Magazine Le Mensuel

Nº 3053 du vendredi 13 mai 2016

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Jocelyn Bélanger, expert de la déradicalisation. «Le jihad est un moyen pour la quête de sens»

Le professeur canadien Jocelyn Bélanger, initiateur du premier centre de déradicalisation en Amérique du Nord, participait, la semaine dernière, à la deuxième édition de la Journée sur le terrorisme, organisée par l’Université Antonine et l’ambassade du Canada à Beyrouth. Magazine l’a rencontré.  

Comment expliquez-vous la radicalisation des jeunes et leur plongée dans l’extrémisme?
Qu’est-ce qui motive les gens à se radicaliser? Le mot «radicaliser» n’est pas nécessairement péjoratif. On peut très bien se radicaliser pour des idéaux pro-sociaux, le droit des femmes, la lutte contre l’esclavage, etc. En effectuant une recension des écrits, on remarque plus d’une trentaine de motifs différents qui expliqueraient la radicalisation. On parle de féminisme, de perte d’honneur, d’idéologie, de religion, etc., la liste continue ad vitam æternam et ad nauseam. En regardant cette pluralité dans les motivations, l’objectif de la science est de trouver le dénominateur commun. Dans ce cas-là, cela semblait être la quête de sens.

 

Qu’est-ce que la quête de sens?
En psychologie, depuis les années 50, on parle de cette idée que les gens veulent se sentir respectés, faire partie de la communauté, être quelqu’un. C’est un raisonnement existentiel.Les nouvelles études neuroscientifiques sont fascinantes. Une étude publiée en 2003 par Eisenberger dans la revue Science portant sur deux groupes, l’un expérimental (rejeté socialement) et l’autre de confort, a permis de remarquer que des connecteurs neuronaux s’activent. Ceux associés à la douleur physique étaient aussi activés. Ce qui suggère que la douleur sociale et la douleur physique, dans le cerveau, se localisent au même endroit. Perdre du sens, se sentir abandonné, rejeté, provoquerait donc une douleur tant physique que psychologique. Que font les gens dans ce cas pour remédier à cette douleur? Ils se tournent vers des groupes. Pourquoi? Parce que comme des animaux grégaires, quand on appartient à un groupe, cela donne une image de soi positive et une force dans le groupe.

 

Quel est le rôle des pairs?
Il y a certains groupes qui sont dits «normaux». La quête de sens est naturelle, universelle. Sauf que si on adhère à un groupe radical, on tombe dans le piège de la radicalisation. Dans deux tiers des cas, les études montrent que cette radicalisation se fait par l’entremise des pairs, de la famille et des amis. C’est le facteur de risque commun.
Si l’on prend le cas des kamikazes des attentats de Paris, il s’agissait presque à chaque fois de frères. Les frères Tsarnaev à Boston, les frères Kouachi pour l’attentat de Charlie Hebdo ou même les 19 hijackers du 11 septembre, il y avait des frères, ça reste toujours dans la famille. Ce sont des données constantes. Une enquête de 2014, qui analyse 119 cas de terrorisme, a démontré que dans 63,9% des cas, la famille, les pairs et l’entourage étaient au courant. Techniquement, cela veut dire qu’on peut prédire et prévenir 64% des attentats.
Si on parle de jeunes hommes de 16-17 ans, la famille n’est qu’une source d’informations, on se tourne davantage vers les groupes d’amis. A cet âge-là, on est en pleine quête identitaire, une quête de soi. Des données en criminologie démontrent que l’on est plus impulsif, on prend plus de risques. Il y a des raisons sociales, mais aussi neuroscientifiques à cela. Par exemple, les lobes préfrontaux ne sont pas développés complètement jusqu’à 21-22 ans. Le problème, c’est que ces lobes sont essentiels pour les jugements moraux, pour distinguer le bien et le mal. Dans les modèles sociaux, les facteurs de protection seront d’avoir un emploi stable, d’être marié, parfois même une expérience militaire, cela réduit les risques de tomber dans les pièges de la radicalisation.

