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Nº 3035 du vendredi 8 janvier 2016

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Ghazi Youssef, député de Beyrouth. «Les chiites sont d’abord citoyens de leurs pays»

Dans une interview accordée à Magazine, le député chiite de Beyrouth et membre du Bloc parlementaire du Futur, Ghazi Youssef, considère que l’Iran se donne le droit de s’immiscer dans tous les pays de la région. «Les membres de la communauté chiite dans le monde sont d’abord des citoyens de leurs pays», insiste-t-il.
 

A l’heure où l’on parlait de rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran, les responsables saoudiens décident d’exécuter le cheikh chiite Nemr el-Nemr. Pourquoi cette décision?
Soyons clair: l’Arabie a pris des mesures qui concernent des individus saoudiens. Le terrorisme doit être puni qu’il concerne des personnes sunnites ou chiites. Quarante-huit personnes ont été exécutées, seule l’exécution du cheikh Nemr a suscité des réactions violentes parce que l’Iran le considère comme le «wali el-fakih» d’Arabie saoudite.

Cette exécution a provoqué une exacerbation des dissensions sectaires entre sunnites et chiites. Le moment est-il bien choisi?
L’exécution du cheikh saoudien chiite Nemr el-Nemr a provoqué de vives réactions dans la province orientale d’Arabie saoudite, mais aussi dans toute la région et en particulier en Iran. A Téhéran, des manifestants en colère ont lancé des cocktails Molotov contre l’ambassade saoudienne et l’ont incendiée et les autorités iraniennes ont laissé faire. L’Iran se comporte comme s’il était responsable de tous les chiites dans le monde. Ce pays se donne le droit de s’ingérer dans les affaires des autres, de remettre leurs décisions en cause et de les menacer. Ce cheikh était un citoyen saoudien soumis comme le reste de ses concitoyens aux lois de l’Arabie saoudite. Les membres de la communauté chiite dans le monde sont d’abord des citoyens de leurs pays. L’Iran les considère citoyens iraniens, ce qui menace le monde musulman. Devons-nous oublier que le cheikh Nemr Baqer el-Nemr avait été le chef de file des manifestations qui avaient ébranlé la province orientale du royaume, fief de la communauté chiite saoudienne, entre 2011 et 2012, en parallèle des «Printemps arabes»? Devons-nous oublier qu’il s’est distingué par quelques prêches provocateurs, dont celui où il s’était réjoui de la mort du prince héritier Nayef, en 2012? Un an plus tôt, n’avait-il pas appelé à une sécession de l’est de l’Arabie saoudite et à sa fusion avec le royaume voisin du Bahreïn?

L’Arabie a rompu ses relations diplomatiques et commerciales avec l’Iran et interdit à ses compagnies d’aviation de desservir ce pays. Ces décisions ne sont-elles pas un peu hâtives?
C’est une réaction à ce qui s’est passé et qui n’est en aucun cas justifiable. Est-ce normal de se faire l’avocat de tous les chiites du monde? Est-ce normal de s’attaquer impunément aux missions diplomatiques? Rappelons que l’Iran a, lui aussi, exécuté des dignitaires sunnites et des opposants à son régime sans pour autant provoquer un tollé général. Arrêtons cette politique des deux poids deux mesures.

Quelles seront les répercussions de cette dégradation dans les rapports irano-saoudiens sur la région et précisément sur le Liban, toujours le premier à payer le prix de ce bras de fer entre les deux pays?
Actuellement, le régime iranien a perdu de son pouvoir dans les pays de la région et, notamment, depuis l’intervention russe en Syrie. D’ailleurs, Moscou a proposé de jouer un rôle de conciliateur entre l’Arabie et l’Iran. La communauté internationale est plus influente que jamais et peut-être parviendra-t-elle à calmer le jeu. En ce qui concerne le Liban, l’initiative présidentielle, lancée par Saad Hariri et que nous avons appuyée, visait précisément à mettre le pays à l’abri des tempêtes régionales. Mais elle n’a pas réussi et, aujourd’hui, nous risquons de voir le discours confessionnel s’étendre et se propager, ce qui est dangereux et gratuit.

Un dernier commentaire sur le dernier discours de sayyed Hassan Nasrallah…
Il répète aveuglément les propos de ses maîtres iraniens. Ce n’est pas le moment d’exacerber les tensions. Il s’agit de préserver le Liban coûte que coûte.

Saad Hariri n’a-t-il pas également défendu la position saoudienne?
Hariri a juste précisé que les individus chiites doivent être soumis aux lois de leurs pays et non à celles de l’Iran.

Propos recueillis par Danièle Gergès

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