Le président de la Chambre, Nabih Berry, l’a clairement déclaré: il n’est pas question de proroger une troisième fois le mandat du Parlement. Ce qui suppose que l’organisation d’élections législatives dans un an au plus tard est devenue obligatoire. Mais comment se lancer dans ces élections, alors que les protagonistes peinent à s’entendre sur une nouvelle loi électorale et alors que la République continue à être sans tête?
C’est justement pour répondre à ces deux questions que Berry a lancé sa fameuse initiative dans le cadre de la dernière réunion de la conférence de dialogue national. L’idée du président de la Chambre consiste, en fait, en deux scénarios: le premier suppose que les protagonistes parviennent à s’entendre sur une nouvelle loi électorale. Auquel cas, elle sera adoptée au Parlement et des élections législatives seront organisées sur cette base avec, toutefois, un engagement ferme des députés, fraîchement élus, à choisir le lendemain des élections un président de la République, après avoir formé le bureau de la Chambre et les Commissions parlementaires, et surtout après avoir élu un nouveau président du Parlement. Si les protagonistes ne parviennent pas à s’entendre sur une nouvelle loi électorale, Berry propose de revenir à la loi actuellement en vigueur, sur la base de laquelle les élections législatives de 2009 ont été organisées avec, pourtant, la possibilité d’y apporter quelques amendements de nature à satisfaire les différentes parties politiques. Et l’engagement des députés restera le même pour élire un président au lendemain des législatives, après les formalités précitées pour compléter la formation du nouveau Parlement.
Si ces deux possibilités ne sont pas réalisables, le président de la Chambre propose aux dirigeants politiques un «Doha libanais» regroupant toutes les tendances et courants, destiné à aboutir à un déblocage, comme ce fut le cas en mai 2008. Au cours de cette conférence, le choix s’était alors porté sur le général Michel Sleiman, qui a été d’ailleurs élu à la tête de la République le 25 mai de la même année.
Le Futur hésitant
En raison de ses relations avec la plupart des pays arabes, le président de la Chambre n’aurait pas avancé une telle idée sans avoir auparavant mené des concertations avec les dirigeants du Qatar qui n’ont pas refusé d’accueillir les politiciens libanais pour des discussions visant à un déblocage. Mais pour Berry, la possibilité d’une entente interne au Liban reste prioritaire. Pour l’instant, les réactions à l’initiative qu’il a lancée restent mitigées. Le Courant du futur continue d’exiger l’élection d’un président de la République en prélude à toute solution. Le chef de ce courant a fait la tournée de nombreuses capitales dans le monde pour plaider cette cause, affirmant qu’il faut commencer par élire un président. De même, sur le plan des négociations pour une nouvelle loi électorale, le Courant du futur (CDF) ne cache pas son refus de toute loi adoptant, même partiellement, le mode de scrutin proportionnel. Il préfère en rester à la loi actuelle… qui, pour l’instant, semble être rejetée par les deux partis chrétiens nouvellement alliés, le Courant patriotique libre (CPL) et les Forces libanaises (FL).
Au sujet du déroulement de la solution proposée par Nabih Berry, le CPL se considère satisfait, car elle s’accorde avec sa volonté de faire passer les législatives avant l’élection présidentielle. Les FL, elles, ne se sont pas prononcées sur le fond, alors que le Parti socialiste progressiste (PSP) de Walid Joumblatt estime que toute sortie de crise est la bienvenue. Même chose pour le Hezbollah mais, pour l’instant, les parties politiques sont trop occupées par les municipales pour s’engager sur un carnet de route de solution, sachant que la crise syrienne semble se compliquer et que chacun au Liban continue de miser sur les développements régionaux…
Joëlle Seif
Jones se félicite
Le chargé d’affaires américain, Richard Jones, s’est félicité de l’initiative du président du Parlement, Nabih Berry, concernant la relance du pouvoir législatif à travers une nouvelle loi électorale ou alors via des élections législatives sur base de la loi de 1960, et la tenue, aussitôt après, de l’élection présidentielle.
A l’issue d’une réunion à la Maison du centre avec l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, Jones a estimé que «la proposition du président Berry est très intéressante (…) et elle devrait être envisagée très sérieusement». «Le blocage des institutions constitue un danger réel pour le Liban», a-t-il ajouté, indiquant que «l’important est que ces deux échéances (les législatives et la présidentielle) aient lieu». Il a invité les Libanais à «déployer tous les efforts pour combler le vide présidentiel».