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Nº 3060 du vendredi 1er juillet 2016

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Les trois jours de dialogue de Berry. Fouad Siniora ne veut pas d’un «Doha libanais»

La dernière séance du dialogue, qui s’est tenue à Aïn el-Tiné le 21 juin, n’a enregistré aucun progrès sur le plan de la loi électorale qui était, pourtant, le thème principal de cette réunion. Chacun des participants a campé sur ses positions. Le Courant du futur a clairement fait savoir par la bouche de l’ancien Premier ministre, Fouad Siniora, que le maximum que son parti puisse offrir est l’accord sur le projet mixte, rejetant celui de Nabih Berry, ainsi que celui du gouvernement Mikati.

En dehors du contexte des différents projets de loi étudiés, le député Samy Gemayel a appelé à la création d’un Sénat, élu selon les dispositions de la loi orthodoxe, en contrepartie d’élections législatives sur la base de la circonscription unique et du vote en dehors du rite confessionnel. Cette proposition a trouvé un accueil favorable auprès du président Nabih Berry.
Malgré l’échec – prévu – enregistré au niveau de la loi électorale, la séance du dialogue a réussi à provoquer une percée au niveau du dialogue pour la prochaine étape et l’adoption d’une nouvelle feuille de route. Ainsi, la séance du 21 juin représente un changement dans le cours du dialogue national. Cette transformation est le résultat de deux développements qui se sont produits au cours de cette séance. Le premier développement consiste dans l’adoption du principe du compromis global, après que chacun des participants ait acquis la certitude qu’il est impossible de parvenir à des solutions partielles. Limiter la discussion à la loi électorale ou à l’élection présidentielle réduit la marge de manœuvre et de tergiversation, ainsi que les chances de trouver une solution, alors que la discussion d’un compromis global ouvre de nouveaux horizons et offre des chances de produire une percée et de sortir de l’impasse et du cercle vicieux.
La solution dans le cadre d’un compromis global signifie la discussion et l’approche des dossiers de la présidentielle, du gouvernement et de la loi électorale d’un seul coup. Ceci veut dire: s’entendre sur la personne du président de la République, la composition du gouvernement, la loi électorale sur la base de laquelle auront lieu les élections législatives, ainsi que diverses dispositions s’inscrivant dans le cadre de l’exécution de l’accord de Taëf.
Malgré un accord sur le principe, le différend se pose au niveau des détails et de l’échelle des priorités. Certains, comme le Courant du futur, accordent la priorité à l’élection d’un président de la République, alors que d’autres, à l’instar de Najib Mikati, réclament un accord sur une nouvelle loi électorale, suivi de l’élection d’un président et, enfin, des élections législatives. D’autres encore donnent la priorité à une nouvelle loi électorale basée sur la proportionnelle, de manière à ce que le nouveau Parlement élise le chef d’Etat.
Le second développement consiste dans l’adoption du principe d’un «Doha libanais», semblable dans la forme au sommet de Doha-2008 sur le plan de la tenue de sessions de dialogue continues pendant trois jours au début du mois d’août et identiques dans le fond, au niveau des trois grands titres (présidence, gouvernement et loi électorale). L’accord sur la tenue de sessions ouvertes représente le passage à une étape «sérieuse» dans le dialogue et veut dire que le compte à rebours pour parvenir à un compromis commencera au début du mois d’août. Ainsi ce «Doha libanais» est une nouvelle occasion et une dernière chance pour sortir de la crise, en commençant par l’élection d’un président durant la période qui s’étend de la fin de l’été au début de l’automne, avant les élections américaines qui vont imposer le gel de tous les dossiers de la région. Si cette dernière opportunité pour «libaniser» la solution échoue, la situation échappera alors aux Libanais et sera soumise à l’influence des développements régionaux. La crise prendra une dimension plus grande et revêtira un caractère dangereux, qui ne nécessitera plus la tenue d’une seconde conférence à Doha, mais imposera alors la tenue d’un deuxième Taëf ou alors ce qu’on s’accorde à appeler communément une Constituante.
Alors qu’à Aïn el-Tiné tous les efforts sont déployés pour que les séances de dialogue prévues en août soient productives, des milieux proches du Hezbollah rapportent que ceux qui ont écouté les propos de Fouad Siniora autour de la table du dialogue ont parfaitement compris le message. Pour le Courant du futur, le dialogue n’est qu’un moyen de combler le vide. Le gouvernement accomplit sa tâche et expédie les affaires courantes, la recherche d’une nouvelle loi électorale est une gymnastique stérile, qui ne sert pas à grand-chose et n’aura pour résultat qu’un retour à la loi de 1960 et, bien sûr, la vacance à la présidence va se poursuivre. Parler d’une éventuelle réussite d’un «Doha libanais» à l’ombre de la confrontation ouverte dans la région est irréaliste, selon ces milieux. Le Courant du futur est considéré comme le plus grand obstacle à un compromis sérieux, capable de sortir le pays du statu quo actuel. Que ce soit un nouveau Doha ou n’importe quelle autre formule, le Courant du futur, exténué sur le plan interne et externe, a adopté, sur instructions saoudiennes, une politique de tergiversation en attendant le départ de Barack Obama de la Maison-Blanche. Les bleus ne sont pas prêts à conclure de nouvelles ententes dans les conditions régionales et internes actuelles.
Des sources proches de Aïn el-Tiné affirment que l’initiative de Nabih Berry et son appel à la tenue de sessions ouvertes se heurtent à l’opposition du Courant du futur. Fouad Siniora a, d’ores et déjà, entamé une série de contacts avec des personnalités du 14 mars, en vue de faire sauter les réunions du dialogue prévues début août. Il craint d’être obligé d’accepter un compromis global sous la pression. Siniora a été le premier à exprimer son opposition à la tenue de séances continues et a affirmé publiquement devant Berry «qu’il ne voulait pas de ces réunions et qu’il était préférable que les choses suivent leur cours normal et que le dialogue se poursuive dans les conditions actuelles, limitant la discussion à l’élection présidentielle».
 

