Une fois de plus, Ersal revient à la «une» avec la reprise des affrontements entre les deux organisations terroristes, le Front al-Nosra et Daech. Les habitants de la localité craignent de voir les combats entre les deux factions se transposer à l’intérieur de Ersal, alors que les rues de la bourgade sont témoins d’une recrudescence de l’activité des terroristes.
Selon des sources informées, le but de Daech serait d’étendre son influence sur de grandes superficies, notamment sur des villages de la Békaa. Il essaie donc d’écarter son adversaire, le Front al-Nosra (la branche syrienne d’al-Qaïda), profitant des conditions météorologiques peu propices aux combats, dans une tentative de faire revivre son plan initial. Celui-ci consistant à créer un émirat ayant accès sur la mer, du côté du Liban-Nord. Le but des récentes attaques de Daech sur les positions d’al-Nosra dans le jurd de Ersal est d’étendre le contrôle de l’Etat islamique (EI) sur les camps des réfugiés syriens dans la région. L’EI aurait réussi à enrôler dans ses rangs de jeunes déplacés syriens et à opérer une percée parmi les habitants de la localité. Une réunion restée sans résultat aurait été tenue sous le patronage du cheikh extrémiste Moustafa Hojeiry, connu sous le nom d’Abou Takié, en vue de parvenir à un cessez-le-feu entre les deux parties.
L’action de Daech est un danger pour les positions avancées de l’Armée libanaise, d’autant que les tentatives d’infiltration des terroristes sont devenues quasi quotidiennes avec pour but de tester la force de l’armée. De toute manière, la troupe est en état d’alerte et en mesure de protéger les villages frontaliers de la menace terroriste. Des sources sécuritaires ont fait état de rapport sur la planification par les jihadistes d’attentats, menés simultanément sur plusieurs positions de l’armée dans la région de Ersal, par le biais de voitures ou de motos piégées.
A la lumière des données sécuritaires, ce qui se passe actuellement dans la région de Ersal laisse craindre une grande explosion sur ce front. Des informations parlent de l’envoi par le Hezbollah d’importants renforts militaires autour de la localité. Pourtant, des sources sécuritaires assurent que l’armée est en état d’extrême alerte et bombarde quotidiennement à l’artillerie lourde les positions des deux organisations terroristes, surtout dans le jurd de Ersal et de Ras Baalbeck, faisant de nombreux tués et blessés dans leurs rangs. L’armée contrôle le front de Ersal et bénéficie d’une suprématie militaire claire avec près de quatre mille soldats déployés sur ses hauteurs et l’utilisation d’armes et d’appareils militaires d’appoint. Lundi 1er février, un drone de l’Armée libanaise s’est d’ailleurs écrasé dans la région de Ersal.
L’infrastructure de Daech
Des sources sécuritaires font état d’informations sur les intentions d’expansion de Daech vers le territoire libanais. Dans ce but, l’Etat islamique aurait créé un tribunal dans la région de Wadi Hmayyed, une école pour les enfants de ses combattants, des ateliers de couture pour les femmes qui fabriquent des tenues militaires et des vêtements tels que le hijab. Daech dessinerait ainsi les contours de son émirat dans le Qalamoun. Personne ne sait encore où commence et où finit son territoire.
Depuis quelques mois déjà, Daech mène une action visant à imposer son contrôle sur la région qui s’étend de Ersal jusqu’à la frontière, à travers des opérations de bombardements, de kidnappings et d’explosions ciblant le groupe al-Nosra. Daech tenterait d’expulser son rival de la région et aurait profité des difficultés financières dont souffrirait al-Nosra pour attirer ses membres dans ses rangs.
La région du Qalamoun et son prolongement jusqu’à Ersal sont d’une importance stratégique, le gouvernement syrien, avec l’appui russe, ayant assuré son emprise sur la capitale. Aujourd’hui, la population de Ersal s’élève à 90 000 habitants dont seuls 35 000 à 40 000 sont libanais, alors que les autres sont des déplacés syriens. Dans cette région, le rôle de l’armée consiste à empêcher les combattants de s’infiltrer dans d’autres régions, notamment en direction des villages limitrophes tels que Qaa et Ras Baalbeck.