 

Ces constantes étaient-elles valables aussi par le passé, quand les jeunes rejoignaient d’autres mouvements, comme les hippies ou autres?
Si l’on prend le cas des Brigades rouges, un mouvement d’extrême gauche des années 70, en Italie, effectivement, il a été démontré que 66% des cas de radicalisation se faisaient par l’entremise des pairs, famille, amis, collègues de travail, etc. Ces données se répètent avec les groupes jihadistes. Les groupes diffèrent mais le processus est le même. Vous connaissez quelqu’un qui fait partie d’un groupe? Vous êtes à risque.

 

Les jeunes qui se radicalisent sont-ils pour autant des idéologues?
Dans le Guardian, il y avait une interview avec un ancien recruteur britannique connu qui a mobilisé des centaines de jeunes musulmans. Il disait que le jihad est un élément de contre-culture par excellence, comme le mouvement hippie à une autre époque. Le jihad est sexy. Ce n’est pas une question d’idéologie. C’est un moyen pour la quête de sens, ce n’est pas le but, c’est juste un moyen. C’est la grande erreur que les gens font. Ces gens-là ne sont pas des idéologues. Par exemple, laissez-moi citer un collègue américain, l’anthropologue Scott Atran, qui est allé en Irak, à Kirkouk. Il a pu parler à des gens de Daech, arrêtés par les forces irakiennes. Dans ses entrevues, il leur demande ce qu’est l’islam pour eux. Ils lui ont répondu «L’islam c’est ma vie». As-tu lu le Coran? «Jamais», a été leur réponse. Et, pourtant, ce sont des jihadistes. Ils n’ont jamais lu les hadiths du Coran. Des anecdotes comme celle-là, il y en a des tonnes… Des jihadistes par exemple qui achètent le Coran pour les nuls. Ça devient récurrent. Puisqu’ils ont une compréhension très sommaire de l’idéologie pour laquelle ils se battent, pour la déradicalisation, c’est un peu plus facile. Ce ne sont pas des idéologues endurcis. Si l’imam vient avec le Coran, dans le cas du jihadisme, et leur démontre «tu as tort complètement», c’est plus facile, puisque ce sont des experts dans ce domaine.

 

Comment expliquer que les jeunes soient si emballés par des mouvements comme Daech? 
Si l’on part du postulat que ces jeunes-là sont en quête de sens, d’absolu, d’aventure, ce qu’on leur propose en échange, par exemple du côté du gouvernement français (dans sa campagne visant à démonter la propagande de l’EI sur Internet, ndlr) c’est la modération, l’abstention, de rester à la maison, bref, de rester sage. C’est quand, la dernière fois, que vous avez vu un adolescent qui accepterait ça? En termes de marketing, on se tire une balle dans le pied. En face, Daech dispose d’une armée de personnes en ligne qui s’occupent des ces jeunes, qui regardent leurs besoins, leur donnent des solutions et proposent un discours alléchant, en haute définition. On leur propose de l’aventure, de l’argent et du sexe. Nous autres, on leur propose de l’abstinence et de la modération. Parlant marketing, ce sont des réponses typiques de gouvernement. On devrait offrir un autre rêve. Dans notre travail de prévention, il faut redonner espoir aux jeunes. Ce qui m’intéresse, c’est de proposer une alternative qui soit aussi alléchante. Plutôt que la modération.

 

Quelles alternatives peut-on leur proposer?
Aux Etats-Unis, on parle des groupes de Peace Corps. Des jeunes partent par exemple en Afrique changer le monde, ils voyagent, ils avancent. On est dans les mêmes thèmes, sans dire que c’est nécessairement la solution. Ce sont des jeunes qui ne sont pas psychopathes, ils ont développé une empathie pour une cause. Souvent, ils partent pour défendre, à titre d’exemple, le peuple syrien. Le problème, c’est qu’ils vont lui causer plus de torts au final. Il faut dire, d’ailleurs, que la première victime de tout cela, ce sont les musulmans. Dans les efforts de déradicalisation, il faut vendre du rêve. Du rêve social, l’American dream, un espoir pour l’avenir. Je pense vraiment que la solution est locale, plutôt que globale. Par exemple, certains ont des cours de leadership, on aide les jeunes musulmans à faire leurs C.V., on les met en contact avec des musulmans de la communauté d’affaires qui deviennent des mentors pour eux. C’est quelque chose de prosocial, valorisant pour soi, de positif, on leur redonne de l’espoir. On a arrêté d’investir dans nos jeunes quelque part, avec lenéolibéralisme, on court partout, mais dans le fond, on ne donne pas d’espoir aux jeunes. Voyez en Europe les taux de chômage …

