L’accise de 5 000 livres libanaises (L.L.) sur le bidon d’essence à la pompe de 20 litres, évoquée en Conseil des ministres la semaine dernière, pourrait gripper davantage les rouages de l’économie locale.
A priori, les taxes directes, telles l’accise sur la pompe et la TVA, représentent un poids supplémentaire grevant les budgets des ménages, tant ceux des familles à bas et moyen revenus que ceux à revenus élevés. Une mesure de ce type risquerait d’appauvrir les familles à faibles revenus et d’alourdir le fardeau qui pèse sur la classe moyenne, déjà en lutte permanente pour préserver son pouvoir d’achat.
L’accise de 5 000 livres libanaises a été proposée par certains ministres pour trouver des sources de financement au mécanisme d’encadrement des employés de la Défense civile, et à l’acquisition d’équipements de contrôle de la sécurité, destinés à l’Aéroport international de Beyrouth-Rafic Hariri. Ces frais avaient, dans un premier temps, été évalués à plus de 400 milliards de livres, avant d’être revus à la baisse et fixés à 70 milliards. Soulignons que de multiples projets à caractère public, approuvés par le passé par le Conseil des ministres, avaient été financés sans le recours à de nouveaux impôts ou taxes. Cette accise a été qualifiée par certains fiscalistes de «pire mesure à prendre dans la conjoncture actuelle».
Taxe facile et rapide
Néanmoins, l’accise sur l’essence à la pompe de 5 000 livres constitue un revenu au Trésor, facile et rapide à recouvrer. Sans nul doute, elle représente une poule aux œufs d’or si l’on prend en compte que la consommation d’essence à la pompe des Libanais s’élève à 800 000 bidons/jour. Ce qui rapporterait à l’Etat des recettes d’environ 4 milliards de livres par jour.
Normalement, dans un Etat de droit, les dépenses publiques imprévues sont couvertes par les provisions du budget annuel du gouvernement, lequel n’a pas été approuvé depuis onze ans. Actuellement, les dépenses de l’Etat sont effectuées sur base de la règle de la douzième provisoire. Un procédé auquel les responsables politiques ne devraient avoir recours légalement que pour une période de trois mois, mais qui dure depuis plus d’une décennie. Selon une source qui a requis l’anonymat, l’option du gouvernement d’imposer une accise sur l’essence à la pompe est le résultat de son incapacité à s’endetter davantage à l’interne, les banques étant récalcitrantes à augmenter le capital de la dette, et se contentent de restructurer les emprunts précédents par le processus du swap. Pour ce qui est de l’endettement extérieur, il devient de plus en plus difficile d’y avoir accès vu la détérioration de la conjoncture sur le double plan local et régional.
Gaspillage à outrance
Il faut réfléchir par deux fois avant d’imposer de nouvelles taxes. La baisse du prix à la pompe représente un bol d’oxygène pour les ménages, de nature à leur permettre de constituer des épargnes, qui seraient dépensées pour l’achat d’autres produits de consommation. Un cycle qui, à moyen terme, revitaliserait le momentum de la consommation interne et la dynamique économique dans son ensemble. Ceci dit, le gouvernement est en mesure de doper ses revenus en améliorant la collecte des impôts et des taxes, surtout que l’économie informelle constitue quelque 30% de l’activité économique. Pour le ministre de l’Economie, Alain Hakim, le pourcentage de gaspillage au sein de l’Etat représente 32% du budget, soit près de 5 milliards dollars/an, auxquels s’ajoutent environ
3 à 4 milliards de dollars d’opportunités financières manquées. Le ministre a aussi dénoncé la corruption qui frappe les processus arbitraires et discrétionnaires d’adjudication des projets publics d’investissements, l’évasion fiscale et la paralysie des institutions de contrôle et de surveillance. Hakim n’a pas manqué de signaler le laisser-aller qui prévaut dans les départements du cadastre foncier.
De son côté, l’économiste Elie Yachouï s’est interrogé sur les 300 milliards de dollars dépensés par les gouvernements successifs au cours des 25 dernières années, alors que l’infrastructure routière, les réseaux d’électricité et de conduction d’eau potable, sans compter les écoles publiques, sont toujours dans un état insatisfaisant.
Dans tous les cas de figure, il est vrai que le recul du prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux a permis de réduire la facture pétrolière du Liban d’un milliard et demi de dollars en rythme annuel depuis 2014, entraînant dans le même temps un recul des revenus réalisés pour le compte du Trésor en termes de TVA. Cependant, il n’y a pas lieu d’établir une comparaison en termes d’avantages macroéconomiques pour le Liban entre le recul des revenus réalisés grâce à la TVA et la baisse de la facture énergétique. Il faudrait que l’establishment politique réfléchisse plutôt à un système fiscal assurant des revenus durables et justes sur base de l’égalité des contribuables devant l’impôt. Les recommandations s’articuleraient autour de l’impôt unifié sur le revenu et l’élargissement de l’assiette imposable, en prenant soin de baisser les impôts sur la tranche la plus élevée afin d’encourager les forces actives à investir pour atteindre ce seuil de richesse.
La Blom Bank rachète HSBC Liban
La Blom Bank a acquis les trois branches de HSBC Liban. La finalisation de l’accord est en cours, y compris l’évaluation des actifs par une des grandes sociétés internationales d’audit. Selon les rumeurs qui circulent, le montant de la transaction représenterait un peu plus de 100 millions de dollars. Sachant que les branches des banques étrangères opérant au Liban sont exemptées du capital minimum requis et que la HSBC ne détient pas de licence de banque, la maison mère étant à Londres.
Liliane Mokbel