Le lobbying de Siniora
A peine sorti de la séance du dialogue, Siniora, qui a eu le sentiment que les réunions du mois d’août ont été imposées, a tôt fait de rassembler les forces du 14 mars en vue de faire échouer l’initiative de Berry. Selon les sources du 14 mars, Siniora aurait en premier lieu frappé à la porte du secrétariat général du 14 mars, demandant à Farès Souhaid de faire une campagne contre l’initiative de Berry. Aussitôt réclamé, aussitôt fait. Farès Souhaid a déclaré «qu’il n’est pas permis de répéter l’expérience de Doha, car ceci aura pour résultat l’élection d’un président dépourvu de prérogatives, l’adoption d’une loi électorale qui ne convient à personne et la nomination d’un commandant en chef de l’armée sur lequel tout le monde n’est pas d’accord». Souhaid a entamé son activité par une visite à Samir Geagea et Amine Gemayel en vue de créer un bloc uni contre l’initiative de Berry, car, selon ses dires, «nous avons peur que ces séances nous mènent à des accords que nous ne voulons pas et qui ne correspondent pas à nos aspirations, surtout que le principe du compromis global prime toutes les propositions. Alors que celui-ci était totalement rejeté auparavant, il est apparu durant la dernière séance de dialogue que le compromis global était devenu une affaire sérieuse et l’idée défendue par Siniora de procéder à l’élection d’un président avant des élections législatives est bel et bien révolue et appartient désormais au passé».

Joëlle Seif 

Feuille de route obligatoire
Les sources de Aïn el-Tiné décrivent la dernière session de dialogue comme la plus importante de toutes. Elles estiment que les participants au dialogue vont se retrouver face à une feuille de route obligatoire qui s’étalera jusqu’au début du printemps 2017 et qui comporte l’ordre du jour suivant: un accord politique des participants sur la loi électorale, l’élection d’un nouveau président de la République, la tenue d’une séance parlementaire consacrée exclusivement au vote de la loi électorale, tenue des élections législatives sur la base de la nouvelle loi électorale, élection du bureau de la Chambre, d’un président et d’un vice-président de la Chambre, nomination d’un président du Conseil en fonction d’un accord préalable sur les parts et les équilibres, ainsi que sur la déclaration gouvernementale, et finaliser l’application de l’accord de Taëf. Cette clause comporte en elle-même une série de mesures et de réformes qui feront partie intégrante du compromis global. La publication d’un règlement intérieur du gouvernement par le Parlement figure en tête des priorités, l’adoption de la décentralisation administrative, création d’un Sénat, etc.   

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