 

Parlez-nous du centre de déradicalisation de Montréal…
En 2015, nous avions un contexte où plusieurs jeunes partaient tous en Syrie. De là est né le centre de prévention de Montréal. Comment comprendre ce problème et y remédier? Cela a été une initiative locale avec des partenaires locaux. On a créé une ligne de prévention à Montréal. Les gens peuvent appeler pour signaler que leurs fils se radicalisent. Plutôt que d’appeler les policiers pour dénoncer votre enfant, ce qui est difficile, cette ligne tenue par un civil donne des informations. Selon les cas, on envoie des psychologues pour dialoguer avec la personne. On n’est pas là pour juger quoi que ce soit, juste pour s’assurer que cette personne n’est pas un danger pour elle-même ou pour les autres. On dialogue avec l’entourage et avec l’adolescent pour comprendre la motivation sous-jacente, pourquoi, par exemple, il consulte des sites Internet violents. Ensuite, on peut faire un suivi. C’est encore très embryonnaire, mais depuis qu’on a commencé, de mars 2015 à février 2016, on a reçu près de 700 appels pour la région de Montréal. Sur ces appels-là, environ 140 nécessitaient une intervention pour dialoguer avec la personne. Il y a environ 9 appels qui ont nécessité une intervention de la police. Avec la trousse que nous avons mise en place (1), on donne les outils pour détecter la radicalisation. Dans les cas extrêmes, on peut entamer de la déradicalisation.

 

Justement, est-il possible de déradicaliser quelqu’un?
Rejoindre une organisation ou épouser une idéologie radicale permet à l’individu d’avoir un sentiment d’accomplissement, d’être quelqu’un, d’être respecté, etc. Il faut combler cette motivation avec des moyens alternatifs, en se reconnectant avec la famille, par exemple, car les groupes radicaux substituaient la famille.
Nous avons pu faire une étude avec 11000 combattants des Tigres tamouls au Sri Lanka (mouvement de guérilla nationaliste), séparés en deux groupes, un expérimental, un de contrôle. On les appelait «bénéficiaires» et non «terroristes», pour éviter la stigmatisation et leur procurer du respect et de la dignité. C’est aussi une façon d’accomplir la quête de sens. Ils vivaient dans une enceinte sécurisée, avec des activités comme la méditation, le sport, etc., pour combler les besoins psychologiques importants. Si on veut parvenir à un processus de déradicalisation, il faut les traiter comme une personne, pas comme un animal, leur prodiguer une éducation vocationnelle. Dans le cas des Tigres tamouls qui avaient grandi dans la jungle au milieu des kalachnikovs, il a fallu qu’ils acquièrent des compétences pour aider leurs familles, montrer qu’ils sont capables d’être des membres significatifs de la société. Par ailleurs, nous avons remarqué une diminution de l’inclination à la violence. Ces gens ont ensuite été relâchés dans leur communauté, il y a 4-5 ans. Le taux de récidive est de 0%. Il n’y a aucun cas connu de Tigres tamouls qui aurait repris les armes. Donc, plus on vous donne du respect, de la dignité, plus vous vous déradicalisez. C’est ça l’ingrédient du changement. Si l’on veut que l’être humain change, il faut le persuader.

 

Les autres expériences ont-elles été aussi positives?
A Singapour, aussi, 0% de taux de récidive avec des jihadistes. En Allemagne, avec Exit Deutschland, on a eu 3% de récidive. En Arabie saoudite, il y a eu deux expériences intéressantes, avec deux taux de récidive rapportés, l’un de 10%, l’autre de 20%. Les deux groupes sont composés de Saoudiens. Celui qui a 20% de récidive est composé d’anciens détenus de Guantanamo, qui ont été torturés. Les autres 10% sont des récidivistes qui ont suivi un programme saoudien, avec de l’éducation, des thérapies de groupe, etc. Donc pour résumer, la torture en guise de déradicalisation: 20% de récidive, l’approche soft, 10%.
La grande controverse avec les programmes de déradicalisation, c’est qu’il est très difficile de les évaluer. Parce que les gouvernements gardent les données jalousement. Pourquoi?
Parce qu’on est face à la science, on a fait un effort et on peut aboutir des choses qui ne nous plaisent pas nécessairement. Quand on a injecté des millions de dollars et qu’on nous dit que ça a échoué, ce n’est pas très bon pour l’image du gouvernement…

 

Il faut une sacrée foi en l’homme pour croire qu’il peut réintégrer la société malgré tout…
C’est la grande leçon de la psychologie sociale. L’homme est infiniment malléable. Pour le comprendre, on peut, par exemple, se référer aux études de Milgram, menées après la 2e Guerre mondiale.

