Magazine Le Mensuel

Nº 3037 du vendredi 22 janvier 2016

Exposition

Photomed 2016. Entre la lumière et le tragique, la Méditerranée

Pour la troisième année consécutive, le festival Photomed-Liban se faufilera, en clichés, à travers les recoins de la ville. Plusieurs espaces urbains accueilleront, pendant une vingtaine de jours, jusqu’au 10 février, les œuvres de photographes méditerranéens.

Photomed-Liban est de retour, pour une 3e édition, lancée le 20 janvier et qui se poursuit jusqu’au 10 février. Après l’Italie l’année dernière, c’est l’Espagne qui est mise à l’honneur cette année à travers les expositions de trois photographes espagnols. Trois univers différents à découvrir à travers les objectifs de Toni Catany, Alvaro Sanchez-Montanes et Luis Vioque; natures mortes, paysages et explorations du corps humain pour le premier, photographie de l’impromptu et saisie au vol des capsules temporelles microscopiques glissées dans le cours ordinaire des choses pour le deuxième, et un «road movie» panoramique pour le troisième. L’hommage à l’Espagne se poursuit avec la présentation de la collection du célèbre acteur Gabino Diego, qui représente plus de 300 photographies, dont de nombreuses œuvres d’auteurs reconnus, essentiellement des portraits de femmes, d’enfants et d’animaux. L’exposition de Beyrouth se concentre sur les photographes espagnols et latino-américains de sa collection, dont Toni Catany, Mario Cravo Neto, Alberto Garcia-Alix, Joan Fontcuberta, Isabel Munoz, Cristina Garcia Rodero…

 

La Méditerranée autrement
Dans l’agenda de Photomed, coup de projecteur également sur le travail des photographes français. Une importante rétrospective est consacrée à Edouard Boubat (1923-1999) à travers laquelle le photographe pose son regard sur la Méditerranée lieu de toutes les origines, selon lui. Photographe humaniste, largement indifférent au prestige des seuls éléments, il ne vibre que pour des terres «animées» à qui, hommes et femmes, marchant, aimant, rêvant, donnent tout leur poids de vie, auréolée d’une lumière incomparable, dont le photographe n’a cessé de guetter les jeux et les présents. Aux côtés des œuvres des photographes français Antoine d’Agata, qui dit «avoir cherché à vivre avec ceux que, jusque-là, la photographie s’était contentée de voir» à travers ses clichés en noir et blanc qui parlent d’errance, de sexe, de drogue, de franchissement des lignes de la bonne conduite et des usages tracés par la société, Emma Grosbois, qui se penche sur les divinités protectrices qui, du cœur de leurs petits autels, veillent sur chaque maison, et Arno Brignon, qui explore la porte de l’Europe qu’est Gibraltar, l’Italie sera aussi présente à travers les œuvres des artistes Alessandro Puccinelli et Angelo Antolino; l’un invite le spectateur à agir lui-même pour le bien d’une «planète bleue» en singulier péril, l’autre suit le destin des femmes de la Camorra napolitaine, les matrones, les épouses des narcotrafiquants arrêtés, en 2007, dans l’opération intitulée Place nette.

 