Toujours selon des rapports sécuritaires, il est fait état d’informations récentes selon lesquelles des membres de Daech auraient pu s’infiltrer dans les camps de réfugiés de cette zone. Le nombre d’hommes et de jeunes, parmi les nouveaux arrivants dans les campements, était particulièrement surprenant. Ce fait a été interprété par les services sécuritaires comme l’indice d’une infiltration de cadres de l’organisation terroriste parmi les déplacés. Après les combats de ces derniers jours, Daech semble avoir enregistré une avancée dans son plan et réussi à contrôler la partie libanaise de la frontière. La plupart des points de passage entre le Liban et la Syrie sont désormais sous son contrôle. Son prochain but est d’atteindre les hauteurs de Ersal et d’occuper les positions aujourd’hui aux mains du Front al-Nosra. Les deux organisations terroristes estiment que la confrontation qui existe entre elles dans cette région est une partie de la lutte qui les oppose en Syrie. Au printemps de l’année dernière, Daech avait enregistré des avancées dans plusieurs régions syriennes, dont le Qalamoun, au détriment d’al-Nosra. Mais ce dernier a gardé sa suprématie dans les régions frontalières libanaises jusqu’à Ersal. C’est la raison pour laquelle Daech a entrepris de mettre sur pied un plan visant à étendre son influence. Son but est de sécuriser les villages situés à la frontière libanaise, d’affaiblir le Front al-Nosra en lui assénant un nouveau coup et détenir une carte de pression sur le gouvernement libanais. Si Daech réussit à contrôler la région frontalière, il tiendra Ersal en otage.
Les anciennes équations en vigueur dans le Qalamoun seraient, semble-t-il, tombées et les nouveaux équilibres auraient, à leur tour, imposé des changements sur le terrain. L’élargissement de la zone d’influence de Daech devrait se faire immanquablement sur le territoire libanais. Les ambitions territoriales de l’Etat islamique portent désormais sur le Liban, surtout que la région s’étendant de Ersal jusqu’à Qaa fait partie du Qalamoun oriental, qui se trouve sous le contrôle de Daech. Quant au jurd de Brital, Younine et Nahlé, il représente le prolongement du Qalamoun du Sud contrôlé par le Front al-Nosra. Cette division est suffisante pour comprendre les événements qui ont eu lieu récemment à Ras Baalbeck, d’une part, et dans le jurd de Brital, d’autre part, en particulier à Aïn el-sa’a, position avancée dans la chaîne orientale, donnant sur la région de Zabadani, à travers laquelle le Hezbollah assure la route Brital-Toufayl facilitant le transport du matériel et des troupes dans les profondeurs du Qalamoun.
Joëlle Seif
Antiterrorisme: coopération entre le Liban et l’Europe
Beyrouth a accueilli, pendant deux journées consécutives, Pedro Serrano, vice-secrétaire général du service européen de l’action extérieure et Gilles de Kerchove, coordinateur de l’Union européenne (UE) pour la lutte contre le terrorisme. Leur visite avait pour objectif de renforcer les liens et la coordination avec des partenaires régionaux concernés par la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, notamment le Liban, la Jordanie, la Turquie et l’Egypte. L’Union européenne considère le Liban comme une partie de la coalition internationale antiterroriste. Il lui est demandé de collaborer dans la lutte contre l’extrémisme et le radicalisme et de surveiller les combattants étrangers avant leur retour en Europe. Il est important pour l’UE de connaître l’identité de ces combattants quand ils rentrent chez eux, leur nombre étant appelé à augmenter après la recrudescence des frappes aériennes en Syrie et en Irak.
Le programme proposé au Liban porte sur une formation des juges et des enquêteurs sur la manière de réunir les preuves. «Nous encourageons le Liban à se joindre à ce programme spécialisé dans la recherche des preuves et qui ne se limite pas uniquement aux aveux», a déclaré De Kerchove. Sur le plan judiciaire, il a également insisté sur la nécessité d’amender le code pénal sur le renforcement des peines pour les combattants étrangers. La décision onusienne 2178 a appelé au retrait des armes des combattants terroristes étrangers et à l’arrêt de tous les actes terroristes ou la participation au conflit armé en Syrie. Elle a été adoptée sous le chapitre VII. La coordination concerne également les prisons, la nécessité d’éviter aux prisonniers de sombrer dans le radicalisme et la façon d’en détecter ses indices de manière précoce. L’UE, en collaboration avec les services sécuritaires spécialisés, entamera des programmes de réhabilitation adressés aux prisonniers. La collaboration porte également sur la sécurité de l’aviation civile. Des projets pour le contrôle des frontières avec la Syrie et des formations, adressés à la police et à l’armée, sont également proposés.