qui facture environ 150 dollars la soirée normale en demandera 900 le soir du réveillon».
Mais qu’importe, difficile pour les professionnels du secteur de passer à côté d’un soir aussi important pour leur image. «Les Libanais attachent beaucoup d’importance à cette soirée, donc en tant qu’établissement de luxe situé au cœur de la capitale, nous nous devons de proposer une offre à la hauteur de leurs attentes», explique Rita Saad, responsable du marketing à l’hôtel Le Gray au centre-ville.
A l’Indigo on the Roof, comptez 390 dollars par personne pour un dîner incluant un menu à six plats et l’animation assurée par des danseurs et chanteurs professionnels. Au 365 degrés, il faudra débourser 290 dollars pour un dîner et la soirée, et au Gordon’s café 220 dollars par personne.
Le Cherry on the Rooftop a, de son côté, déjà été réservé pour une soirée privée.  «Je pense que le Libanais se caractérise par une joie de vivre que rien ne peut arrêter ni altérer, insiste Rita Saad. L’instabilité politique et les rebondissements qui en découlent ne sont pas nouveaux. Les gens sortent parce que c’est leur façon de résister et de voir la partie pleine du verre. Ils peuvent parfois être tentés de dépenser moins, mais ne se priveront jamais de sortir ou de changer leurs habitudes mondaines et sociales».
Le Nouvel An constitue alors pour les professionnels de la nuit, une occasion de remonter le moral des ménages libanais et de faire parler d’eux par une belle opération marketing. Le ticket moyen est ainsi au moins trois fois plus élevé ce fameux soir.
«Si le ticket moyen est d’environ 35 dollars par personne pour un repas dans notre restaurant, comptez au moins 100 dollars le soir du Nouvel An, ajoute Anthony Moubarak dans son restaurant arménien. C’est le même scénario dans tous les restaurants et pubs de Beyrouth».
Malgré le pouvoir d’achat des Libanais en berne, les tarifs restent tout de même encore onéreux pour fêter le Nouvel An au Liban, comme le confirme Randa Farah. «Comptez au moins 75 dollars pour quelques drinks jusqu’à des centaines de dollars dans certains endroits plus huppés de la capitale, ajoute-t-elle. Le Nouvel An est finalement un soir comme les autres, mais une belle occasion de gonfler les prix pour les professionnels qui surfent sur l’amour des Libanais pour le show-off envers et contre tout».
«Peu importe les circonstances, le Libanais ne passera pas à côté d’une occasion de faire la fête, martèle Anthony Moubarak, gérant des restaurants arméniens Onno. C’est dans notre nature, poursuit-il. Même un employé rémunéré 500 dollars par mois s’endettera pour s’amuser et en dépenser 600 cette nuit-là».
En réalité, ce n’est pas tant le soir du Nouvel An qui est décisif pour le secteur, mais l’ensemble du mois de décembre qui représente la période du retour des expatriés, de la bonne humeur et du pouvoir d’achat. «Les Libanais dépensent et sortent, ajoute Moubarak, surtout quand la famille revient de l’étranger. C’est une période à ne surtout pas rater. Sur l’ensemble de l’année, cela représente une augmentation de notre activité d’environ 20%».
Pour Tony Ramy, «les soirs du 28 et du 29 décembre seront ainsi décisifs. Si cette année, les Libanais ont moins anticipé les réservations, il se peut malgré tout que nous ayons de belles surprises au dernier moment».

Soraya Hamdan

Inauguration d’un club éphémère
C’est dans ce contexte d’instabilité et d’incertitude que Nemer Saliba, propriétaire d’Uberhaus, a inauguré son club de musique électronique éphémère au Biel. L’établissement a ouvert au lendemain des attentats de Bourj el-Barajné et témoigne encore de la résilience du secteur de la nuit au Liban. «Malgré l’événement, nous avons tout de même attiré 3 000 personnes pour l’ouverture. Mais au lieu de dépenser 5 000 dollars, les gens ont dépensé 1 000 dollars». Car, selon le professionnel de la nuit, à chaque attentat, le même scénario se produit: les Libanais sont choqués, mais sortent malgré tout. Cependant, le ticket moyen s’en trouve affecté». Nemer Saliba a trouvé dans son concept de night-club éphémère une solution à l’instabilité politico-sécuritaire ambiante. «Toute la structure de l’établissement est démontable et transportable par conteneurs. En cas de guerre, je peux partir et exporter mes soirées à Dubaï ou ailleurs en limitant un investissement initial trop important. Au Liban, nous sommes obligés de trouver ce type d’alternative», conclut-il.

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