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Nº 3039 du vendredi 5 février 2016

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L’équation de Hassan Nasrallah: Aoun à Baabda sinon la poursuite de la vacance

Tout le monde attendait le discours de Hassan Nasrallah, vendredi 29 janvier et, depuis, les commentaires et les interprétations vont bon train. Pour les partisans du sayyed, ce dernier a levé l’ambiguïté sur les choix présidentiels de son parti, et pour ses détracteurs, il a, au contraire, semé la discorde entre les alliés d’hier Michel Aoun et Sleiman Frangié, sans rien entreprendre pour privilégier la candidature de l’un sur l’autre.

Au lendemain du discours du secrétaire général du Hezbollah, ses deux alliés étaient contents. Le Courant patriotique libre (CPL), par la voix de son chef, le ministre Gebran Bassil, a précisé que ce discours a confirmé ce dont nous étions sûrs, et le chef des Marada, Sleiman Frangié, a qualifié Nasrallah de «sayyed de tous». Ne serait-ce qu’à travers ces deux réactions, on peut dire que «le sayyed» a réussi son coup: expliquer une position délicate et satisfaire ses deux alliés en compétition féroce pour la présidence. Nasrallah, que tout le monde croyait coincé et embarrassé, s’est montré serein, expliquant longuement les détails de l’évolution du dossier présidentiel et de la position de son parti. Remontant en arrière, il a rappelé que c’est le général Michel Aoun qui avait commencé par déclarer sa volonté d’être candidat et il a entrepris, à cet effet, des contacts avec le chef du Courant du futur, Saad Hariri. Dès cette époque, le Hezbollah avait déclaré son appui au général Aoun, par «éthique et aussi pour des considérations politiques et stratégiques». Si le Hezbollah n’avait donc pas voté en faveur de Aoun lors de la première séance d’élection présidentielle, c’était à la demande de ce dernier, qui considérait, à ce moment, que sa candidature était encore officieuse. L’appui du Hezbollah à la candidature de Aoun ne s’est donc jamais démenti, mais il a pris des formes différentes selon les circonstances. Pour cette raison, et parce qu’il s’était engagé envers Aoun, le Hezbollah ne peut pas appuyer à ce stade la candidature de Sleiman Frangié qui reste un allié très cher, «la lumière des yeux» du sayyed.

En dépit de certaines insinuations du 14 mars, «le sayyed» a donc clairement affirmé que le général Aoun avait la priorité et que le Hezbollah continuera d’appuyer sa candidature tant qu’il la maintiendra. Nasrallah a aussi indirectement critiqué Sleiman Frangié, après lui avoir adressé un vibrant hommage, en déclarant que «la mise en scène de l’annonce de sa candidature» était mauvaise. Il en a, certes, fait assumer la responsabilité à l’autre camp, mais il a quand même laissé entendre qu’il juge sur ce qui lui a été rapporté. Dans le même contexte, Nasrallah a déclaré que ce n’est pas à lui de chercher à convaincre un des deux candidats de se désister pour l’autre, ni un de ses alliés d’adopter telle candidature plutôt que telle autre. Il a aussi développé la nature des relations qui existent entre le Hezbollah et ses alliés, assurant qu’elles sont basées sur le respect, la loyauté et la liberté. Il a ainsi fait taire ceux qui lui demandaient de faire pression sur le président Nabih Berry, qui appuie en principe la candidature de Frangié, ou sur Frangié lui-même pour qu’il cède la place à Michel Aoun.
 

