Sabotage du 14 mars?
La polémique qui avait embrasé les réseaux sociaux entre les adeptes des Kataëb et ceux des Forces libanaises, à la suite de la position de Samy Gemayel à l’égard de l’accord de Maarab lorsqu’il a déclaré: «Nous n’élirons pas un candidat du 8 mars, qu’il soit authentique ou taïwanais», a rappelé une interview accordée par le président Amine Gemayel à la chaîne al-Jazeera au cours de laquelle il avait fait le commentaire suivant: «L’initiative du Dr Samir Geagea a saboté le mouvement du 14 mars».
Réactivation de l’Exécutif
La relance de l’Exécutif, initiée grâce aux efforts du président Nabih Berry, aura servi à quelque chose. Les observateurs en dégagent deux résultats tangibles: l’adoption des nominations militaires pour satisfaire le général Michel Aoun et la garantie d’une couverture politique à l’activité diplomatique du ministre Gebran Bassil. La réactivation ne signifie pas uniquement le retour au mécanisme en vigueur, à savoir «le veto de deux composantes principales du cabinet», elle sous-entend aussi la prolongation de la vacance présidentielle. Le général Mohsen Fneich (chiite) a donc été désigné à la direction générale de l’Administration, le général Samir Hage (orthodoxe) à l’Inspection générale et le général Georges Chreim (grec-catholique) en tant que membre titulaire. Seuls les ministres Boutros Harb et Samir Mokbel ont maintenu leurs réserves. Les ministres Kataëb et Michel Pharaon ont fini par donner leur approbation après la promesse du président Tammam Salam de régler l’affaire de l’organe de la Sécurité de l’Etat paralysé à cause des dissensions politiques et administratives.
Au-delà de la présidence
«L’accord avec les Forces libanaises (FL) est dans l’intérêt de la nation et va au-delà de la présidence de la République, c’est ce que confie le général Michel Aoun à ses visiteurs, nous œuvrons pour le rééquilibrage de Taëf que nous voulons redynamiser (…). L’accord avait prévu des réformes politiques et administratives pour assurer l’égalité et l’équilibre dans la formule libanaise et insisté sur la construction de l’Etat. Mais si l’autre camp ne nous rejoint pas, nous serons solidaires». Quant aux dix clauses de l’entente, annoncée à Maarab, leurs termes figurent dans le pacte de fraternité, de collaboration et de coopération qui engage le Liban à ne pas servir de passage à n’importe quelle force, quel pays ou mouvement susceptibles de menacer sa sécurité ou celle de la Syrie, alors que les armes de la Résistance «ont été légalisées à Taëf».
Ton sec entre Aoun et Hariri
Le général Michel Aoun a révélé que lorsqu’il avait contacté l’ex-Premier ministre, Saad Hariri, après l’épisode de l’accord de Maarab, il s’est adressé à lui en ces termes: «Lorsque nous nous sommes quittés, vous nous aviez dit: mettez-vous d’accord avec Samir Geagea pour finaliser le dossier présidentiel. Aujourd’hui, c’est fait. Souhaitez-vous que nous poursuivions la conversation?».
Hariri a répondu: «On en parlera». «Que Dieu vous soutienne», aurait conclu Aoun. Interrogé sur la question du pointage de Sleiman Frangié, le général a réagi en assurant que «les résultats sont généralement livrés après le dépouillement des bulletins de vote et pas avant».
Froid entre Hamas et l’Iran
Le Hezbollah tente d’organiser des rencontres à Beyrouth entre des responsables du mouvement Hamas et des représentants officiels iraniens. L’objectif est de dépasser le conflit qui oppose le mouvement palestinien à Téhéran. La délégation du Hamas, invitée à Beyrouth, inclura Moussa Abou Marzouk et Oussama Hamdan.
Le Hamas avait refusé de s’aligner sur l’Iran dans son combat contre l’Arabie saoudite et le Yémen, ses responsables avaient même rejeté une offre de normalisation des relations et de soutien financier contre leur appui à la République islamique. Ce serait Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas, qui refuse tout rapprochement avec l’Iran à l’ombre de la conjoncture actuelle, de peur que la démarche soit perçue comme dirigée contre l’Arabie. Quelques ponts avaient été rétablis entre le Hamas et Téhéran au cours des deux dernières années grâce au Hezbollah, mais les choses n’ont pas mûri comme il le fallait, d’autant plus que les préparatifs engagés pour une visite de Mechaal en Iran n’ont jamais abouti. Critiqué par l’organisation mère, les Frères musulmans, le Hamas avait décidé de ne plus répondre à la République islamique, préférant être en bons termes avec les pays sunnites influents dans la région, surtout que plusieurs de ses membres vivent dans un pays du Golfe, sans oublier ses liens solides avec la Turquie.
