«Chaque jour qui passe nous éloigne d’une solution de la crise interne et nous lie encore plus étroitement aux développements régionaux. Le chaos guette le Liban, sauf sursaut de dernière minute». Interview de Ghazi Aridi, député de Aley, qui représentait Walid Joumblatt lors de la dernière séance du dialogue, lundi 20 juin.
Le dialogue qui se tient à Aïn el-Tiné a, encore une fois, fait du surplace et les protagonistes ne parviennent pas à s’entendre sur l’élaboration d’une nouvelle loi électorale.
Vers où se dirige le pays?
Les acteurs politiques ne semblent pas réaliser que le blocage des institutions de l’Etat n’a pas un impact négatif uniquement sur une catégorie de Libanais, un parti ou un courant précis, mais sur tous les Libanais toutes tendances, communautés et confessions confondues. Il semble que personne ne veut faire prévaloir la sagesse et la raison pour sortir le Liban de la crise et consolider sa position face aux événements en cours dans la région. Il faut protéger le pays, renforcer l’unité nationale et le partenariat dans le respect de la loi et de la Constitution. Nous n’en sommes malheureusement pas là.
Pourquoi n’arrivez-vous pas à avancer et à vous entendre au moins sur une loi électorale, toutes les parties étant en principe contre une nouvelle prorogation du mandat du Parlement?
Chaque partie campe sur ses positions. Chacun a son point de vue et personne ne veut faire de concessions. Le dialogue tourne à vide, je suis presque tenté de dire que c’est un dialogue de sourds.
Quel est le meilleur scénario, à votre avis, pour sortir de l’impasse et assurer un meilleur fonctionnement des institutions?
Nous avons toujours fait part de notre volonté de voir l’élection d’un président à la tête du pays. Nous avons participé à chaque séance parlementaire inscrite dans ce cadre. Si nous parvenons à nous entendre sur un projet commun, quitte à tenir des élections législatives avant les présidentielles, nous ne mettrons pas de bâtons dans les roues. Tout le monde déclare qu’une nouvelle loi électorale est nécessaire pour assurer une meilleure représentativité mais, dans les faits, tout le monde tergiverse comme si, quelque part, nous perdons le temps pour en arriver au point où nous n’avons plus beaucoup de choix sauf le retour à la loi électorale de 1960.
Certains observateurs laissent entendre que l’affaiblissement des institutions vise à conduire le pays vers une révision de l’accord de Taëf. Ce scénario est-il plausible?
Supposons que cela soit vrai. Un amendement de la Constitution doit se faire en séance parlementaire.
Or, si d’ici quelques mois, nous ne nous entendons pas sur une nouvelle loi électorale, et que le renouvellement du mandat du Parlement soit impossible, comme tous les protagonistes l’affirment, comment peut-on amender la Constitution? Nous devons réaliser que si nous ne parvenons pas à un accord, le pays sera alors sans président de la République, sans Parlement ou avec un Parlement anticonstitutionnel et un gouvernement de règlement des affaires courantes, et nous nous dirigerons vers le chaos total.
Est-ce ce que nous désirons pour notre pays?
La solution de la crise politique au Liban dépendrait des développements en Syrie et certains acteurs politiques attendent, peut-être, l’évolution de la situation syrienne pour décider du sort du pays. Qu’en pensez-vous?
Chaque jour qui passe nous éloigne d’une solution de la crise interlibanaise et nous lie plus étroitement aux développements régionaux. Il est temps de tirer les leçons des erreurs du passé et de tout mettre en œuvre pour résoudre la crise libanaise avant qu’il ne soit trop tard. Il a fallu une quinzaine d’années de conflits et de guerre pour en arriver aux accords de Taëf, entériné finalement par le Parlement. Faut-il passer par là de nouveau avant de nous entendre pour sauver le Liban?
Propos recueillis par Danièle Gergès