Malaise au 14 mars
Dans la foulée, sayyed Nasrallah a indirectement répondu au chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea, qui n’a cessé de vouloir le coincer depuis la conclusion de l’accord de Maarab. Pour le chef du Hezbollah, l’entente entre le CPL et les FL est un développement positif, notamment sur la scène chrétienne, mais elle n’a aucun impact sur la position du parti de Dieu. Il a ainsi balayé les insinuations sur un éventuel changement dans les options et les positions du Courant patriotique libre au sujet des grandes lignes stratégiques du pays, en particulier au sujet du contrôle des frontières avec la Syrie et concernant les armes du Hezbollah. Il a déclaré: «Si votre adversaire politique appuie votre candidat, c’est tant mieux!». En d’autres termes, c’est le chef des FL qui a modifié sa position et non le général Aoun. Face à cette nouvelle équation dans laquelle le chef du Courant du futur appuie la candidature de Frangié alors que le leader des FL soutient celle de Aoun, Nasrallah a précisé que ce sont les options de son camp qui sont en train de triompher. Quel que soit le candidat qui arrivera finalement au palais de Baabda, le Hezbollah et le 8 mars se considéreront donc victorieux et le sayyed a ajouté que, désormais, il ne peut plus y avoir un candidat qui ne fasse pas partie du 8 mars et de ses alliés. Ce qui signifie, en clair, que Michel Aoun est prioritaire aujourd’hui et, plus tard, ce sera le tour de Sleiman Frangié…
Cette affirmation a fait son chemin dans le monde politique et populaire et, en dépit de certaines analyses qui disent le contraire, c’est dans le camp du 14 mars que rien ne va plus. A travers son discours, le secrétaire général du Hezbollah a réussi à réorienter le dossier présidentiel en jetant la balle dans le camp du 14 mars. Il a même été jusqu’à vouloir faciliter la tâche au Courant du futur, en renonçant au fameux «panier global», qu’il avait prôné dans un précédent discours, se déclarant prêt à renoncer à une entente préalable sur la nouvelle loi électorale et même sur le nom du futur Premier ministre et le partage des portefeuilles si Saad Hariri décide d’appuyer la candidature de Michel Aoun. De la part du Hezbollah, il s’agit d’une concession importante qui montre toutefois l’étendue de la confiance que ce parti a dans le chef du Bloc du Changement et de la Réforme.
Tout en épinglant le chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, pour ses critiques à l’égard de l’Iran, après avoir été reçu par l’ambassadeur de la République islamique dans une volonté de sa part de tourner la page du passé, Nasrallah l’a aussi invité à modifier sa position sur le dossier présidentiel. Nasrallah a, en quelque sorte, laissé entendre qu’il souhaite que le général Aoun soit élu à la présidence avec l’accord de toutes les composantes politiques et confessionnelles. Le Hezbollah attendra donc le temps qu’il faudra pour que les partenaires au sein de la Nation soient convaincus de cette candidature. Il n’est donc pas question d’exclure une de ses composantes, étant confiant dans le fait qu’il faudra bien, à un moment donné, que les autres protagonistes arrivent à la conclusion que le général Aoun à Baabda est préférable à une poursuite de la vacance à la tête de la République. Le Hezbollah n’est pas pressé et il l’a déclaré dans son discours, il n’aura pas recours à la contrainte pour que son candidat arrive à Baabda.

 

Le grand déballage
A peine le discours de sayyed Hassan Nasrallah achevé, le chef des Marada a décidé de recevoir chez lui un groupe restreint de journalistes. Sleiman Frangié a commencé par saluer le discours de Nasrallah et par reconnaître le fait que le général Michel Aoun est un candidat prioritaire, mais il a aussi révélé à ses interlocuteurs qu’il considère que l’accord de Maarab est dirigé contre lui. Il a même raconté qu’il y a un an, et pour court-circuiter le dialogue entre Michel Aoun et Saad Hariri, les FL l’avaient approché et lui avaient proposé d’appuyer sa propre candidature, moyennant le fait qu’il leur donne le portefeuille de l’Intérieur et qu’il écarte définitivement le général Chamel Roukoz de l’armée. Les Forces libanaises ont immédiatement répondu par un communiqué qui précise que «les propos officieux doivent rester confidentiels». Le communiqué ne dément pas l’affaire du général Roukoz. Ce qui laisse les observateurs perplexes, sachant que le compromis qui devait permettre de prolonger l’âge de la retraite de Roukoz a échoué à la dernière minute sans qu’on en connaisse les raisons…

Joëlle Seif

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