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Nº 3048 du vendredi 8 avril 2016

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Problème de gouvernance. Un modèle économique à repenser

Cinq ans après le début de la crise syrienne, l’économie libanaise est transformée. Comment s’adapter à cette nouvelle réalité? Comment surmonter ces challenges?
 

Face à la crise sans précédent à laquelle doit faire face le Liban, des questions de fond se posent plus que jamais. Doit-on passer d’une gestion de la situation dans l’urgence ou mettre en place un vrai plan de développement qui s’inscrit dans la durée?
C’est la thèse avancée par Sami Atallah, directeur du Centre de recherches, le LCPS (Lebanese center for policy studies). Selon lui, de nombreuses études montrent que les réfugiés ne rentreraient pas dans leur pays immédiatement après la fin d’une guerre. «Il faut ainsi s’adapter à cette nouvelle donne et gérer la crise des réfugiés autrement, explique-t-il. Cette crise n’est plus temporaire mais s’inscrit bien dans la durée».
 

Les migrants, une opportunité?
Pour Sami Atallah, la question n’est pas de savoir si l’on doit intégrer économiquement ou non les réfugiés syriens, mais de savoir que peut-on faire d’autre aujourd’hui? «Ce n’est pas en les marginalisant et en les mettant à l’écart qu’on fera mieux face à cette crise», insiste-t-il.  
Pour le chercheur, la crise des migrants en Europe serait même une formidable opportunité pour le Liban. «Les Européens feraient tout pour s’assurer que les réfugiés restent éloignés de leurs frontières, insiste-t-il. En réalité, le Liban offre au monde entier une assistance de première nécessité et il est normal que la communauté internationale nous aide. Mais pour cela, encore faut-il que le Liban ait une vision à proposer, un gouvernement qui avance des requêtes concrètes et sérieuses».
Car, dans cette tragédie, comme dans toutes tragédies, il y a des gagnants et des perdants. Les perdants sont notamment les Libanais les plus pauvres qui souffrent d’une concurrence déloyale sur le marché du travail, mais les gagnants sont, eux aussi, libanais. «Il s’agit de ceux qui embauchent la main-d’œuvre bon marché que représentent les réfugiés syriens», estime Atallah.
Dans ce contexte, ce dont nous avons besoin est un Etat, un gouvernement qui puisse empêcher ce type de pratiques. Or, je pense que s’il existe une volonté politique de gérer cette crise, des solutions pourront être trouvées».

Réformes structurelles
Pour Wissam Haraké, économiste à la Banque mondiale, le pays a besoin de réformes structurelles et ce, depuis bien avant le début de la guerre en Syrie. «Si le déficit fiscal existait déjà avant la guerre en Syrie, les événements sont venus exacerber les faiblesses de l’économie libanaise déjà existantes», explique le spécialiste.
Car, si autrefois, le Liban utilisait les Investissements directs étrangers (IDE) pour financer son déficit, aujourd’hui en l’absence de ce type de flux, c’est le secteur bancaire qui le finance, constituant ainsi un manque à gagner pour le secteur privé.
 

«Revoir nos priorités»
«En réalité, les réformes dont le Liban a besoin sont les mêmes qui manquaient au pays bien avant le début des combats en Syrie, insiste Haraké. Le pays du Cèdre a besoin d’une alimentation en électricité continue, il en est de même pour l’eau et le reste des infrastructures. Il a besoin d’un président, de régler la crise des poubelles. En somme, le Liban a terriblement besoin d’une bonne gouvernance».
Pour Adib Nehmé, conseiller régional à l’Escwa, «la première chose à faire est d’admettre qu’on a mal géré la situation depuis cinq ans et revoir urgemment nos priorités».
«Avant tout, il faut produire de la connaissance et réaliser des études de terrain pour avoir enfin une réelle connaissance de la situation et pouvoir adopter des réponses adaptées. Il existe une centaine d’études réalisées sur la situation des Syriens au Liban par toutes les organisations internationales, mais en existe-t-il une seule étude effectuée par le Liban?», demande Nehmé.
ll faut ensuite immédiatement lancer un dialogue national sur l’impact de la crise syrienne au Liban sur l’économie avec l’ensemble des belligérants: les partis politiques, la société civile, les ONG internationales, les représentants du secteur privé, de la communauté syrienne… «Nous devons élaborer ensemble une réponse à cette nouvelle réalité», insiste le spécialiste.
Au Liban, quinze ans après la fin de la guerre civile, le pays doit toujours régler son problème politique. «Imaginez toutes les externalités positives que créerait une alimentation en électricité dans le pays, renchérit Adib Nehmé. Si les réfugiés syriens ont pesé davantage sur les faiblesses structurelles du pays, le Liban doit, en réalité, revenir sur les rails politiques pour régler son problème économique».

Soraya Hamdan

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