De ce côté-ci de la Méditerranée
Ils sont espagnols, français, italiens; ils sont aussi libanais, et la Méditerranée, au cœur de Photomed, se pare de couleurs locales, à travers les œuvres de trois photographes de talent: d’abord, Randa Mirza qui effectue une projection dans l’avenir du portrait de Beyrouth via des mises en abyme des affiches publicitaires des projets de construction qui pullulent dans la ville; ensuite, Elsie Haddad, dont les images de la série Bogota, prises en 2013, capturent avec nostalgie les derniers instants de l’hôtel berlinois Bogota, à proximité du Kurfürstendam; finalement, Karim Sakr, premier prix Photomed 2015, dont les photos tonnent comme une chronique affectueuse et amusée de Beyrouth. En attendant les résultats du concours 2016, à la suite de l’appel à candidature lancé, en collaboration avec l’Institut français du Liban, à l’intention des photographes libanais résidant au pays du Cèdre à l’instar de Karim Sakr, le gagnant du concours aura l’opportunité d’exposer son travail dans le cadre du prochain festival Photomed en France, en mai 2016, et le 2e prix sera exposé au 2e semestre de 2016 à la galerie de l’Institut français du Liban.
Brandissant l’objectif de promouvoir la photographie méditerranéenne et, par là, la mise en avant de la photographie libanaise, Photomed a également invité certaines galeries libanaises à présenter des photographes locaux qu’elles défendent, dont Gilbert Hage, Lamia Maria Abillama, Lara Tabet, Myriam Boulos, Caroline Tabet, Tanya Traboulsi, Waddah Faris, Hady Sy et Tony Hage. L’art vidéo est aussi privilégié avec l’exposition Expressions méditerranéennes. De la poésie à l’engagement qui présente le travail vidéo d’artistes méditerranéens dont Ange Leccia, Béatrice Pediconi, Louidgi Beltrame et Danielle Arbid.
«A Photomed, insiste Philippe Heullant, président du festival, nous travaillons avec les photographes pour construire une image et un discours positifs dans la région méditerranéenne. La culture peut jouer un rôle clé pour faire face à l’extrémisme et le dialogue interculturel à travers la photographie peut permettre de garder des valeurs communes contre l’intolérance». Et terminons par ces mots du directeur artistique, Guillaume de Sardes: «Avant même d’évoquer des paysages, des villes, des odeurs ou des saveurs, la Méditerranée s’impose à notre mémoire sous les espèces d’une lumière», à la fois «intense» et pleine de «nuances. Non d’ailleurs que le vif et le clair invitent à recréer un monde idyllique. Si le grand soleil révèle dans leur somptuosité les richesses d’un jardin du monde, les silhouettes de jeunesses ardentes, il jette aussi un jour cru sur les zones de misère et de déréliction. Pas de brumes complaisantes, ici, pour dissimuler au regard les embarcations de fortune de ceux qui fuient la guerre ou les tas de gravats à quoi se réduisent des temples et des portiques qui avaient résisté à deux millénaires d’empires et de tempêtes… La Méditerranée est aussi un monde tragique».

Nayla Rached
www.photomedliban.com

Beyrouth en photos
Byblos Bank – siège central à Achrafié tous les jours, de 16h à 20h, et les week-ends, de 10h à 15h).
Mediterraneo d’Edouard Boubat.

Beirut Exhibition Center
Tous les jours, de 11h00 à 20h00.
Les femmes et les enfants d’abord – The Gabino Diego Collection.
Le cabinet des ombres de Toni Catany.
Unprepared and unsorted d’Alvaro Sanchez-Montanes.
Un voyage imaginaire de Luis Vioque.
J’ai traversé les sept mers d’Alessandro Puccinelli.
Les femmes de la Camorra d’Angelo Antolino.
Home town d’Antoine d’Agata.

L’Institut français de Beyrouth
Tous les jours, de 10h à 19h, et le samedi de 10h à 14h, sauf le dimanche.
Ceux qui nous regardent d’Emma Grosbois.
Free doors to Spain: Gibraltar d’Arno Brignon.

Hôtel Le Gray
Tous les jours de 9h à 22h.
Bogota d’Elsie Haddad.

Station – Jisr el-wati
Tous les jours, de 12h à 19h, sauf le dimanche.
Beirutopia de Randa Mirza.
Beirut Street Photography de Karim Sakr.
Vidéos Expressions méditerranéennes. De la poésie à l’engagement: Orage d’Ange Leccia (collection MEP), «sans titre» 2015 de Béatrice Pediconi (collection MEP), Brasilia/Chandigarh de Louidgi Beltrame (collection Jousse Entreprise), This Smell of sex de Danielle Arbid (collection privée).

Et les galeries libanaises exposent
Tanit: Gilbert Hage, Lamia Maria Abillama.
Janine Rubeiz: Lara Tabet, Myriam Boulos.
Art Factum: Caroline Tabet, Tanya Traboulsi.
Agial: Waddah Faris, Hady Sy.
Alice Mogabgab: Tony Hage.

Les expositions sont ouvertes jusqu’au 10 février.

Espace d’échange
En marge du festival, sont organisés des ateliers autour du Portrait avec Pierre-Anthony Allard, de l’Architecture de la ville avec Serge Najjar et de la Mémoire urbaine avec Caroline Tabet. En marge de cette 3e édition aussi, des lectures de portfolios, ouverts aux amateurs de photographie, auront lieu le vendredi 22 et le samedi 23 janvier, de 10h30 à 12h30, au siège central de la Byblos Bank.
Le jury d’experts est constitué de Philippe Heullant, président de Photomed, Philippe Sérénon, directeur de l’agence de photo «vu» et cofondateur du festival, Guillaume de Sardes, directeur artistique de Photomed, et Teixido Braulio, galeriste.
Le prix de l’Union européenne sera décerné au gagnant du meilleur portfolio qui bénéficiera de la publication d’un livre de photos et d’une exposition à l’hôtel Le Gray.

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