Dans une interview accordée à Magazine, Mohammad Hajjar, député de l’Iqlim el-Kharroub, assure que les pays arabes ne sont pas opposés à la levée de l’embargo contre l’Iran. «Le seul problème avec ce pays, ce sont ses ingérences politiques dans leurs sociétés, interférences que nous affronterons désormais». Concernant l’appui de Samir Geagea à Michel Aoun, Hajjar préfère attendre le communiqué du Futur avant de se prononcer.
Que pensez-vous de l’appui apporté par Samir Geagea à Michel Aoun en soutenant sa candidature à la présidence de la République et en demandant à ses alliés du 14 mars de la soutenir?
Samir Geagea a pris une décision qui, à son sens, sert les intérêts du Liban, ceux des chrétiens et ceux des Forces libanaises. Je préfère ne pas m’étendre sur ce sujet et attendre le communiqué officiel du Courant du futur. Communiqué qui sera publié aussitôt que nous aurons assez d’éléments en main pour comprendre cette position de la part du chef des Forces libanaises.
Sur le plan régional, l’Occident a levé l’embargo contre l’Iran et l’économie iranienne fera des bonds gigantesques, renforçant le pouvoir de ce pays. Quelles seront les répercussions de cette mesure sur les pays arabes et le Liban?
Certes, la levée de l’embargo a conforté le régime iranien. On parle de 50 milliards de dollars qui vont être libérés, ce qui permettra à ce pays d’avoir les mains plus libres, surtout sur le plan économique. Mais par ailleurs, nous ne devons pas perdre de vue que l’industrie iranienne est dans un état catastrophique du fait des années d’embargo. Je pense donc que l’argent sera essentiellement utilisé pour renforcer les capacités de ce secteur. Dans un autre registre, certains observateurs affirment que l’économie de l’Iran sera désormais étroitement liée à celle de l’Occident et que les marchés iraniens seront envahis par les compagnies et les marchandises occidentales, ce qui rendra vulnérables les marchés locaux. D’ailleurs, dans sa page «Une» du lundi, le quotidien al-Akhbar met en garde contre tous ces dangers qui menacent l’Iran. Les choses ne sont pas aussi évidentes qu’elles le paraissent.
Aussitôt l’embargo levé, le président iranien, Hassan Rohani, a rassuré notamment les pays arabes en annonçant que l’Iran se renforcera, certes, mais ne souhaite entrer en confrontation avec personne. Qu’en dites-vous?
Sur le plan politique, je pense que la levée de l’embargo sert les intérêts des réformateurs, surtout que le pays est à la veille d’élections qui doivent se dérouler en février. Rohani devrait sortir renforcé par ces mesures. Par rapport aux pays arabes, dont le Liban, ils souffrent des ingérences politiques iraniennes depuis de nombreuses années. L’Iran considère que tout individu chiite dans le monde doit être soumis aux ordres iraniens, faisant fi de son nationalisme arabe. Si l’Iran décide de respecter la souveraineté des pays arabes, nous n’aurons pas de problème avec lui, sinon, le conflit s’aggravera entre nous. D’ailleurs, la dernière réunion du Caire, à laquelle le Liban a participé, a été claire sur ce point. Désormais, nous allons affronter les ingérences de l’Iran dans nos affaires. Nous ne nous tairons plus.
Pour revenir sur le dossier Michel Samaha, les déclarations mises à part, que ferez-vous après cette libération qui suscite un tollé général dans tous les milieux?
Michel Samaha est un criminel. C’est un terroriste qui a essayé de faire exploser en mille morceaux le concept du vivre-ensemble. La décision du tribunal militaire est une honte. Elle est gratuitement provocante et encourage le terrorisme, la criminalité et les attentats. Malheureusement, ce tribunal, avec ses lois obsolètes, les ingérences politiques soumises au règne des armes de certains, est illégal. Cette politique des deux poids deux mesures conduira à une explosion généralisée. Nous devons très rapidement lancer les procès des détenus dans les prisons depuis des années. Par ailleurs, nous sommes en train de préparer une proposition de loi pour modifier la législation qui a conduit à la naissance de la justice militaire et nous souhaitons également faire en sorte que ce tribunal ne juge que les militaires.
Propos recueillis par Danièle Gergès