En Syrie, «nous sommes à un tournant décisif. Soit nous nous dirigeons vers une guerre totale avec intervention de nouveaux acteurs sur le terrain, soit une trêve interviendra et s’imposera sur la base d’une partition du pays». Interview d’Alain Aoun, député de Baabda (CPL), qui assure, par ailleurs, que «pour l’instant, il n’y a pas de rencontre prévue au calendrier entre Hariri et Aoun».
Le retour inattendu de Saad Hariri mélange-t-il, une nouvelle fois, les cartes au niveau des alliances et des développements politiques sur la scène locale?
Le mélange des cartes s’est déjà produit. Il n’y a rien de nouveau sur ce plan. Mais il est certain que la présence de Hariri à Beyrouth enclenchera une nouvelle dynamique aussi bien dans son propre camp politique qu’au niveau national. Il est à la tête du plus important bloc parlementaire, par conséquent, son rôle est incontournable pour régler la crise, précisément la question de la présidentielle. Sa présence ici et les contacts qu’il établit sont une bonne chose. Espérons que cela aboutira à une révision de sa part.
De quelle révision parlez-vous?
Saad Hariri devrait relancer le dialogue avec tous les partis présents sur la scène.
Pas seulement avec ses alliés, sous-entendez-vous. Comment qualifieriez-vous ses relations avec Samir Geagea après l’incident du Biel?
Je ne peux pas me permettre de juger les relations entre tel ou tel parti. Mais, en tant qu’observateur, je dirais qu’il est clair qu’elles ne sont pas au beau fixe. Il y a des divergences entre les deux hommes qui portent essentiellement sur le dossier de la présidentielle. Samir Geagea a adhéré à l’option du Courant patriotique libre, dans le sens où nous pensons que nous devons respecter la volonté de la majorité chrétienne. Cette logique n’est pas encore acceptée par tous les autres partis et responsables dans le pays, notamment Saad Hariri.
Pourquoi, selon vous, le chef du Futur est-il rentré au Liban? Uniquement pour régler la question de la présidentielle à laquelle il attache, dit-il, une extrême importance?
Il est retourné au pays pour des raisons internes en relation avec son parti et son camp politique, mais aussi parce qu’il est convaincu qu’il n’y aura pas de progrès importants au niveau de la crise dans laquelle se débat le Liban tant qu’il ne s’investit pas personnellement, et à fond, dans la dynamique politique locale.
Saad Hariri se rendra-t-il auprès du général Michel Aoun?
Pour l’instant, il n’y a pas de visite prévue au calendrier.
Les développements régionaux semblent inquiétants. La bataille d’Alep, dans laquelle l’armée syrienne et les Kurdes gagnent du terrain, signifie, selon les observateurs, que la Syrie se dirigerait vers la partition. Qu’en pensez-vous?
Effectivement, les derniers développements en Syrie sont inquiétants. L’escalade sur le terrain est un signe d’une dégradation de la situation politique et d’une aggravation de la situation militaire. Nous sommes à un tournant décisif. Soit nous nous dirigeons vers une guerre totale avec intervention de nouveaux acteurs sur le terrain, soit une trêve interviendra et s’imposera sur la base d’une partition du pays. Cependant, ce qui est sûr, c’est que la solution militaire ne pourra pas régler la crise qui déchire la Syrie.
Dans son dernier discours, mardi, le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a déclaré que si l’Arabie saoudite intervenait sur le terrain syrien, nous risquerions un embrasement général dans la région, voire une guerre mondiale. Qu’en pensez-vous?
Tout à fait. Le risque d’une escalade dangereuse existe. La guerre se faisait en Syrie de façon indirecte, par proxys, entre les protagonistes au Moyen-Orient. Une intervention saoudienne terrestre fera basculer la région dans une phase dangereuse, où la guerre se fera directement entre les puissances régionales et internationales impliquées. Ce qui est extrêmement alarmant.
Propos recueillis par Danièle Gergès