Les Arabo-Américains attendent impatiemment la prochaine cérémonie des Oscars. Et pour cause. Ils sont impatients de savoir si le long métrage Theeb de Naji Abu Nowar remportera le prix du meilleur film proposé dans une langue étrangère. Ils s’interrogent aussi sur la place qu’occupe le cinéma arabe au cœur de cette cérémonie américaine.
Si Theeb remporte le prix à la prochaine cérémonie des Oscars, qui se tiendra le 28 février, ce sera une première. Comment Theeb a-t-il réussi à s’insérer dans la sélection officielle? Et que raconte-t-il exactement?
L’histoire du film, dont le titre signifie «Loup», se déroule pendant la Première Guerre mondiale. En plongeant dans cette aventure classique, le spectateur suit un jeune garçon, Theeb, qui vit avec son grand frère Hussein dans un campement de Bédouins en plein désert. Lorsque ce dernier est chargé de guider un officier britannique vers un vieux puits abandonné, Theeb veut les suivre. Ce qui est marquant dans le film, c’est son époque, celle de l’Empire ottoman, et cette aventure que des critiques considèrent «de la meilleure espèce». D’autres ont salué «l’histoire bien racontée» et «les endroits étonnants». Bien que situé dans l’ouest de l’Arabie en 1916, le film a été entièrement tourné en Jordanie. Le casting regroupe des Bédouins, non professionnels pour la plupart. Ce qui confirme évidemment l’énorme talent du réalisateur Naji Abu Nowar. Son film a fait parler de lui à la Mostra de Venise où il a remporté l’Orizzonti du meilleur réalisateur. Theeb s’est également distingué au Festival international du film du Caire, au Tokyo Filmex, au Camerimage, ainsi qu’aux Asia Pacific Screen Awards. Malgré toutes ces reconnaissances, certains doutent fort que le film puisse remporter l’Oscar. Quatre autres films sont nominés dans la même catégorie cette année: Etreinte du serpent, Mustang, Fils de Saul et Une guerre. Les plus sceptiques notent qu’aucun film arabe déjà nominé dans la catégorie des films proposés dans une langue étrangère n’a pu remporter le prix. Et que, de toute façon, très rares sont les films arabes arrivés à une telle nomination. Au fil des années, sept longs métrages seulement y sont parvenus. Il s’agit de Z de Costa-Gavras (1966), Le Bal d’Ettore Scola (1983), Poussières de vie (1995), Days of glory (2006) et Hors-la-loi (2010) de Rachid Bouchareb, Omar (2014) et Paradise Now (2005) de Hany Abu-Assad.
Casser la malédiction
Le cinéma arabe est autant sous-représenté pour diverses raisons. Dans le processus de qualification, de nombreux facteurs entrent en jeu. Le plus important est le soutien d’une société de distribution américaine majeure. Or, rarement des films arabes bénéficient d’un tel appui. Un autre facteur est lié au monde arabe lui-même. Parfois, certains pays décident de nommer des films qui ne le méritent pas ou s’y abstiennent tout simplement. L’année dernière, le Liban n’a même pas participé à la compétition, refusant de se soumettre au film de Ziad Doueiri, L’attaque, pour des raisons politiques. Pourtant, le film aurait pu remporter l’Oscar. Qu’en est-il de Theeb? Cassera-t-il la malédiction? Croisons les doigts.
Pauline Mouhanna, Atlanta
Naji Abu Nowar en bref
Naji Abu Nowar est né à Oxford, en 1981, d’une famille jordanienne. C’est en 2004 qu’il est entré dans l’industrie du film, quand il a été accepté dans un laboratoire pour des scénaristes. Le jeune réalisateur jordano-britannique est connu pour Theeb (2014), La mort d’un boxer (2009) et Till death (2012).