Magazine Le Mensuel

Nº 3048 du vendredi 8 avril 2016

Société

Liban vs Arabie saoudite. La tension entretenue par les médias

Le quotidien al-Charq el-awsat, basé à Londres et proche de la famille royale saoudienne, a publié un dessin du caricaturiste jordanien, Amjad Rasmi, exhibant le drapeau libanais avec l’inscription suivante: «L’Etat libanais, un poisson d’avril». Ce commentaire, jugé insultant, a suscité de multiples commentaires sur les réseaux sociaux. Il a également poussé un groupe de jeunes gens en colère à saccager les bureaux du journal saoudien.

L’Arabie saoudite ne sait plus comment exprimer son mécontentement à l’égard du Liban et des Libanais qu’elle juge soumis à la volonté du Hezbollah. En février dernier déjà, Riyad avait pris la décision de suspendre le don de trois milliards de dollars destinés à équiper l’Armée libanaise via la France. Il s’en est suivi aussi des licenciements de dizaines de Libanais travaillant en Arabie, des difficultés pour l’obtention de visas, ainsi que des rumeurs, vite démenties, sur la suspension de vols en direction de Beyrouth et l’impossibilité de faire des virements bancaires vers le Liban… la liste est longue et deux événements ont récemment montré la volonté du royaume de «punir» ce pays jadis «frère»: la fermeture des bureaux d’al-Arabiya avec le licenciement de 27 employés et la caricature insultante d’al-Charq el-awsat. Ce dernier faux pas a suscité la colère des internautes et le #Fermer_les_bureaux_d’al-Charq_el-awsat a battu tous les records. Des Libanais ont dénoncé cette offense à la dignité du pays du Cèdre qui a tant donné au monde arabe et notamment à l’Arabie saoudite. Très rares sont les citoyens libanais qui ont défendu cette caricature. Ceux qui l’ont fait ont argué du fait que la liberté d’expression est sacrée et qu’il est interdit sous n’importe quel prétexte d’y porter atteinte.
Les incidents ne se sont pas arrêtés là. Le soir même, plusieurs jeunes gens, conduits par le militant Pierre Hachache, se sont introduits dans les locaux du quotidien et les ont saccagés. Un autre groupe a accroché sur la passerelle des piétons, qui enjambe l’autoroute de Jal el-dib, une parodie du drapeau saoudien toujours dans le but de protester contre les provocations commises à l’égard des Libanais. Le lendemain, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont affirmé que «sept personnes avaient été arrêtées pour vandalisme contre les locaux du quotidien saoudien al-Charq el-awsat à Beyrouth après la publication d’une caricature tournant en dérision l’Etat libanais».
Toujours est-il que, voyant les réactions aller crescendo contre son pays, l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Ali Awad Assiri, s’est empressé de déclarer que «les réactions que nous avons pu voir sur les réseaux sociaux concernant la caricature publiée par le journal al-Charq el-awsat ont donné plus d’importance qu’il ne faut à la question». Le diplomate a appelé les Libanais au calme et à la pondération pour que, ajoute-t-il, «cette affaire ne serve pas les intérêts de ceux qui veulent porter préjudice aux relations entre le Liban et ses frères arabes».

Danièle Gergès

al-Arabiya quitte Beyrouth
Basée à Dubaï, la chaîne pro-saoudienne al-Arabiya et sa filiale al-Hadath ont décidé de fermer leurs bureaux à Beyrouth, arguant de raisons de sécurité. Vingt-sept employés n’ont été prévenus de la fermeture des bureaux des deux chaînes que quelques heures avant l’annonce. Dans un communiqué, la chaîne a affirmé avoir décidé une «restructuration de ses opérations au Liban en raison des circonstances difficiles et des défis sur le terrain, et à cause des craintes d’al-Arabiya pour la sécurité de ses employés». Elle a toutefois ajouté qu’elle «continuerait à couvrir de près les affaires libanaises». Aussitôt cette nouvelle publiée, le ministre libanais de l’Information, Ramzi Jreige, a réagi en déclarant que les autorités libanaises n’ont pas été informées de menaces planant sur le personnel ou sur les locaux des deux télévisions pro-saoudiennes, laissant entendre que cette décision s’inscrivait dans le cadre des tensions qui existent récemment entre l’Arabie saoudite et le Liban.

 

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