La Journée mondiale des travailleuses et travailleurs immigrants célébrée au Liban a été marquée par un appel à la signature et à l’application de la convention 189 de l’Organisation internationale du travail. Cette convention a pour but d’assurer un travail décent à cette catégorie de travailleuses et de travailleurs.
Selon une étude dévoilée par le quotidien as-Safir, le nombre de la main-d’œuvre étrangère au Liban, sans compter les Syriens et les Palestiniens, serait entre 200 000 et 275 000 travailleuses et travailleurs. La presque totalité de celle-ci serait des employés de maison et sont des femmes. L’application de la convention 189 assurerait la protection des travailleuses et travailleurs contre de nombreux abus auxquels ils sont soumis régulièrement, notamment l’exploitation matérielle, légale et sexuelle. Elle permettrait également de leur fournir des conditions de travail préservant leur dignité et leur humanité.
Les associations célébrant cette journée ont appelé les autorités compétentes à signer cette convention en vue d’annuler «le système du garant» auquel est soumise cette catégorie de travailleurs. Ce système a pour résultat de mettre les travailleuses et les travailleurs sous la coupe de leurs employeurs et d’augmenter leurs mauvaises conditions. Notons que le «système du garant» n’existe pas de manière spécifique dans la loi libanaise.
Dans ce cadre, la société Information International a révélé les chiffres qui montrent clairement le volume de la main-d’œuvre étrangère au Liban, sa répartition, ainsi que son développement au cours des dernières années, en parallèle avec l’augmentation du taux de chômage au Liban. En effet, celui-ci atteint 25% des forces actives. Le nombre de chômeurs au Liban atteint 300 000 personnes de l’ensemble des forces actives qui est estimé à 1,3 million de personnes. Paradoxalement, ce chiffre s’accompagne d’une augmentation du nombre de la main-d’œuvre étrangère, sans pour autant compter les Palestiniens et les Syriens.
Selon les chiffres officiels, le nombre de travailleurs étrangers est passé de 33 268 personnes en 1993 à 209 674 personnes en 2015. En d’autres termes, le taux a enregistré une hausse de 530%, c’est-à-dire une augmentation de 176 406 personnes.
Les chiffres indiquent le développement de la main-d’œuvre étrangère entre 1993 et 2015. La plus forte augmentation du nombre de travailleurs étrangers a été enregistrée les deux années 1996-1997 et a atteint une proportion de 60%. Dans les années 2008 à 2011, cette hausse est arrivée jusqu’à 53 851 personnes, ce qui veut dire une proportion de 41%. En revanche, en 2013, on enregistre une baisse de 16,4% de la main-d’œuvre étrangère et de nouveau une hausse de 25% en 2014. Certains estiment que le nombre de travailleuses et travailleurs étrangers en situation illégale est de 50 000 à 60 000 personnes. Ceci a pour but d’augmenter le nombre officiel des travailleurs étrangers pour qu’il atteigne approximativement 270 000 personnes, les Ethiopiens étant classés en tête. Selon les statistiques, ces derniers représenteraient 58% de la main-d’œuvre étrangère au Liban. Les ressortissants du Bangladesh viennent en second lieu après l’Ethiopie.
La convention 189
La convention 189 a pour objectif d’assurer un travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques. Le 16 juin 2011, la Conférence internationale du travail de l’Organisation internationale du travail a adopté la Convention sur le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques, également appelée la Convention sur le travail domestique, 2011 (n°189). La convention n°189 offre une protection spécifique aux travailleurs domestiques. Elle fixe les droits et principes fondamentaux, et impose aux Etats de prendre une série de mesures en vue de faire du travail décent une réalité pour les travailleurs domestiques. La convention n°189 définit le travail domestique comme «travail effectué au sein ou pour un ou plusieurs ménages». Ce travail peut inclure des tâches telles que le ménage, la cuisine, laver et repasser le linge, prendre soin des enfants ou des personnes âgées ou malades d’une famille, le jardinage, le gardiennage, la conduite de la famille, et même le soin des animaux domestiques.
Joëlle Seif
En chiffres
Les femmes représentent 75% de la main-d’œuvre étrangère au Liban et elles travaillent essentiellement comme des employées de maisons. Leur nombre est estimé à 154 749 employées et sont réparties ainsi:
Ethiopiennes: 73 098.
Bangladaises: 29 993.
Philippines: 22 416.
Kényanes: 8 357.
Sri-lankaises: 7 566.
Népalaises: 2 512.
Camerounaises: 2 318.
Malgaches: 1 325.
Hindoues: 364.
Soudanaises: 70.
Autres: 6 698.
Photo: Matthew Cassel