Au large des côtes libanaises, d’immenses ressources gazières et pétrolières pourraient bien transformer le paysage socioéconomique du pays. Seulement voilà: les Libanais ne risquent pas de bénéficier sitôt de ces richesses. La raison? Encore une fois, les blocages politiques internes.
«Tout le monde est d’accord sur ce point: le nombre de sociétés s’étant présentées pour la phase de préqualification à l’exploration des eaux libanaises témoigne du potentiel immense des ressources gazières et pétrolières au large des côtes libanaises», confie une source proche du dossier à Magazine, en marge du Forum Oil and Gas, organisé par Front Page Communication.
Les ressources ont été estimées à au moins 600 milliards de dollars, soit 14 fois le PIB et 10 fois la dette extérieure.
Dossier bloqué
Dans n’importe quel pays au monde, la découverte de ces richesses susciterait une bénédiction pour toute la population qui pourrait se mettre à rêver de retombées économiques sur la société.
Les bénéfices ont de quoi faire rêver: couverture des besoins énergétiques nationaux, possibilité d’exportation, création d’emplois, investissements, règlement de la dette publique, projets de développement en infrastructures, éducation… Oui mais voilà, nous ne sommes pas dans n’importe quel pays au monde mais bien au Liban. Comment espérer que le secteur du gaz et du pétrole ne subisse pas le même sort que celui des secteurs de l’électricité, des poubelles ou encore de l’eau? Comment espérer une attitude plus transparente et honnête de la classe politique? «Les Libanais peuvent toujours rêver», ajoute cette même source.
Cela fait depuis 2013 que le Conseil des ministres doit adopter deux décrets indispensables au lancement de l’appel d’offres sur l’attribution des licences d’exploration. Quarante-six sociétés avaient été présélectionnées pour présenter leurs offres. Elles attendent toujours de pouvoir faire leurs propositions. Pendant ce temps, la course à l’énergie a bien commencé dans toute la région. En août 2015, le plus grand gisement gazier de l’histoire était découvert au large de l’Egypte. A Chypre et en Israël, le pompage a déjà commencé.
Autre problème: même si la phase d’exploration était enfin lancée, il faudrait au moins dix ans pour que le pays puisse percevoir les revenus de ces ressources. Plus la phase d’exploration est repoussée, plus cela aura de conséquences sur les ressources elles-mêmes, nos voisins prenant de l’avance dans cette course à l’énergie. Israël est déjà en train d’étudier des marchés d’exportation potentiels, lesquels peuvent passer sous le nez du Liban. Par ailleurs, un litige oppose toujours les deux pays en ce qui concerne la délimitation des frontières maritimes. Enfin, pour se lancer dans une opération coûteuse d’exploration sans garantie que des ressources seront bien découvertes, les investisseurs étudient les risques liés au pays et, en la matière, le Liban fait bien figure d’exception, mais pas dans le bon sens.
Selon Georges Corm, ancien ministre des Finances, les risques pour les sociétés d’investir dans ce secteur au Liban sont multiples: outre les risques techniques s’ajoutent l’instabilité politique locale, la corruption, le mauvais état des institutions, la lenteur du processus de décision, la baisse du prix de l’énergie, le coût élevé du forage dans la mer, mais aussi l’absence de pipeline pour distribuer le gaz aux foyers libanais, l’absence de raffinerie et l’endettement de l’Etat libanais. Autant d’obstacles qui placent le dossier du gaz et du pétrole comme l’une des nombreuses opportunités que le pays risque bien de laisser filer…
Soraya Hamdan
La révolution de l’énergie
2012. Il y a seulement quatre ans, les prix du baril de pétrole étaient encore supérieurs à 100 dollars, aujourd’hui, ils ont diminué de moitié. En 2012, les Etats-Unis étaient encore en état de dépendance énergétique et importaient 65% de leurs ressources. Aujourd’hui, c’est le premier producteur de pétrole au monde. Sa production est passée de 6 millions de barils à plus de 11 millions de barils par jour. «Nous sommes au beau milieu d’une révolution de l’énergie mondiale, décrit Amos Hochstein, envoyé spécial et coordinateur pour les Affaires étrangères énergétiques au département d’Etat américain. Dans quelques années, nous étudierons cette période dans les livres d’histoire comme celle de la transformation radicale du secteur».
«Ce qui s’est passé aux Etats-Unis n’est pas un miracle et peut se reproduire ailleurs dans le monde, comme au Liban… Personne dans la région n’a le potentiel de votre jeunesse, de votre esprit entrepreneurial, de votre sens des affaires et de votre histoire. Il n’y a pas de raisons que vous passiez à côté de cette formidable opportunité», a-t-il dit.