Derrière l’illustre gynécologue fondateur de l’Hôpital Trad, se cache un poète. Après avoir gardé précieusement, des années durant, dans ses tiroirs, tous ses écrits, dont le premier date d’un demi-siècle, Sami F. Trad les rassemble dans une autobiographie en vers. Une vie qui plaira aux amoureux de poésie et de destins à part.
«La vie que je dévoile dans ces poèmes, je l’ai contée pour moi-même d’abord, mais ensuite pour les êtres que j’aime et que j’ai aimés, même s’ils ne sont plus, et c’est à mon père que je pense d’abord». C’est par ces mots que débute sa préface.
La poésie comme deuxième peau
En 457 pages de texte parsemé d’images, il retrace sa vie faite d’ombres et de lumière, de rêves parfois réalisés et de souhaits inassouvis, de luttes acharnées pour accomplir son destin et aussi d’intenses amours. Des poèmes restés épars, écrits à l’abri des regards, au gré de ses inspirations, sentiments et impressions. Aujourd’hui, il les dévoile encouragé par Joy, «son fils spirituel». Point d’ambition commerciale dans cette démarche, les recettes iront intégralement à l’Ordre de Malte.
L’écriture l’accompagne comme une ombre. Témoin intime. «Ma vie s’est ainsi résumée dans ces poésies où je me réfugiais chaque fois que je sentais le besoin de m’épancher, alors que je vivais des situations éprouvantes, ou bien de partager avec mon âme sœur des moments émouvants», écrit-il.
Son premier poème, il s’en souvient. Elève rebelle des Pères jésuites, il a 15 ans lorsqu’en classe de rhétorique, il participe à un concours de poésie. Chez lui, on dénotait déjà cette liberté de pensée face à ces pères intransigeants, qu’il affectionne pourtant particulièrement, qui craignaient son âme romantique qui le démarquait de ses camarades. Pendant que ces derniers s’imprégnaient d’enseignements religieux, honorant la Sainte Vierge comme le lauréat du concours, Sami Trad, lui, parlait déjà d’amour dans Je me souviens.
Passion et liberté
Sur les prêtres qui tentaient de le mouler et de le convertir au catholicisme, il en a des anecdotes! Lui, ce grec-orthodoxe, issu de la plus vieille famille beyrouthine, n’avait que faire de la religion! Il résistera jusqu’au bout en se démarquant pour devenir celui qu’il rêve de devenir.
Il a 11 ans lorsqu’il fait part au Père Préfet de Gerphanion de son désir de devenir louveteau. «Ne montrant nul enthousiasme à m’accueillir dans la troupe, jugeant mes opinions religieuses peu orthodoxes – ou pas catholiques» –, il l’interroge sur le pourquoi. «Comme ça mon père, j’aime!». Après un dialogue impossible, Sami le rebelle laissa le père pantois en rétorquant: «Mon père, est-ce que l’amour se raisonne?». Cette réponse, à elle seule, suffit à résumer la passion et le tempérament libre qui l’animent depuis.
Poignant de sincérité et sans compromis, avec en filigrane l’éloge du père, la promesse qu’il lui a faite de faire de sa maternité un hôpital, la référence à ses ancêtres, à sa mère, aux absents, ses enfants, ses petits-enfants auxquels, d’ailleurs, il dédie ce livre. Il dit de son père Fouad: «Mon inspirateur de qui j’ai tout appris, le goût des lettres, de l’art, de la musique et l’amour de la médecine… Il m’a transmis tant de choses que je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de donner à mon tour à mes petits-enfants», poursuit-il, ému. C’est à son père qu’il dédie le premier tome, retraçant l’épopée familiale et son parcours de médecin. Il lui écrit:
«Tu fus ce médecin et tu fus cet artiste / Ton souvenir vivra dans la pierre et les cœurs/ Nous distillant toujours lumière et chaleur / Quand je pense à Toi, je ne suis plus du tout triste / Tu vis toujours en moi et tant que je vivrai / Tu seras mon témoin du beau, du bon, du vrai».
Puis le Théâtre de la vie prend place avec «les acteurs partis» et l’esquisse des êtres les plus chers «qui ne sont pas à nous».
Mais comme dit le poète, pas de poésie sans muse!
A Manou pour Madona, sa bien-aimée qui l’accompagne d’un amour absolu dans un printemps sans fin, il dédie Le rêve réalisé.
La fin du livre reflète son angoisse du temps qui passe. Il se réfugie à Bangkok en Thaïlande où il se retrempe dans la sérénité ambiante.
Marilyne Jallad
Acrostiche à Madona
Manou est le cadeau un 4 juin reçu.
Avant de t’avoir vue avais-je un jour vécu?
Dans mon cœur tu as mis harmonie et beauté.
Où irais-je si tu n’étais à mon côté.
Nous vivons Toi et Moi un éternel été.
Avec toi, je suis, je serai et j’ai été.