Valse diplomatique à Bkerké
Deux réunions extraordinaires à Bkerké convoquées par le patriarche Béchara Boutros Raï. La première, avec les ambassadeurs des pays du Golfe et la deuxième avec ceux des grandes puissances à Beyrouth. Lors de la première rencontre, le chef de l’Eglise maronite a tenu à affirmer son attachement aux relations fraternelles avec les pays du Golfe et avec l’ensemble des pays arabes. Prenant la parole au nom de ses collègues, l’ambassadeur du Koweït, Abdel Aal Kinaï, a appelé «les Libanais à donner la priorité aux intérêts de leur pays, à consolider la cohésion nationale, à élire un chef d’Etat pour mettre fin à la paralysie qui mine les institutions de l’Etat et à demeurer attachés à l’identité arabe du Liban… en coupant la voie aux parties extérieures qui veulent torpiller les relations du Liban avec ses frères arabes». Aucun Libanais n’a été expulsé des Emirats du Golfe de façon arbitraire, a ajouté Kinaï, ceux qui ont été renvoyés l’ont été pour des raisons légales.
Affaire inextricable
L’affaire de l’organe de la Sécurité de l’Etat reste inextricable. Trois propositions impossibles à concrétiser sont avancées:
– Virer le directeur général, le général Georges Karaa, et son adjoint, le général Mohammad Toufayli. Cette solution préconisée par Nabih Berry est rejetée par le camp chrétien pour éviter de créer un précédent susceptible de se reproduire dans des cas similaires. Et aussi, parce que Karaa n’a pas commis d’erreur justifiant sa révocation.
– Mettre sur pied un conseil de commandement composé de six officiers. Cela nécessite l’émission d’une loi à cet effet. Or, le Parlement ne se réunit que pour les législations d’urgence.
– Soumettre le problème au Conseil supérieur de la défense pour trancher le litige. La proposition est celle du ministre Boutros Harb. Or, ce conseil est paralysé jusqu’à l’élection d’un chef d’Etat qui doit le présider.
La quatrième idée avancée consiste à maintenir Karaa et Toufayli à leurs postes respectifs et à trouver une issue aux questions financières. Mais cette option implique la prorogation du mandat de ce dernier qui doit partir à la retraite dans deux mois.
Des municipales chaudes
La bataille municipale à Sin el-Fil sera chaude. On prévoit une concurrence féroce entre une liste présidée par l’actuel chef Nabil Kahalé, essentiellement soutenue par le député Michel el-Murr et le parti Kataëb, et une autre appuyée par les Forces libanaises (FL) et le Courant patriotique libre (CPL).
Les observateurs suivent de près les contacts effectués surtout par Murr qui a récemment rencontré le président des Kataëb, Samy Gemayel, et le secrétaire général du Tachnag, Hagop Pakradounian. Ce dernier a une influence déterminante sur cette échéance dans plusieurs quartiers et non seulement à Bourj Hammoud. Quant à Nicole Amine Gemayel, elle présidera la liste Kataëb de Bikfaya, mais n’a pas l’intention, comme on l’a dit, de mener la bataille face à la présidente actuelle de l’Union des municipalités du Metn-Nord, Mirna Michel el-Murr.
Siniora flirte avec les Américains
Les divergences saoudo-américaines, sur les priorités dans la région et au Liban, donnent du fil à retordre au président Saad Hariri. Le camp du président Fouad Siniora est en relation directe avec les Américains, alors que le camp de l’ex-Premier ministre Hariri n’est pas satisfait de la visite du chef de son bloc parlementaire à Washington, qu’il trouve suspecte. Le deuxième camp craint que Siniora instrumentalise cette visite pour se poser en candidat d’entente à la présidence du Conseil lorsque le nouveau régime sera mis en place, contraignant l’Arabie à faire des concessions au Liban. Hariri ne sait pas dans quelle mesure il peut compter sur son accréditation en tant que représentant exclusif de Riyad à Beyrouth, il sait cependant qu’il ne peut pas concurrencer Siniora dans les options américaines.
Nabih Berry sollicite Le Caire
Au Caire, où il s’est entretenu avec le président Abdel-Fattah el-Sissi, le chef de l’Assemblée, Nabih Berry, a sollicité l’aide de l’Egypte sur deux dossiers.
– Plaider auprès de Riyad la révision de la suspension de l’aide militaire de trois milliards octroyée à l’Armée libanaise. «Je n’ai trouvé, a dit Berry, aucune explication à cette décision qui pénalise le Liban et son armée et pas un seul camp… Pourquoi sanctionner la troupe, alors qu’elle joue un rôle fondamental dans la lutte antiterroriste?».
