Dans les hautes sphères de décision, que ce soit en politique, dans le monde des affaires et des finances, dans les administrations, le responsable à moustaches est parfois remplacé par un homologue féminin. Les femmes dirigent-elles comme les hommes? Abusent-elles de leur nouveau pouvoir? Leur puissance attire-t-elle des admirateurs à la pelle ou serait-elle un tue-l’amour? Parcours de combattantes.
Cela fait un bon bout de temps qu’on nous rebat les oreilles avec l’idée que les femmes font de la politique autrement que les hommes. Que lorsqu’elles accèdent à un poste de responsabilité, elles adoptent le slogan «Une main de fer dans un gant de velours». Elles seraient donc plus efficaces, plus humaines, moins violentes… voire plus pondérées et réfléchies. Au niveau des fonctions qu’elles occupent dans les hautes sphères des affaires, elles auraient là aussi toutes les qualités et géreraient leurs équipes avec une fermeté et une douceur inégalables. Or, selon les témoignages recueillis et les analyses des sociologues, il n’y aurait pas de différences majeures entre les hommes et les femmes de pouvoir, mais celles-ci, de crainte de ne pas se voir prendre au sérieux dans les sociétés machistes, ont tendance à verser plus que les hommes dans l’autoritarisme pour s’imposer. Dans ce domaine, celui qui ne sait pas se battre a peu de chances de voir ses idées trouver une place. Donc, les femmes veulent faire savoir qu’elles peuvent être aussi dures que leurs homologues masculins, ou plus, et faire preuve d’au moins autant d’ambition.
«Je travaille dans le bureau d’une femme députée, confie Omar à Magazine. Je fais partie de son équipe de conseillers. Je peux vous dire qu’elle est aussi ferme qu’un homme. Elle fait preuve peut-être de plus de détermination, parce quelle a accédé à ce poste grâce à un proche et que, par son travail, elle veut prouver qu’elle est à la hauteur de la mission qui lui a été confiée. Pour le reste, je ne vois pas de différence entre sa façon de travailler et celle d’un homme». Abuse-t-elle de son pouvoir pour mieux s’imposer? «Elle a tendance à être exigeante, à avoir le dernier mot, quitte à le regretter plus tard, mais je n’appellerais pas cela abus de pouvoir, mais plutôt façon de dire ‘‘je peux être aussi efficace et autoritaire qu’un homme. Vous avez intérêt à m’écouter. C’est moi la patronne, messieurs’’. Je ne me mêle pas de sa vie privée et elle est très discrète sur ce sujet. Elle se contente parfois de lancer des boutades sur celle-ci, en insinuant que la gent masculine la craint à cause de sa puissance et de son caractère que les hommes supposent fort».
Pouvoir et amour vont-ils de pair?
Selon le sociologue Fadi Sawaya, «si certaines dirigeantes ne sont ni pires ni meilleures que les hommes, d’autres, à partir du moment où elles accèdent à des postes de haut niveau, deviennent plus autoritaires et agressives qu’elles ne l’étaient, comme si elles avaient trouvé là le meilleur moyen de s’imposer. A force de se débattre dans des univers violents, que ce soit en politique ou en affaires, où la concurrence fait rage et le droit à l’erreur est sévèrement réprimé, ces traits de caractère deviennent partie intégrante de leurs personnalités… Ce qui rebute les hommes qui aimeraient s’en approcher. L’obsession de l’esprit de commandement devient un impératif pour sauvegarder son poste, ce qui peut s’avérer décourageant dans la vie amoureuse, alors que ce trait de personnalité ne pose pas en général problème pour les femmes qui apprécient les hommes de pouvoir au caractère autoritaire et à l’ambition démesurée», précise l’expert.
Ce phénomène, qui existe partout au monde, est encore plus accentué au Liban où la réussite d’une femme est toujours, selon l’avis des gens, forcément liée à un homme: un père, un mari, un amant… Ce qui fait que la femme tente de progresser et d’avancer dans son métier en essayant de faire oublier qu’elle est fille, femme ou maîtresse de… Pour cela, elle force un peu sur les traits masculins de son caractère. Pour le reste, pas de différences majeures entre les deux sexes dans la façon de diriger.
Traditionnellement, amour et pouvoir ne font pas bon ménage pour les femmes. Si, chez les hommes, les attributs du pouvoir attirent sans conteste, déclinés au féminin, ils agissent davantage comme repoussoirs que comme sex-appeals. «Pour atteindre les hautes sphères, les femmes mobilisent des valeurs telles que l’ambition et l’autorité qui, contrairement aux hommes, sont connotées négativement. Cet effet miroir est rebutant pour leurs congénères», analyse la sociologue Mérabha Benchikh. «Si, pour les hommes, le pouvoir constitue un bénéfice, pour les femmes, il représente un coût pour leur vie amoureuse et familiale», poursuit-elle. Pour le psychanalyste Jean-Pierre Winter, une femme puissante déroute d’autant plus qu’elle percute de plein fouet nos schémas archaïques. «Sur le plan symbolique, les hommes qui gouvernent sont investis du pouvoir de tuer, explique-t-il. Or, la femme donne la vie, pas la mort. Ainsi, non seulement celle qui possède un statut de dominante n’est pas désirable, mais elle peut même apparaître comme castratrice».
«Je leur fais peur», dit, avec humour, cette P.D.G. d’une boîte de publicité. En moins de douze ans, cette brillante brune de 38 ans a gravi les échelons un à un. Mais elle paie son ascension au prix fort. «D’abord, mon côté de femme puissante les attire. Puis, très vite, je constitue à leurs yeux une menace pour leur virilité». En fin de compte, les femmes de pouvoir seraient des hommes comme les autres avec quelques petits ajustements forcés qui leur permettent de s’imposer. Pour le reste, une femme peut être plus dure qu’un homme et un homme plus conciliant qu’une femme. Tout est question de caractère.
Danièle Gergès
L’abus de travail et la sexualité
Autant chez les femmes que chez les hommes, la vie sexuelle est mise à rude épreuve lorsqu’on abuse de travail. Une étude des laboratoires Pfizer, inventeur du Viagra, confirme l’affaiblissement de la libido chez les personnes chargées de hautes responsabilités, ne faisant pas de différence entre les deux sexes, considérant simplement que le stress et l’excès de responsabilités ont une influence négative sur la sexualité. Cela se traduit par une baisse de la fréquence des rapports sexuels et une atténuation du désir, éjaculation précoce chez les hommes, sécheresse et douleurs vaginales chez les femmes, alors que les examens médicaux ne révèlent aucun trouble organique. Une personne avertie en vaut deux!
L’avis des hommes
Inscrire une décideuse sur son tableau de chasse serait considéré un beau challenge. De nombreux hommes n’ont pas de problème pour être conquis ou pour conquérir ce profil de femmes, mais c’est sur la durée que les choses se compliquent. La volonté de pouvoir que possède la plupart de la gent masculine reprendra le dessus. Certes, au début, les décideuses peuvent s’avérer séduisantes, même les moins sexy d’entre elles, par le seul attrait du pouvoir qu’elles possèdent. Toutefois, elles continuent à faire peur. Les hommes sont souvent dominants, dans la compétition, et qu’une femme leur fasse concurrence sur ce plan peut les déstabiliser.