Le député sunnite de Baalbeck et membre du bloc parlementaire du Hezbollah, Kamel Rifaï, a tiré à boulets rouges sur l’Arabie saoudite qu’il accuse de vouloir exacerber les tensions confessionnelles sur ordre des Américains et des Israéliens. Il a également contesté le silence de la communauté internationale qu’il accuse de complicité.
L’Arabie saoudite a exécuté 48 personnes accusées de terrorisme. Pourquoi l’Iran et la communauté chiite ne se sont-ils insurgés que contre l’exécution du cheikh Nemr el-Nemr?
Ce qui s’est passé en Arabie est inacceptable. Rien ne peut le justifier. En agissant de la sorte, ce pays savait que cette mise à mort attiserait les haines sectaires au Moyen-Orient, accroîtrait les tensions entre l’Iran et le royaume wahhabite, qui se combattent déjà par alliés interposés en Syrie et au Yémen, et donc nuirait aux efforts, récemment relancés, pour régler ces deux conflits. Ce qui nous permet de dire que l’Arabie saoudite a agi sur incitation des Américains et des Israéliens qui ne souhaitent pas l’entente entre Riyad et Téhéran. Par ailleurs, nous devons préciser que la charia islamique ne permet, en aucun cas, d’exécuter des personnes pour des avis différents de celui des autorités locales. En agissant de la sorte, l’Arabie a ouvert la porte aux exécutions gratuites et sommaires dans tout le monde arabe et je n’ai aucun doute, après les derniers propos du mufti d’Egypte, que des individus seront très bientôt exécutés dans ce pays.
«Je ne doute pas que ce sang pur entachera des membres de la famille Saoud, qui seront rayés des pages de l’histoire», a réagi le cheikh iranien Ahmad Khatami, faisant référence à la dynastie au pouvoir à Riyad. N’est ce pas une façon dangereuse de menacer ce pays?
Il est certain, comme l’a bien précisé le dignitaire, que le monde islamique exprimera son indignation et dénoncera ce régime infâme autant que possible et que le prix pour Riyad sera élevé. Nous ne devons pas perdre de vue que le royaume saoudien soutient d’un côté les mouvements terroristes et extrémistes et, dans le même temps, utilise le langage de la répression et la peine de mort contre ses opposants intérieurs. Quelle injustice et quel silence de la part de la communauté internationale complice de ce crime?
Ces déclarations agressives ont été considérées comme une flagrante ingérence dans les affaires du royaume, qui a rompu ses relations diplomatiques et commerciales avec l’Iran. Ce dernier peut-il le supporter?
S’attaquer gratuitement contre la «oumma» est inacceptable. Il était normal que l’Iran réagisse de la sorte et ne se laisse pas faire. Certes, Nemr el-Nemr est un citoyen saoudien, mais il porte en lui une grande symbolique chiite. Sa mort ne peut passer inaperçue, comme si de rien n’était. L’Arabie aurait dû réfléchir à deux fois avant de l’exécuter. Nous aurions vivement espéré qu’en Arabie saoudite, il y ait des dirigeants sages, modérés et non des brandisseurs d’épées.
Comment préserver le Liban, toujours le premier à payer le prix de ce bras de fer entre l’Arabie et l’Iran?
Le dialogue entre le Courant du futur et le Hezbollah est une nécessité nationale et il a eu des effets positifs sur la scène libanaise interne. Il faut étendre ce dialogue à toutes les factions libanaises et déployer les efforts nécessaires pour protéger le Liban des répercussions néfastes de cette dégradation des rapports entre les deux pays. Je ne vous cache pas que je crains une fitna (discorde) entre chiites et sunnites. Mais les propos mesurés de sayyed Hassan Nasrallah en réaction à cette exécution sont en quelque sorte rassurants.
Sayyed Hassan Nasrallah a, toutefois, violemment attaqué l’Arabie saoudite et la famille royale qu’il a presque directement menacées. Cela ne présage-t-il pas rien de bon?
Le chef du Hezbollah a peut-être élevé le ton contre l’Arabie, qui s’est comportée de manière injustifiable en exécutant de façon sommaire un dignitaire religieux chiite. Mais en ce qui concerne le Liban et les rapports entre les différentes factions, il a tenu des propos modérés et sages.
Propos recueillis par Danièle Gergès