– Demander l’intervention du Caire pour le renouement du dialogue saoudo-iranien. Dialogue dont les retombées seront positives sur le Liban et la région.
Le président égyptien, qui semblait préoccupé par l’échéance présidentielle, a déclaré: «Nous sommes à vos côtés, le Liban nous intéresse. Il vous faut élire un chef d’Etat au plus vite».
Bras de fer à Zahlé
Myriam Skaff, présidente du Bloc populaire, a créé la surprise en annonçant sa disposition à mener la bataille électorale à Zahlé contre les trois partis chrétiens réunis (Forces libanaises – Courant patriotique libre et Kataëb). Il s’agit de «la bataille des familles contre les partis», a-t-elle martelé.
Mme Skaff a dit avoir décliné l’entente parce qu’on lui a proposé 5 sièges sur 21, un nombre qui ne correspond pas à la dimension historique et populaire de sa famille. Mais le coordinateur FL à Zahlé, Charbel Tannoury, rétorque que la proposition faite à Skaff est équitable en ce sens qu’elle est exactement pareille à celle soumise à son parti (soit 5 sièges).
Myriam Skaff, qui a reçu en grande pompe Saad Hariri à Zahlé il y a quelques semaines, a choisi Sleiman Frangié comme allié chrétien. Elle fait le calcul suivant:
A la répartition des bulletins de vote entre trois listes (celle du Bloc populaire avec Youssef Skaff, celle des partis avec Assaad Zogheib et celle de Nicolas Fattouche, avec Moussa Fattouche), il faut ajouter les voix sunnites du Moustaqbal et chiites de Nabih Berry qui feront pencher la balance en sa faveur.
Les erreurs du duo chrétien
Le duo chrétien commet une erreur en participant activement au chantier municipal et en prétendant représenter 86% des chrétiens, avant de se lancer par la suite dans les élections présidentielles et législatives, de l’avis d’un diplomate européen. Cela pour plusieurs raisons: en prétendant contrôler la scène à 86%, il incite les autres composantes à se liguer spontanément contre lui. Ainsi Michel Moawad s’est vu contraint de trouver refuge chez le chef des Marada, Sleiman Frangié, ce qui verrouille le casa de Zghorta face aux partis. En parallèle, il n’est pas dans l’intérêt du tandem chrétien de gérer les municipales sans évaluer le poids des familles dans cette échéance.
Ça va mal à Aïn el-Heloué
Aïn el-Heloué à nouveau sous les feux de la rampe après l’assassinat d’un responsable militaire du Fateh, Fathi Zeidan. L’homme revenait du camp de Miyé Miyé où il avait assisté à une réunion sécuritaire et réclamé un surplus de dispositions pour la sauvegarde de la stabilité.
Zeidan, alias Ahmad Abou Zorro, est un modéré jouissant d’un dossier judiciaire vierge chez les services de sécurité libanais, qui collaborait avec les Renseignements de l’armée au Sud. Des sources du camp présument qu’il a été liquidé par une fraction palestinienne salafiste. Les soupçons pèsent en particulier sur un groupe radical connu pour être proche du Front al-Nosra. Avec la recrudescence des incidents sécuritaires à Aïn el-Heloué, la force commune, commandée par Mounir Makdah, fait face à un choix difficile surtout que les services libanais, qui savent bien ce qui se passe à l’intérieur du camp, dénoncent sa mollesse. Pourtant, le coût de fonctionnement de cette force atteint quelque 200000 dollars par mois.
Heurts à Tarik Jdidé
Le quartier de Tarik-Jdidé à Beyrouth est le théâtre d’échauffourées régulières entre les affiliés au Moustaqbal, les adeptes de l’Etat islamique et du Front al-Nosra. En fait, ces heurts qui se déroulent loin de tout tapage médiatique sont dus aux tentatives continues des groupes terroristes de hisser leurs bannières dans les ruelles du quartier, alors que le Moustaqbal essaie de les en empêcher. L’ex-Premier ministre, Saad Hariri, veut lutter contre l’expansion du radicalisme dans ce quartier, considéré centre névralgique sunnite de la capitale. Surtout que le leader sunnite traverse une mauvaise passe financière que les takfiristes tentent d’exploiter. La source locale, qui rapporte ces faits, indique que ce qui rend la mission du Moustaqbal encore plus compliquée c’est l’interaction politico-sécuritaire entre les habitants de ce quartier et le camp de Sabra et Chatila, alors que des rumeurs circulent sur un soutien financier accordé à certains leaders palestiniens en provenance du Golfe pour armer des groupes salafistes palestiniens. Toutes ces données ont pour effet d’affaiblir la présence de l’Etat à Tarik Jdidé.
