Un analyste politique juge que Samir Geagea a très bien mené son jeu. Qu’on le veuille ou non, le leader des Forces libanaises (FL) pourrait sortir gagnant de cette bataille, que Michel Aoun accède à la présidence ou pas. Geagea a frappé d’une pierre plusieurs coups, après avoir sérieusement étudié la situation et défini les objectifs.
♦ Geagea a dit ainsi aux chrétiens: «Je suis le leader chrétien» qu’on ne peut pas ignorer ou marginaliser, qui veille sur la place du dernier bastion chrétien en Orient. Je suis celui qui s’élève au-dessus de toutes les haines et du lourd héritage qu’ont provoqués les conflits armés et politiques avec le général Michel Aoun au cours des trente dernières années.
♦ Le chef des FL a adressé un message clair aux forces du 14 mars, expliquant qu’il était la colonne vertébrale de cette coalition au plan chrétien. Ni les Kataëb, ni le Parti national libéral (PNL), ni les indépendants ne peuvent le supplanter.
♦ Geagea a voulu embarrasser le Hezbollah en l’obligeant à favoriser l’un de ses fidèles alliés et a mis également le 8 mars dans une situation difficile face au choix entre ses deux principaux piliers chrétiens.
♦ Il a su profiter de l’erreur de l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, qui a avancé la candidature de Sleiman Frangié sans consulter et s’entendre au préalable avec ses alliés chrétiens. Il a prouvé au Courant du futur qu’il valait mieux que lui en se singularisant dans la nomination du président maronite libanais.
♦ Il a aussi dit aux Libanais, aux chrétiens en particulier, que ses engagements étrangers n’interfèrent pas avec l’indépendance de ses décisions à l’intérieur du Liban, et ceci dans une allusion claire à l’Arabie saoudite qui, dit-on, aurait qualifié de «grave péché» l’annonce de Maarab.
♦ Il a brouillé les cartes internes sur la question présidentielle. Ni le 14 mars, ni le 8 mars, ni les forces indépendantes n’ont influé sur son choix, qui a initié une nouvelle donne, qui aura ses répercussions futures.
Chaouki Achkouti
Joumblatt fait un pas en arrière
Retour à la zone présidentielle grise
Déçu par la mauvaise gestion de l’ancien Premier ministre Saad Hariri dans son annonce de la candidature de Sleiman Frangié à la présidentielle, le député Walid Joumblatt a décidé de revenir à la logique du flou, dont il aime user généralement. C’est dans ce jeu qu’il réussit le mieux à manœuvrer pour obtenir des privilèges, dans la mesure où il n’a pas sa place dans le grand jeu régional. Dans son attitude, le leader druze a ouvert un bazar de compromis avec tous. Même si son cœur et sa logique penchent pour la candidature de Frangié, il ne veut pas rompre avec la possibilité de l’accession à la présidence du général Michel Aoun. C’est ainsi qu’il est revenu au jeu des propositions, en profitant du temps que laisse la situation régionale. Il a donc accepté les compromis avec tous pour obtenir ce qu’il peut du gâteau du futur pouvoir. Dans les priorités du bey de Moukhtara, une loi électorale. Dans ce contexte, il s’accroche et met en avant le slogan: «Celui qui réclame la proportionnelle s’en éloigne et celui qui s’en éloigne s’en rapproche».
Pour tenter de saisir la véritable position de Joumblatt, qui a fait un pas en arrière dans son soutien à la candidature de Sleiman Frangié, en remettant en selle son candidat Henri Hélou, une source politique compare sa position à celle de François Hollande. Le président français s’était, en effet, laissé entraîner par Hariri dans le compromis sur le nom de Frangié, en croyant que l’affaire était conclue. Il est clair que l’embarras de Joumblatt et son retour en arrière sont en harmonie avec la position française.
Après l’appel téléphonique de Hollande à Frangié, interprété comme un soutien à la candidature du chef des Marada, le Quai d’Orsay a réaffirmé l’appui de la France à une solution rapide, qui mettrait un terme à l’immobilisme politique et constitutionnel au Liban et, en priorité, à la vacance présidentielle. Mais la France, dans sa nouvelle prise de position, a fait entendre qu’elle n’appuyait pas un candidat en particulier, mais insistait sur le fait de laisser les canaux ouverts avec l’ensemble des parties libanaises.
Chaouki Achkouti