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Nº 3058 du vendredi 17 juin 2016

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Nassib Ghobril, économiste en chef de la Byblos Bank. Aucune pression sur la livre libanaise

L’attentat ayant visé la Blom Bank ne semble pas inquiéter outre mesure le secteur économique libanais. Magazine a interviewé Nassib Ghobril, chef économiste de la banque Byblos, qui a mis en exergue la solidité des banques libanaises, chiffres à l’appui.

 

Quel a été l’impact de l’attentat ayant pris pour cible la Blom sur le secteur bancaire libanais? Envisagez-vous un contrecoup à moyen terme?
Il n’y a pas eu de répercussions négatives dans l’immédiat, l’activité du secteur bancaire s’est poursuivie normalement. Nous n’avons pas eu de mouvement de panique, il n’y a pas eu plus d’opérations de change que de coutume, ni de pression sur la livre ou bien une demande accrue sur le dollar. Certains clients ont demandé quelques éclaircissements, mais sans plus. A moyen terme, l’instabilité tend à remettre en question la confiance du secteur bancaire, mais les banques libanaises ont su faire leurs preuves dans un contexte défavorable en faisant face à de nombreux défis. Les banques sont restées stoïques lors de périodes de grande instabilité, de paralysie institutionnelle et de crises régionales. Cela est sans doute dû à leur résilience au cours des années de guerre civile (1975-1990), durant lesquelles les banques ont continué à fonctionner normalement et à fournir des services aux Libanais résidants et expatriés, et cela en l’absence totale d’un Etat libanais à proprement parler. Fortes de cette expérience, les banques libanaises ont su gagner la confiance des investisseurs, des propriétaires de comptes ou des emprunteurs. Malgré les nombreux conflits régionaux, les défis politiques et économiques et ceux liés aux finances publiques, ce secteur a prouvé qu’il est en mesure de s’adapter et de se développer, tout en garantissant une gestion efficace et transparente des opérations. Mais la confiance des investisseurs ne se limite pas aux banques, elle s’étend également à la Banque centrale et à son gouverneur Riad Salamé, qui ont tous deux constitué un pilier de stabilité lors de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et durant la guerre avec Israël en 2006.

Vous attendez-vous à un relèvement des intérêts sur les dépôts libanais, dans le cas d’une détérioration de la situation?
Les intérêts servis par une banque ne sont pas seuls un facteur primordial pour les clients, c’est la confiance en une institution financière qui, pour eux, est une priorité. Les banques libanaises inspirent cette confiance, ce qui leur a permis d’attirer plus de 150 milliards de dollars de dépôts. Les clients savent que leur capital sera préservé, quelles que soient les circonstances. Nous avons fait face à des situations d’instabilité extrêmes, dues aux multiples assassinats et aux guerres. Les intérêts sur les dépôts n’ont pas pour autant vraiment varié.

Dans le cas d’une nouvelle crise, peut-on craindre une fuite des dépôts bancaires étrangers?
On ignore le montant des dépôts bancaires appartenant aux étrangers. On sait, toutefois, que les dépôts des non-résidants atteignent près de 31,7 milliards de dollars, la plupart appartenant à des Libanais vivant à l’étranger. Le secteur bancaire continue d’enregistrer un taux de croissance sain, estimé l’année passée à près de 7,2 milliards de dollars.


Peut-on prévoir un essor d’une économie parallèle, en raison des sanctions imposées sur le Hezbollah et ses alliés?
L’économie parallèle existe déjà au Liban, où elle représente autour de 30% du PIB qui est de 50 milliards (ce qui signifie que le PIB réel libanais s’élève à plus de 65 milliards $), selon le Fonds monétaire international.

Peut-on s’attendre à ce que des personnes n’ayant aucun lien avec le Hezbollah soient lésées par le nouveau régime de sanctions américaines appliquées au Liban, de par leur appartenance à la communauté chiite?
Le secteur bancaire ne va pas imposer des sanctions sur toute une frange de la population! La Banque centrale (BDL) ne fait que promouvoir de nouvelles réglementations visant à inclure le plus grand nombre de Libanais dans le système bancaire, afin d’éviter que les plus pauvres ne soient la proie des prêteurs à gages. La BDL a pris des mesures particulières pour la clôture des comptes bancaires suspects. Les banques libanaises désirant fermer un compte doivent le signaler à la BDL, qui mène une enquête et peut empêcher la procédure lorsqu’elle est abusive.

Le secteur bancaire est-il en mesure de relever ces nouveaux défis?
Le secteur bancaire libanais est solide et très liquide; les risques liés à la dette publique sont limités, cette dernière étant de 38 milliards de dollars, alors que les capitaux des banques sont de l’ordre de 17 milliards de dollars et les réserves en monnaies étrangères de la Banque centrale s’élèvent à 37 milliards de dollars, sans compter les réserves en or, estimées à 12 milliards de dollars. Le secteur bancaire est donc capable de faire face à de nouveaux défis.

Propos recueillis par Mona Alami
 

 

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