Moscou soutient Beyrouth
Appui musclé de la Russie au Liban au Conseil de sécurité, la semaine passée. Le délégué russe, Vitali Tchourkine, en coopération avec les représentants de la Chine et d’autres pays, a fait échec à un projet de résolution arabo-occidental visant à torpiller l’équation «l’armée, le peuple, la Résistance», et appelant à taxer le Hezbollah d’organisation terroriste. D’après les prévisions d’une source locale, plusieurs responsables libanais mettront le cap sur Moscou à la fin du mois. Ce sera le moment pour le ministre de la Défense, Samir Mokbel, de répondre à l’invitation de son homologue russe à participer au Congrès de la Sécurité stratégique internationale qui se déroulera en présence du président Vladimir Poutine. Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, est lui aussi invité à un congrès financier prévu à Saint-Pétersbourg. Les contacts libano-russes ont connu une nouvelle impulsion après la visite de Saad Hariri à Moscou et sa rencontre avec le président Poutine, souligne la source, démentant toutefois l’acceptation par le chef du Moustaqbal de l’offre russe pour le développement et la consolidation de l’arsenal de l’armée. La composition de la délégation, qui a accompagné Hariri à Moscou, est une preuve évidente du maintien du veto haririen contre les armes russes…
Menace commerciale sur le Liban
Après la «saoudisation» du détroit de Tiran entre la mer Rouge et le golfe d’Aqaba, un expert se dit méfiant. Le transfert des îles égyptiennes de Tiran et Sanafir à l’autorité saoudienne modifie les routes du commerce entre le Golfe arabe et l’Europe, explique-t-il, précisant que jusqu’en 2011, le Liban constituait un passage maritime et terrestre principal pour le réseau de fret et l’importation des produits européens vers les marchés des pays de Coopération du Golfe. Dès ce moment, ce réseau, qui traverse la Syrie et la Jordanie, allant de l’Irak et la Turquie évitant toutes sortes de transit via l’entité israélienne, s’est effondré. L’acquisition d’une issue maritime vers le golfe d’Aqaba par Riyad recèle des objectifs stratégiques clairs. Il s’agit pour le royaume, afin de faire face au danger iranien, de dévier partiellement les lignes d’acheminement des produits gaziers et autres du détroit d’Ormuz et Bab-el-Mandeb à l’est et au sud de la presqu’île arabe, vers de nouveaux canaux terrestres et maritimes allant du nord du golfe d’Aqaba vers la Méditerranée. La nature de l’infrastructure implantée dans les deux îles, comme les ponts, les gazoducs, les réseaux de communication et d’énergie et leur emplacement au port d’Eilat, ouvre une voie de transit commercial entre les pays du Golfe et les marchés occidentaux, via le port de Haïfa. Ce passage, qui affaiblit aussi l’activité dans le canal de Suez, fait d’Israël le pivot du commerce régional, ce qui représente une menace pour le centre de transit traditionnel qu’est le Liban.
Le Hezbollah déçu par Aoun et Frangié
Les efforts des responsables du Hezbollah pour dissimuler leur amertume face aux positions du général Michel Aoun et du député Sleiman Frangié, après l’interdiction de la chaîne al-Manar d’émettre via Arabsat, ne sont pas suffisants. Dans une deuxième étape, ce fut au tour de NileSat de suspendre les chaînes NBN, al-Jadeed, Télé-Liban et al-Manar sous prétexte que le gouvernement libanais n’a pas renouvelé le contrat de fonctionnement du centre de communication à Jouret el-Ballout. A la rencontre de solidarité avec la chaîne al-Manar, organisée au Coral Beach pour dénoncer la décision prise contre elle par Arabsat, de nombreuses personnalités politiques, médiatiques et sociales ont pris la parole, mais aucune intervention du député Frangié qui, préférant s’abstenir de faire une déclaration, s’est contenté de se faire représenter sur place. Quant au général Aoun, il n’a prononcé aucun mot de soutien à al-Manar après l’éviction de la chaîne de NileSat. La déception du Hezbollah ne se limite pas aux deux leaders maronites, mais touche aussi d’autres alliés, comme l’ex-ministre Abdel-Rahim Mrad et d’autres… Mais cela n’efface pas les liens profonds qui unissent toutes ces parties entre elles.