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Nº 3033 du vendredi 25 décembre 2015

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La résolution à l’Onu sur la Syrie. Un premier pas vers la paix mais beaucoup reste à faire

Pour la première fois depuis le début du conflit syrien, les membres du Conseil de sécurité des Nations unies, Russie incluse, ont voté à l’unanimité, le vendredi 18 décembre, une résolution entérinant un processus de paix en Syrie. Mais le chemin est encore long.
 

Dans les faits, ce vote est sans aucun doute historique. Depuis le début du conflit syrien, il y a presque cinq ans, jamais le Conseil de sécurité des Nations unies n’était parvenu à s’unir sur une résolution concernant la Syrie. Rappelons qu’à quatre reprises, Moscou avait opposé son veto aux tentatives occidentales pour une sortie de crise. Vendredi 18 décembre, pourtant, la résolution 2254 pour un processus de paix en Syrie a finalement été votée à l’unanimité par les quinze membres du conseil, représentés par leurs ministres des Affaires étrangères respectifs. Un texte qui ouvre la voie à un espoir de cessez-le-feu, puis à un processus de transition politique, tout au moins sur le papier. Le problème principal, celui du maintien ou du départ du président syrien, Bachar-el-Assad, reste, quant à lui, entier.
La résolution votée à l’Onu reprend pour l’essentiel la feuille de route définie à Vienne au cours des précédentes réunions d’octobre et novembre, auxquelles participaient les principaux acteurs internationaux et régionaux, dont l’Arabie saoudite et l’Iran.
L’un des principaux artisans de cette résolution, le secrétaire d’Etat américain John Kerry, s’est félicité de ce vote, arguant qu’il permettra de «mettre fin au massacre (…) et de préparer le terrain à un gouvernement qu’après tant de souffrances, le peuple de ce pays en ruine peut soutenir». Selon lui, il s’agit là d’une «étape importante» et d’un «degré d’unité sans précédent» de la part des grandes puissances, dans l’optique d’une solution en aSyrie.
Il faut reconnaître que le chef de la diplomatie américaine n’a pas ménagé ses efforts pour arracher le vote de la Russie. Le 15 décembre, il a passé presque l’intégralité de sa journée à Moscou, s’entretenant avec son homologue Sergueï Lavrov, et avec le président russe, Vladimir Poutine. Puis vendredi, à New York, lorsque deux réunions se sont tenues dans un hôtel de luxe, visant à aplanir les derniers différends entre les acteurs du conflit. En parallèle, les représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité s’étaient aussi réunis pour négocier ce texte de compromis. Troisième réunion, enfin, avec celle du groupe de soutien international à la Syrie, incluant 17 pays, l’Onu, l’Union européenne et la Ligue arabe, pour tenter de trouver un point d’accord sur la liste des groupes reconnus terroristes et la composition de la future délégation censée représenter l’opposition syrienne dans toute sa diversité.

 

Un calendrier précis
Le texte adopté vendredi soir prévoit, en substance, la mise en place d’une transition politique, assortie d’un calendrier précis. Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’Onu, devra ainsi réunir les représentants du gouvernement syrien et ceux de l’opposition «pour des négociations formelles sur un processus de transition politique sur une base urgente, avec l’objectif de début janvier 2016, pour le lancement des pourparlers».
Puis, après six mois, le processus doit établir «une gouvernance crédible, inclusive et non confessionnelle», qui garantisse la préservation des institutions étatiques. Cette gouvernance aura aussi la difficile tâche d’écrire une nouvelle Constitution. Enfin, des élections «libres et justes» doivent être organisées dans le pays, sous supervision onusienne, et cela, dans un délai de dix-huit mois.
Par ailleurs, la résolution signifie aussi que la transition politique doit aller de pair avec un cessez-le-feu, qui entrerait en vigueur «aussitôt que les représentants du gouvernement syrien et de l’opposition auront pris les premières mesures sur la voie d’une transition politique». Les Nations unies disposeront d’un délai d’un mois pour définir les contours et les modalités d’application de cet arrêt des combats. Un cessez-le-feu qui n’interrompra pas, en revanche, les frappes menées par la coalition internationale de lutte contre l’Etat islamique, contre le Front al-Nosra et Daech. A ce sujet, John Kerry a invité la Russie à concentrer ses frappes sur les groupes terroristes, et non sur l’opposition anti-Assad que Washington et ses alliés soutiennent. Sergueï Lavrov a, de son côté, argumenté pour la formation d’un «large front antiterroriste», qui inclurait le gouvernement syrien et les milices kurdes. Par ailleurs, la France a imposé dans la résolution l’application de mesures humanitaires, comme la fin des bombardements indiscriminés, la protection des civils, ainsi que des installations et personnels médicaux.
Historique par la forme et porteuse d’espoir, sur le papier en tout cas, la résolution adoptée vendredi se heurte déjà à de nombreux obstacles. La principale coalition de l’opposition syrienne, représentée à l’Onu par Najib Ghadbian, a ainsi estimé que «ce calendrier n’est pas réaliste», en référence aux dates fixées par la feuille de route. Selon lui, l’opposition aurait besoin «d’un mois à peu près» pour se mettre en ordre de bataille pour les négociations de paix. Par ailleurs, la Coalition nationale syrienne souhaite que le cessez-le-feu mentionné s’applique aussi à la Russie. «Les attaques russes continuent de viser tout le monde et n’importe qui, sauf l’EI», a affirmé Ghadbian.
Les efforts de l’Arabie saoudite, qui avait réuni du 9 au 11 décembre, à Riyad, un large spectre de l’opposition politique et militaire syrienne, n’ont été qu’à peine mentionnés dans le texte de la résolution. Un léger camouflet pour Riyad. Si la France considère que la conférence de Riyad doit être «un pilier des négociations» et «asseoir le socle du dialogue inter-syrien», son avis n’est pas partagé, loin de là, par Moscou, Damas et Téhéran. Ceux-ci ont vivement critiqué la présence, au sein du comité politique de 34 membres, du groupe Ahrar el-Cham, soutenu par la Turquie et le Qatar.