 

Comment des jeunes en quête de sens sombrent-ils dans la violence? Quels sont les mécanismes?
Un des mécanismes, c’est la déshumanisation. Avec les nazis, les personnes n’étaient plus des personnes, mais des singes, des sacs de viande, sans valeur ni émotions. Même les gouvernements utilisent cela, quand on parle de «dommages collatéraux», ou de «frappes chirurgicales», cela veut quand même dire que l’on tue des femmes et des enfants. Tout ça c’est pour nous éviter de penser à la réalité concrète, en utilisant des euphémismes. Il y a aussi la socialisation, puis la normalisation de la violence. Si vous faites partie d’un groupe, où tous les gens pensent que la violence c’est normal, votre perception de la réalité changera. Pourquoi? Parce que l’on se conforme à la norme en vigueur dans le groupe. Dans 80% des cas, on se conforme à l’avis de la majorité. C’est pour cela d’ailleurs que Daech entraîne des jeunes enfants à égorger, le plus tôt possible, pour que la violence soit normale.

 

Ces jeunes enfants sont-ils encore récupérables?
Je n’ai pas de données pour dire que oui. Des travaux faits sur les enfants soldats montrent que c’est très difficile, car ils sont marqués à vie. Bien que l’être humain soit malléable, il y a des traces indélébiles parfois.

 

Pourquoi est-on prêt à mourir pour une cause?
C’est une question qui m’intéresse beaucoup. A priori, les êtres humains recherchent la notion de plaisir, évitent la douleur, veulent vivre le plus longtemps possible. Ce paradoxe, on commence à le comprendre. On n’est d’ailleurs pas les seules créatures à se «faire sauter», cela existe également chez les insectes. Les fourmis malaisiennes charpentières, quand elles se battent contre un termite – et là on peut faire une analogie – et que le termite est sur le point de gagner, vont contracter leurs muscles abdominaux pour se faire éclater, répandant leur jus gastrique qui est toxique. La fourmi défend le nid, son propre ADN, son groupe, son existence. Les biologistes s’entendent pour dire que ce n’est pas l’individu qui compte, mais le gène de survie. Cela paraît un peu farfelu, mais c’est exactement la même chose pour l’être humain. En mourant pour le groupe, je vis éternellement. Je partage l’ADN avec les gens de mon groupe, de ma famille. Je continue à vivre dans la mémoire collective du groupe. Paradoxalement, mon corps meurt, mais j’ai une influence sur la culture qui reste, donc je vis éternellement.

 

La radicalisation est parfois très rapide. Certains des kamikazes de Paris menaient une vie dissolue 6 mois avant, avant de sombrer dans la violence.
En laboratoire, on est capable de radicaliser les gens en un rien de temps. Par exemple, lorsqu’on donne une rétroaction négative, supposément vous échouez à un test de Q.I. dans notre expérience. On vous dit «tu es nul». La quête de sens s’emballe. Puis on a une échelle qui mesure à quel point les gens sont prêts à mourir pour une cause. Le plus grand désir de mourir pour une cause est de reprendre le contrôle. Cela a pris cinq minutes pour arriver à cela.
Dans ce cas-là, ne s’agit-il pas d’un hang-over? On abuse de substances et, d’un coup, on veut expier ses péchés en passant d’un extrême à l’autre. Cela concorderait avec les observations qu’on a sur les nouveaux convertis. Une des hypothèses, c’est que lorsque vous êtes un nouvel arrivant dans le groupe, vous devez faire vos marques et montrer votre dévouement extrême pour la cause.

