Le malaise dans les relations du Courant patriotique libre avec ses alliés, la visite du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, ainsi que le spectre de l’implantation syrienne ont été au cœur d’un entretien avec le Dr Nagi Gharios, député de Baabda et membre du Bloc du Changement et de la Réforme.
Qu’a voulu dire le général Michel Aoun en appelant ses partisans à retrousser leurs manches?
Nous aurions dû le faire depuis deux ans, car il n’y a pas de pensée politique respectueuse de la démocratie consensuelle. Nous n’avons pas inventé ce principe. Il a été instauré par l’accord de Taëf qui a consacré un nouveau contrat social reposant sur une entente entre les différentes communautés. Ainsi, si une communauté déterminée s’oppose à un sujet, celui-ci ne peut pas être imposé. Pourquoi ce principe n’est plus appliqué dès qu’il s’agit des chrétiens? Taëf a donné tous les pouvoirs du président de la République à l’ensemble du gouvernement. Toutefois, le président martyr Rafic Hariri a tout concentré entre ses mains. A aucun moment, cela n’a été remis en cause, mais un chef de gouvernement ne peut pas concentrer à lui seul tous les pouvoirs. Nous ne nous sommes jamais opposés à cette pratique par le passé et c’est ce qui nous a fait parvenir à la situation d’aujourd’hui. En appelant ses partisans à retrousser leurs manches, le général Aoun a voulu préparer les esprits pour que les gens prennent conscience de ce qui se passe. Cela ne veut pas dire descendre dans la rue et tout casser, mais lorsque nous réclamerons nos droits, que personne, chrétiens ou autres, ne s’y oppose. Nous n’appelons ni à la guerre ni au conflit, mais nous réclamons un véritable partenariat.
On parle d’un malaise entre le Hezbollah et le CPL. Les gens sont sceptiques quant à l’appui réel de ce parti au général Aoun.
C’est une question qui revient sur toutes les lèvres et dont la réponse n’est pas évidente. En tant que CPL, nous n’avons jamais demandé au Hezbollah d’intervenir auprès de Sleiman Frangié pour qu’il retire sa candidature, ni auprès du président Nabih Berry pour qu’il appuie le général Aoun. Il est vrai que la réponse de sayyed Hassan Nasrallah n’a pas convaincu beaucoup de monde, mais nous l’avons comprise et avons saisi son message. Ceci dit, je comprends parfaitement la position des gens.
Même avec le président Berry, la relation ne semble pas au beau fixe…
Nous avons beaucoup de respect pour le président Berry. Il existe des divergences entre nous et chacun le dit avec sincérité. Berry a essayé d’entraver notre action au Parlement plus d’une fois. Malgré tout, nous continuons à assister aux rencontres du mercredi. On peut ne pas s’entendre en politique, mais il n’est pas compréhensible d’entraver notre action parlementaire. C’est vrai, aujourd’hui, la relation est très tiède entre le général Aoun et le président Berry.
Le spectre de l’implantation des réfugiés syriens est-il réel?
Les Palestiniens sont là depuis 1948. Ils sont supposés relever des Nations unies qui réduisent de plus en plus leurs aides et demandent à l’Etat libanais de les prendre en charge, par exemple en matière d’assistance médicale. Depuis trois ans, un projet pour l’amélioration des conditions humanitaires des Palestiniens a été soumis par certaines parties à la Chambre, alors que cela relève de l’UNRWA et non pas du Parlement libanais. C’est pour cela que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, a demandé au Premier ministre que l’Etat libanais prenne en charge les déplacés syriens, pour qu’ils deviennent des réfugiés dont le sort sera réglé année après année. Implicitement, cela veut dire qu’ils ont l’intention de maintenir les Syriens au Liban, comme ils l’ont fait avec les Palestiniens. C’est comme si Ban Ki-Moon reprenait les propos du ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, en 2015, durant la conférence d’aide aux déplacés syriens, qui avait affirmé devant le chef du gouvernement libanais et le ministre des Affaires étrangères: «Il faut que les Syriens s’adaptent chez vous et rentrent chez eux lorsqu’ils le souhaitent». Le ministre Gebran Bassil s’y était opposé. Puis, en concertation avec le Premier ministre, ils ont rejeté ce point.
Pourquoi le ministre Bassil n’a pas rencontré Ban Ki-Moon?
Parce qu’il n’a donné aucune indication claire sur ses intentions concernant les déplacés syriens. Ils veulent les traiter comme des réfugiés, chose que nous rejetons.
Donc l’implantation paraît sérieuse?
L’implantation est une menace sérieuse.
Propos recueillis par Joëlle Seif