Magazine Le Mensuel

Nº 3037 du vendredi 22 janvier 2016

general

Arabie: partenaire économique incontournable

Alors que la relation entre le politique et l’économique est censée être constructive et positive dans le but de la création permanente d’emplois et de l’ancrage d’une tendance baissière du ratio de la dette publique rapportée au PIB, le divorce est consommé entre les deux composantes de la société. Les grands perdants de ce dysfonctionnement sont, bien entendu, les Libanais.
Le ministre de l’Industrie, Hussein Hajj-Hassan, a lui-même reconnu que depuis qu’il est ministre «aucun plan à court ou moyen termes ou projet d’ordre économique n’ont été examinés lors des réunions du Conseil des ministres». Il a tenu ces propos au cours du dîner annuel de l’Association des industriels au Liban, soulignant, par ailleurs, qu’il «n’a plus de doute que ce fait n’est pas le fruit d’un hasard, mais le résultat d’une réflexion délibérée».

 

L’importance de l’Arabie
Sur le terrain, la montée de la tension entre l’Iran et l’Arabie saoudite pourrait coûter cher à l’économie nationale, d’autant que les forces politiques au pays du Cèdre cristallisent la crispation des deux grandes puissances du Moyen-Orient. De nouvelles occasions ratées se profileraient à l’horizon.
L’importance du royaume wahhabite par rapport au Liban consiste dans le fait que plus de 325 000 Libanais y résident et y travaillent, effectuant des transferts d’argent à leurs familles restées dans la mère patrie de l’ordre de 4,5 milliards de dollars en rythme annuel. L’Arabie saoudite est également le premier partenaire du Liban à l’exportation et un partenaire de premier ordre à l’importation, puisqu’elle lui fournit du pétrole brut et des produits pétrochimiques. Elle est considérée source importante d’investissements directs et indirects, notamment dans les secteurs de l’immobilier et du tourisme, les Saoudiens représentant plus de 20% des touristes visitant le Liban. Dans le même contexte, la valeur des exportations libanaises vers le royaume s’est élevée, en 2014, à environ 377,5 millions de dollars, totalisant près de 11% du total des exportations, alors que celle des produits importés a représenté non moins de 415,4 millions de dollars. Quant aux flux cumulés d’investissements saoudiens vers le Liban, ils ont atteint environ 4,819 milliards de dollars, entre 1985 et 2009, soit 39% du total des investissements arabes dans le pays du Cèdre. Ces investissements ont été répartis entre les principaux secteurs suivants: immobilier (56%), bancaire (20%) et touristique (13%). Les transferts de fonds des expatriés vers le Liban ont totalisé, de leur côté, 8% de l’ensemble des flux de capitaux, se classant en 5e position après les Etats-Unis (22%), l’Australie (14%), le Canada (13%) et l’Allemagne (10%).

 

Espoirs fondés sur l’Iran
Quant à l’Iran, avec la décision de levée des sanctions économiques devenue effective le 15 janvier 2016, tous les espoirs sont permis concernant une coopération commerciale et économique entre le Liban et la République islamique. Une délégation d’une trentaine d’hommes d’affaires libanais, conduite par le président du Rassemblement des dirigeants et des chefs d’entreprises libanais (RDCL), Fouad Zmokhol, s’était rendue à Téhéran entre le 27 novembre et le 3 décembre 2015, anticipant la levée des sanctions afin de défricher de nouvelles opportunités. En réponse à une question de Magazine, Zmokhol a déclaré que les contacts entre les deux communautés d’affaires se poursuivent loin des feux de la rampe et a souhaité que les politiques s’abstiennent d’interférer dans les affaires. «Il y a beaucoup d’opportunités dans le secteur privé iranien pour les PME libanaises, mais les projets de privatisation publics nécessitent des méga-entreprises qui n’existent pas au Liban», a-t-il dit. Il a par ailleurs insisté sur le fait que «l’homme d’affaires est intéressé par les opportunités de travail nonobstant la religion et les affinités politiques de son partenaire ou de son interlocuteur».
Selon l’expert économique Walid Abou Sleiman, le pays du Cèdre pourrait profiter d’investissements iraniens dans les secteurs de l’énergie et des services, qu’il a estimé à près de 3 milliards de dollars. Quant aux échanges commerciaux, tout est à construire puisque les exportations libanaises vers l’Iran n’ont représenté en 2014 que 33 millions de dollars et celles de l’Iran vers le Liban environ 50 millions de dollars.

 

Difficultés relationnelles
La discorde entre les responsables politiques a contraint la Banque du Liban (BDL) à financer les déficits cumulés de la balance des paiements entre 2011 et juin 2015, pour un montant de 7,388 milliards de dollars. Par conséquent, il est surprenant qu’aucun de nos politiques ne se soit interrogé, jusqu’à ce jour, comment ces déficits ont-ils été comblés à un rythme annuel? Ceci dit, la non-approbation de la loi de finance de 2016 − sous couvert de considérations sécuritaires et sociales − généraliserait davantage de chaos au niveau des dépenses publiques et il est fort probable que le rythme du déficit demeure ascensionnel, dépassant 9,5% du PIB. D’ailleurs, la progression du déficit aurait des répercussions certaines sur la notation souveraine du Liban et, par suite, sur celle des banques, le créancier principal de l’Etat. Ce qui aboutirait logiquement à une hausse structurelle des taux d’intérêt. A noter que le gouvernement devrait faire face, au cours des prochaines années, à des échéances financières d’environ 15 milliards de dollars, qui devraient être couvertes par un financement interne. Ces échéances financières libellées en devises étrangères s’élèveraient à 2,6 milliards de dollars, alors que celles libellées en monnaie nationale sont de l’ordre de 8,7 milliards de dollars.
N’est-il pas temps que la classe politique dirigeante s’entende sur les décrets de divisions des blocs et champs pétroliers, dans une tentative de récupération du temps perdu?

Liliane Mokbel

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