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Nº 3039 du vendredi 5 février 2016

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Crise des déchets. L’exportation n’est pas pour demain

Après la Sierra Leone, qui a formellement nié avoir donné son autorisation à recevoir les déchets libanais, c’est à la Russie de démentir avoir accepté une telle opération. L’exportation des déchets ne semble pas être pour demain.

Quelques jours à peine après avoir annoncé retenir la proposition de la société britannique Chinook d’exporter les déchets libanais vers la Russie pour y être incinérés, Moscou n’a pas tardé à nier formellement avoir donné cet accord.
Une annonce qui est loin de surprendre les experts libanais de ce dossier qui s’attendaient tous à un échec de la tentative d’exportation.
«Si nous, Libanais, refusons d’incinérer nos déchets, quel pays au monde accepterait cela? demande Paul Abi Rached, président de Terre Liban. Nos ordures n’ont même pas été triées une première fois. Les déchets toxiques sont mélangés avec les autres, ils ne peuvent ainsi pas être réutilisés pour créer de l’énergie».
Selon Paul Abi Rached, cette initiative, comme toutes les autres propositions du gouvernement, n’a en réalité qu’une seule et même fin: faire passer le projet d’incinération au Liban qui représentera une manne financière dont pourra profiter la classe politique. «La construction d’un grand incinérateur générerait des revenus pour une vingtaine d’années aux différents partis politiques», ajoute-t-il.
Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, avait de son côté répété, à de nombreuses reprises, que le pays n’a pas les moyens de recourir à une solution aussi coûteuse que l’exportation.
Pourtant, le ministre Akram Chéhayeb semble faire la sourde oreille quant au problème du financement de cette solution. «Avant de se casser la tête à trouver un pays qui accepte nos ordures, il faudrait déjà avoir l’argent pour une telle opération», ironise Ziad Abi Chaker, président de Cedar Environmental.
Le scénario est tellement surréaliste qu’il pose la question de savoir quelles sont les réelles intentions du gouvernement dans ce dossier.
Beaucoup de questions restent encore en suspens actuellement comme celle de savoir pourquoi le gouvernement a-t-il accepté l’offre la plus coûteuse pour mener l’opération (123 dollars la tonne pour le transport contre 85 dollars pour les sociétés concurrentes)?
Pour Raja Noujaim, le coordinateur général de la coalition contre le plan gouvernemental, «peu importe la destination, toute cette procédure est illégale. S’ils voulaient vraiment exporter les déchets, le gouvernement commencerait par conclure des accords entre les représentants officiels de chaque partie. Au Liban, c’est au ministre de l’Environnement de signer un tel contrat et non à celui de l’Agriculture. En aucun cas, cela ne peut être une tierce personne».
La situation est aujourd’hui devenue claire, si l’on ne peut pas exporter les déchets datant de plus de 45 jours, «la solution doit forcément passer par un règlement interne», martèle l’activiste. Et des solutions existent, des solutions «normales» qui passent par un savoir-faire agricole. La solution est uniquement entre les mains des agriculteurs et des opérateurs. Tous connaissent la solution, même Sukleen! Il s’agit du tri. Malheureusement, ce n’est pas ce que veut le gouvernement, car il ne souhaite pas voir son pouvoir transféré aux municipalités. Ils ne veulent pas de la décentralisation».
La solution proposée par l’activiste est extrêmement simple et peu coûteuse: il suffit de désinfecter biologiquement les ordures entassées dans les rues par un traitement biologique. Ensuite, il suggère de trier l’organique du non-organique. L’organique sera broyé et étalé sur des terrains agricoles non cultivés. Le coût total de l’opération incluant collecte, broyage, plantation et tri s’élèvera entre 70 et 72 dollars la tonne.
«Le gouvernement n’a pas un sou pour garantir l’augmentation des salaires, mais peut jeter à la mer des centaines de millions de dollars! Nous ne les laisserons pas faire, nous leur imposerons bientôt la solution», prévient-il, en laissant planer le suspense.

Soraya Hamdan

Machnouk: «Inchallah»
Dans un entretien accordé à Magazine, le ministre de l’Environnement,  Mohammad Machnouk, a répondu «Inchallah», à la question de savoir si l’exportation des déchets se concrétisera bel et bien. Et de poursuivre: «Je reste pragmatique, les dates butoirs approchent».
Selon le ministre, la meilleure des solutions est l’enfouissement des déchets qui ont plus de 45 jours à Naamé. «Je suis étonné que les Libanais préfèrent la présence de 760 dépotoirs sauvages sur tout le territoire libanais plutôt qu’un retour à une solution d’enfouissement sanitaire. Et si la Russie ou tout autre pays finissait par refuser de recevoir nos ordures, que ferions-nous alors?».

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