Kahwagi à Washington
Le commandant en chef de l’armée s’est envolé pour Washington à la tête d’une délégation militaire pour compléter ses pourparlers avec les responsables américains. Cette visite intervient quelques jours après le troisième passage à Beyrouth du chef du Commandement central américain, le général Lloyd J. Austin, qui avait communiqué au général Jean Kahwagi la volonté de son pays de continuer à livrer à l’armée l’équipement nécessaire pour lui permettre de lutter contre les organisations terroristes, notamment sur l’axe frontalier syro-libanais, dans la région de Ersal.
Le général Austin a aussi indiqué que le commandement de son pays suit avec grand intérêt et satisfaction le niveau et les capacités humaines de l’Armée libanaise, ce qui porte Washington à réaffirmer son engagement à lui fournir des armes sophistiquées et un équipement avancé, sans oublier l’organisation de cycles de formation et d’entraînement des militaires à l’usage de ces nouvelles technologies. Austin a également rappelé qu’entre 2004 et 2015, les aides octroyées à l’armée par les Etats-Unis se sont élevées à 1 milliard 300 millions de dollars, abstraction faite des équipements achetés et payés par le Liban.
Tournée maronite pour Bonne
L’ambassadeur de France à Beyrouth, Emmanuel Bonne, qui devait soumettre un rapport express sur la présidentielle au Liban au chef d’Etat français, François Hollande, avant l’arrivée du président iranien Hassan Rohani à Paris, s’est dépêché de prendre rendez-vous avec le général Michel Aoun, le Dr Samir Geagea et le député Sleiman Frangié. Selon les informations disponibles, le général de Rabié a clairement informé son hôte qu’il mènera la bataille jusqu’au bout, étant détenteur d’un plan de travail et représentatif de la majorité des chrétiens, appuyé par les FL et le Hezbollah. C’est l’occasion de renforcer le rôle des chrétiens au Liban après trente ans de dégradation, a souligné Aoun.
Le candidat Frangié a expliqué à l’ambassadeur Bonne qu’il avait appuyé, pendant deux ans, l’accession du général à la présidence, mais en vain. «Or, aujourd’hui, je bénéficie de la majorité des voix du Parlement, je suis chrétien, je représente les maronites et j’appartiens à une famille qui a, historiquement, joué un grand rôle pour la protection des chrétiens», a précisé Frangié, en concluant qu’il ne se désistera pas.
Qu’a dit Frangié à Bassil?
Le député Sleiman Frangié aurait pris un engagement politique dans le cadre de sa rencontre avec le ministre Gebran Bassil à Batroun (rencontre qui a eu lieu après l’initiative Hariri), selon les milieux de Rabié. En expliquant à Bassil que Saad Hariri avait adopté sa candidature à la présidentielle et qu’il ne pouvait pas refuser cette offre, Frangié a requis le soutien du général Michel Aoun, surtout que rien n’indique que les chances de l’élection de ce dernier à la tête de l’Etat soient grandes, sachant que le 14 mars, les centristes et les indépendants ne l’appuient pas. Bassil lui aurait alors demandé: «Et si Geagea finit par se solidariser avec Aoun?». «Je serai aux côtés du général», aurait rétorqué le député du Nord.
Aides virtuelles aux réfugiés
Des activistes œuvrant dans des Organisations non gouvernementales (ONG) révèlent que certains pays européens exploitent à leur avantage le dossier des réfugiés syriens. Ces travailleurs sociaux affichent leur pessimisme quant aux résultats du congrès de Londres, ces gouvernements continuant à faire porter au Liban un poids qui le dépasse, se contentant de lui offrir des slogans médiatiques et des conférences creuses dont il ne récolte qu’une amplification de la crise provoquée par l’exode des Syriens.
Ils soulignent, en particulier, un article paru dans le Times du 26 janvier 2016 qui prétend que le gouvernement de Sa Majesté la reine d’Angleterre a octroyé 11 milliards de pounds pour l’aide humanitaire aux réfugiés du Liban et de la Jordanie. De la pure désinformation, estiment ces activistes qui s’interrogent sur la destination de ces fonds. Qui les a recueillis au Liban? Sachant que le gouvernement libanais et les organisations concernées ont reçu, l’an dernier, moins que la moitié du montant réclamé pour le financement de l’assistance aux réfugiés. Cette contrevérité pourrait avoir pour but d’empêcher Beyrouth de présenter une demande d’aide dans le cadre du congrès de Londres.