 

Comment les groupes jihadistes draguent-ils les jeunes et nouveaux convertis?
Daech est beaucoup plus productif sur Internet que les autres tenants d’un islam modéré. Ils pratiquent le narrowcasting. On regarde votre profil, vous êtes jeune, français, lyonnais par exemple. On vous envoie un message radical qui porte sur une action concrète pour remédier à telle injustice dans votre communauté, près de chez vous. Sur les réseaux sociaux, les jihadistes sont très efficaces. Ce sont des jeunes qui ont vécu, qui sont habiles et deviennent de véritables experts dans le processus.

 

Les jeunes sont attirés, plus que par le jihad, par une contre-culture…
Si ce n’était pas le jihad, ce serait autre chose. Dans les années 60-70, c’était le mouvement hippie. C’est un élément de contre-culture. Maintenant, c’est le jihad, mais cela pourrait être tout autre chose. Aujourd’hui, dans leur quête d’absolu, de sens, ils veulent changer le monde. D’ailleurs, je conseille à tout le monde de se radicaliser au moins une fois dans sa vie, dans le sens de croire en une cause, en un idéal, sinon ils vont passer à côté de quelque chose de fort.

 

La montée du nazisme à une époque, celle du jihadisme aujourd’hui, ont aussi été précédées par des crises économiques. L’avenir n’est pas très radieux pour les jeunes…
Cette perception-là, que les issues sont bloquées, les gouvernements sont corrompus, le processus démocratique ne fonctionne pas très bien, cela contribue à ça… Le terrorisme c’est quasiment l’élément du dernier recours. Il y a quelque chose de brisé. Le contrat social qui était «je vais à l’école, j’ai un diplôme, un emploi, puis j’achète une maison, j’ai une famille, etc.», n’est plus valable. Là, je finis mon diplôme, je n’ai pas d’emploi et je suis endetté. Il n’y a pas de perspectives.

 

Quel est l’objectif, selon vous, des attentats à grande échelle, comme ceux de Bruxelles, où le but est de tuer le plus de monde possible.
Il y a quelque chose d’assez intéressant. Quand on regarde les attentats à Bruxelles, Paris, pourquoi tue-t-on des innocents? Je pose la question. Pour provoquer les divisions, les dissensions, l’islamophobie, la montée de l’extrême droite et, là, les organisations jihadistes se frottent les mains. Cela rend leur discours sur l’oppression des musulmans à travers le monde plus alléchant, car il devient conforme à la réalité. Le message de Daech commence à avoir du sens et à avoir une résonance. C’est ça le but, de créer une division sociale, afin de pouvoir recruter davantage, c’est la stratégie derrière. J’appelle ça la «politique jujitsu» qui consiste à prendre la force de son adversaire pour le battre.

 

La déradicalisation en prison peut-elle réussir?
Les conditions des prisons sont terrifiantes. Dans un milieu carcéral classique, on enlève la dignité, le respect, toute notion de choix, on devient dépendant. Cela va à l’encontre de la quête de sens. Le milieu carcéral peut être dangereux. Dans le cas du Sri Lanka, les gens qui étaient endurcis, les idéologues, étaient séparés des autres, pour éviter une contamination. Encore une fois, les gens se retournent vers un groupe. En les divisant, ils redeviennent individus et on défait cette dynamique de groupe. On va se recentrer sur des interventions individuelles. C’est une erreur des milieux carcéraux de mettre tous les islamistes d’un côté, les brigands de l’autre, de créer des petits ghettos en prison.

Propos recueillis par Jenny Saleh

La 2e Journée sur le terrorisme  
La Faculté d’information et de communication de l’Université Antonine a, en collaboration avec l’ambassade du Canada à Beyrouth, organisé la deuxième édition de la Journée sur le terrorisme: Prévenir la radicalisation. La conférence s’est déroulée en présence du chargé d’affaires près l’ambassade du Canada, Olivier Bullion, du député Ghassan Moukhaiber, de l’ancien ministre Dimiyanos Kattar, du R.P. Germanos Germanos, recteur de l’UA, représenté par le Dr Micheline Ghattas, vice-recteur à l’Innovation, et du Dr Joseph Moukarzel, doyen de la Faculté d’information et de communication. Le Pr Jocelyn Bélanger intervenait en sa qualité de fondateur du premier centre de déradicalisation en Amérique du Nord, situé à Montréal, afin de prévenir l’extrémisme violent. Il est actuellement en poste à l’Université de New York d’Abou Dhabi.

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