Quoi faire si vous êtes interpelé par le bureau du cybercrime? Pouvons-nous écrire et montrer absolument tout ce que nous voulons sur Internet? Les médias sociaux sont-ils juste là pour amuser la galerie? Quel est le rôle des cyber-activistes au Liban?
Autant d’interrogations sur le concept flou des droits numériques et sur ses contours qui peuvent fluctuer entre liberté illimitée et débridée et contrôle abusif et anarchique. Un sujet encore vierge pour les néophytes, toujours perdus dans la nébuleuse de la Toile et de la liberté d’expression prétendument consacrée par les droits fondamentaux. C’est sur ce thème que s’est penché un forum rondement mené, sous le patronage de Boutros Harb, ministre des Télécommunications, par le Department of Media Studies de la Faculté des sciences humaines de l’Université Notre-Dame à Louaizé (NDU). Cyber-activistes, journalistes et membres de la communauté Internet ont échangé leurs expertises à ce forum qui s’inscrit dans une perspective de discussion, de rencontre et de partage autour des meilleures pratiques journalistiques. Les intervenants, professionnels dans le domaine numérique, ont apporté le résultat de leurs expériences, des conseils judicieux pour se protéger des abus et, surtout, un souffle d’optimisme.
La liberté d’expression était le thème de la première table ronde animée par Nidal Ayoub, professeure, journaliste documentaire et présidente de l’Afej (Association francophone des étudiants en journalisme).
Après un tour d’horizon présenté par Gabriel Deek (P.D.G. de la société OmniSystem) sur les médias sociaux au Liban, la directrice de l’association March, Farah Wahab, s’est attardée sur les droits des internautes. Elle a relevé ce que la Constitution libanaise stipule sur la liberté d’expression et sur ses limites prévues par la législation, sur les sanctions à l’encontre des propos diffamatoires sur Internet, les prérogatives du Bureau pour la prévention des cybercrimes et de la propriété intellectuelle et surtout sur ses abus, avec mention spéciale sur leurs méthodes d’interpellation et d’investigation.
Dirigée par Chadi Maalouf, directeur des programmes à la Voix du Liban, la deuxième table ronde, axée sur le droit à l’intimité dans la sphère numérique, a apporté des informations et recommandations tangibles, ponctuelles, utiles et ciblées pour tous ceux qui s’expriment sur la Toile.
Habib Battah, journaliste d’investigation, correspondant pour plusieurs grands médias internationaux et rédacteur en chef du site www.beirutreport.com, a exposé l’apport positif des médias sociaux à la société civile libanaise. Photos projetées à l’appui, cet activiste a prouvé comment l’impact des protestations agissait offline, par touches et étapes successives: travaillant en dehors des méthodes traditionnelles et sectaires, les groupes de pression seraient capables de déstabiliser un statu quo, peut-être pas immédiatement mais sur le long terme. Beaucoup d’actions se déroulent dans le privé (patrimoine, racisme, arrestations abusives) qu’on peut suivre et appuyer à travers les pages Facebook de ces associations, en postant une information ou une photo pour confirmer, illustrer ou dénoncer une destruction, une dérogation, un abus, une irrégularité, etc. Abordant le sujet du journalisme citoyen, il a incité les étudiants à piocher, à se poser les bonnes questions, à fouiller pour chercher l’information sans attendre qu’on leur serve du réchauffé, ajoutant: «S’appuyer sur une seule source pour rédiger son article, ce n’est pas de l’info, mais de la propagande».
Détenteur d’un MA en relations internationales, expert et conférencier en affaires politiques et droits de l’homme, Nassim Abou Ghanem a précisé ce que prévoit la loi libanaise au regard de l’intimité sur Internet, évoquant aussi le sujet du droit à l’oubli que l’Union européenne s’est résolue à adopter concernant les informations personnelles que tout internaute est en droit de retirer de la Toile.
Cette protection des données et la maîtrise que peuvent avoir les utilisateurs sur elles ont fait l’objet de l’intervention de Gino Raidy. La protection du secret de ses sources est un enjeu crucial pour les journalistes, selon le blogueur activiste. Il a indiqué comment agissent les logiciels qui encodent les infos, comment empêcher les serveurs d’avoir accès à nos données ou les hackers de les pirater et insisté sur l’importance des bons mots de passe difficiles à retracer ou des pare-feux pour se prémunir des pirates informatiques. «Il ne faut pas sacrifier sa liberté pour pouvoir parler, mais savoir bien se prémunir pour la protéger», souligne Raidy.
Gisèle Kayata Eid