La loi électorale un nœud gordien
Le leader druze, Walid Joumblatt, estime que le point essentiel qui reste en suspens est la loi électorale. Parce que le camp syro-iranien ne peut pas accepter d’être minoritaire au Parlement, il n’est donc pas pressé, il mise sur l’amélioration de la conjoncture politico-militaire. Le problème n’est pas lié à la présidence du Conseil, dit Joumblatt, le cabinet est un détail puisque le mode de gouvernement est devenu collectif depuis que s’applique le schéma suivant: toute décision rejetée par deux composantes de l’Exécutif est automatiquement mise de côté.
Le député du Chouf pense, par ailleurs, que l’élection présidentielle n’est pas pour demain, considérant que les développements sur le terrain dans plusieurs régions syriennes ont resserré l’étau politique sur le Liban, ce qui s’est manifesté par la relaxation de Michel Samaha et le freinage du dossier présidentiel. Sa préférence pour Sleiman Frangié, comme il le confie, revient à son «expérience avec Sleiman le grand-père, et le jeune Sleiman connu pour sa franchise. Avec lui on sait où on va (…). Mon rapport personnel avec Michel Aoun est différent de mon rapport avec Frangié, je n’ai aucune expérience politique avec le général, sachant que nous nous sommes battus contre les militaires, mais c’est une page noire que nous avons tournée».
FL-Hezbollah: dossiers en suspens
Les Forces libanaises (FL) ont tenté d’ouvrir des canaux de communication avec le Hezbollah, surtout lorsque ses combattants ont défendu les rassemblements chrétiens après le déploiement de groupes terroristes dans les montagnes du nord de la Békaa, Dinniyé, Akkar et Tripoli. Des sources indépendantes indiquent que les relations entre le parti chiite et les FL sont sporadiques. Cependant, la conjoncture régionale actuelle pose de nouveaux défis stratégiques à Maarab. Ainsi, l’adoubement du général Michel Aoun par les FL ne suffit pas à faire évoluer les relations bilatérales entre la banlieue sud et Maarab. Ce qui entrave cette évolution est l’appui apporté par les FL, et certaines forces du 14 mars, à la «Révolution verte» menée par Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi contre le régime islamique en Iran, en 2009, dans le cadre d’un axe régional-international connu. Il n’est pas exclu, poursuivent ces mêmes sources, que le dossier des diplomates iraniens enlevés en 1982 soit rouvert si jamais un rapprochement sérieux entre les deux fractions libanaises doit avoir lieu. Le tandem chiite et l’Iran sont persuadés que le leader des FL, Samir Geagea, peut contribuer au règlement de cette affaire particulièrement délicate. Téhéran espère toujours que le sort de ses quatre citoyens puisse être dévoilé, même si leur disparition remonte à plus de trente ans.
Controverse à Dar el-Fatwa
La sentence du juge du tribunal chérié sunnite de Beyrouth qui sanctionne l’ex-mufti de la République, le cheikh Mohammad Rachid Kabbani, dans le procès relatif aux fonds du wakf des ulémas musulmans, a suscité des tensions entre fractions sunnites qui ne partagent pas le même avis au sujet de Dar el-Fatwa. Un membre important de l’ex-conseil islamique chérié révèle que le Moustaqbal n’a pas respecté les clauses de l’accord, conclu entre les 8 et les 14 marsistes, qui engagent les deux parties à mettre fin à leur querelle en application de l’initiative égyptienne. Ces clauses préconisaient l’élection du mufti actuel, le cheikh Abdel-Latif Derian, à l’unanimité contre l’abandon de tous les procès intentés au préalable. Or, seules quelques plaintes ont été retirées. Le congrès de réconciliation entre les politiques (dont les Premiers ministres) et le mufti Kabbani, prévu par l’accord égyptien, n’a pas eu lieu non plus. C’est le président Fouad Siniora, précise la source, qui applique l’initiative comme bon lui semble. Le juge Khaldoun Araymet a démenti l’existence d’une quelconque interférence politique derrière la sanction prise par le juge Mohammad Assaf à l’encontre de l’ex-mufti de la République.