 

Le sort d’Assad
Autre obstacle, la définition des listes de groupes terroristes qui seraient exclus des futures négociations. A New York, 17 pays se sont réunis pour finaliser cette liste noire. D’ores et déjà, il existerait un consensus général pour exclure l’Etat islamique et le Front al-Nosra. Certains pays arabes, comme l’Arabie saoudite, soutiennent par ailleurs certains groupes sunnites, tandis que des alliés du président Assad appuient des milices chiites. Dans l’immédiat, la liste jordanienne contiendrait, selon des sources diplomatiques, «une centaine de noms». Selon le ministre des Affaires étrangères jordanien, Nasser Judeh, cette pré-liste devra encore être affinée. «C’est maintenant aux services de renseignements de prendre le relais et d’améliorer la coordination pour identifier les terroristes», a-t-il souligné. L’établissement de cette liste, qui s’avère long et compliqué, pourrait déjà retarder l’agenda fixé par l’Onu.
Le sort du président Bachar el-Assad est un autre écueil dans cette résolution. Non mentionnée dans le texte, pour cause d’opposition russo-iranienne, la question pourrait, elle aussi, retarder les négociations. John Kerry lui-même s’est dit «sans illusions sur les obstacles qui existent… surtout sur l’avenir du président Assad». Toutefois, il a déclaré avoir reçu l’assurance de Vladimir Poutine en personne qu’Assad était «prêt à collaborer à une transition politique et à adhérer au principe d’une élection». Son homologue russe, Sergueï Lavrov, a martelé, une fois de plus, que «seul le peuple syrien doit décider de son avenir. Cela recouvre également l’avenir du président syrien».
Enfin, l’application du cessez-le-feu paraît difficilement réalisable et on voit mal des organisations comme l’Etat islamique ou le Front al-Nosra s’y soumettre. Et par conséquent, la tenue d’élections libres sur l’ensemble du territoire syrien et avec l’ensemble de la population paraît, dans l’immédiat, plutôt compromise.

Jenny Saleh

Qui est Riad Hijab?
L’ancien Premier ministre syrien, Riad Hijab, a été élu par 24 voix contre 8 à l’ancien chef de la coalition de l’opposition, Ahmad Jarba, pour prendre la tête de la Haute commission de l’opposition syrienne, qui sera chargée des négociations avec le régime.
Ce sunnite d’une cinquantaine d’années a passé tout juste deux mois au poste de Premier ministre. Il avait en effet fait défection en août 2012 pour se réfugier en Jordanie. Il avait justifié son départ en soulignant avoir perdu espoir que «le régime corrompu et brutal change». Homme du sérail politique syrien, il a évolué dans l’appareil du parti Baas. Originaire de la province de Deir Ezzor, il a débuté sa carrière au sein de l’Union nationale des étudiants syriens de 1989 à 1998, une organisation favorable au régime en place. Après plusieurs postes de responsabilité au sein du parti Baas, il devient en 2011 ministre de l’Agriculture, avant d’être nommé Premier ministre en 2012.

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