Après le président François Hollande, c’est Jean-Marc Ayrault, ministre français des A-E, qui a effectué une visite de deux jours au Liban, les 11 et 12 juillet. Si le chef du Quai d’Orsay n’a pas apporté de solution, sa présence a réaffirmé le soutien indéfectible de la France au Liban et témoigné de l’amitié qui lie les deux pays. Les questions soulevées durant son séjour: la présidentielle, la crise des déplacés syriens et le terrorisme.
Arrivé à l’Aéroport international de Beyrouth à 13h, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, s’est rendu à bord d’un hélicoptère au Liban-Sud, à Naqoura, où il a visité le contingent français de la Finul. A cette occasion, il a rappelé qu’«il y a dix ans, jour pour jour, le 12 juillet 2006, éclatait la guerre entre Israël et le Hezbollah. Une guerre de 33 jours, hélas précédée par tant d’autres. Cette guerre a poussé le Conseil de sécurité des Nations unies à adopter la résolution 1701 pour prémunir le Liban contre un retour des hostilités avec Israël. Depuis, la stabilité de la Ligne bleue est une priorité pour la France, pour le Conseil de sécurité des Nations unies et pour l’Union européenne. C’est la raison de la présence au Liban-Sud de la Finul qui a l’immense responsabilité de veiller scrupuleusement à la mise en œuvre de la résolution 1701». Ayrault a également indiqué que la contribution de la France à la Finul remonte à sa création en 1978. «Elle a connu un nouvel élan à la suite de la guerre de 2006 et de la refonte de la Force».
Après Naqoura, le ministre Ayrault s’est rendu à la Résidence des Pins où il a reçu Saad Hariri avant le départ en voyage du chef du Futur. Il a également rencontré le général Michel Aoun et Sleiman Frangié. Ce dernier était accompagné du ministre de la Culture, Rony Araygi. Un dîner à la Résidence des Pins a réuni les principales figures politiques libanaises. Dans son discours prononcé à cette occasion, Ayrault a réitéré le soutien de la France au Liban et évoqué les questions majeures qui préoccupent les Libanais: la présidentielle, les déplacés syriens et le terrorisme. «C’est d’abord l’amitié qui me conduit aujourd’hui à Beyrouth. Celle que la France porte depuis toujours au Liban. Celle que Français et Libanais continuent de faire vivre mais aussi grandir, une génération après l’autre. En tout cas, ce qui est sûr et je n’en ai aucun doute, c’est qu’entre la France et le Liban, c’est le cœur qui parle».
Le ministre a également déclaré qu’il fallait faire prospérer les valeurs que le Liban représente, «car ce pays est un modèle, une référence de pluralité et de liberté qu’il faut toujours défendre et soutenir». Concernant la crise des déplacés syriens, il a mis l’accent sur la contribution immense du Liban, tout en relevant que l’aide internationale n’est pas une réponse suffisante aux défis auxquels il fait face. «La guerre en Syrie doit cesser pour que les réfugiés puissent retourner chez eux en sécurité. Je vous le dis très clairement: les réfugiés syriens n’ont pas vocation à rester dans la durée au Liban, mais il faut, dans l’immédiat, assurer leur subsistance, scolariser les enfants, prévenir les violences et assurer un revenu aux familles. C’est notre devoir mais aussi notre intérêt collectif, car il faut éviter que les réfugiés plongent dans le désespoir, les frustrations sont toujours porteuses de danger».
S’agissant de la présidence, Ayrault a souligné qu’«il appartient aux partis libanais de trouver les voies d’un compromis politique qui permettra d’élire un président, qui sera celui de tous les Libanais, de former un gouvernement, qui incarnera l’unité nationale, et de renouveler un Parlement dans lequel chacun sera justement représenté. C’est cela qui permettra aussi à la communauté internationale de mieux aider le Liban». Il a ajouté: «La solution ne viendra pas de l’étranger et personne ne fera obstacle à un accord des Libanais entre eux. C’est un choix souverain que vous avez à faire. La France est prête à vous y aider – je l’ai dit, nous sommes des facilitateurs – mais l’initiative vous appartient».
Le Liban, une priorité pour la France
Le chef du Quai d’Orsay a entamé sa deuxième journée au Liban par une visite au Grand sérail, où il a rencontré le Premier ministre, Tammam Salam. Il a adressé un message de solidarité et d’amitié et appelé les Libanais à assumer leurs responsabilités. A l’issue de la réunion au Sérail, Jean-Marc Ayrault a affirmé: «Le Liban est, et restera, une priorité de premier ordre pour la France. C’est ce que je dis depuis mon arrivée ici». Il a aussi salué le courage du président du Conseil, reconnaissant que la crise politique complique son action. Réaffirmant le soutien de la France au Liban, il a estimé que «la France n’épargnera aucun effort pour aider à une solution juste. Et pour cela d’ailleurs, la France, non seulement dialogue avec les forces politiques libanaises, les personnalités libanaises, mais aussi avec tous les pays qui peuvent jouer un rôle positif».
Le ministre Jean-Marc Ayrault a effectué, ensuite, une visite auprès de l’association Amel à Haret Hreik pour s’enquérir de la situation des déplacés syriens, avant de se rendre au siège patriarcal à Bkerké où il a été reçu par le patriarche Béchara Raï. Après un aparté entre les deux hommes, le ministre des Affaires étrangères a déjeuné en compagnie des patriarches des Eglises d’Orient. Il a rappelé, à cette occasion, que le Liban est le pays message de la coexistence, ajoutant: «La France ne décide pas à la place du Liban, elle est un facilitateur».
En fin d’après-midi, Jean-Marc Ayrault s’est rendu à Aïn el-Tiné où il a été reçu par le chef du Parlement, Nabih Berry, avant de clôturer son séjour par une visite au Palais Bustros où il a rencontré son homologue libanais, Gebran Bassil.
Joëlle Seif
Les points de vue iranien et saoudien
Selon des sources informées, le ministre Jean-Marc Ayrault n’a pas apporté de solution, mais il a communiqué aux responsables libanais la teneur de ses entretiens avec l’héritier de l’héritier du trône saoudien, Mohammad Ben Salmane, et avec le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Les Iraniens se sont montrés très ouverts, affirmant que la présidentielle était une affaire purement libanaise. Ils auraient conseillé d’établir des contacts avec toutes les parties, affirmant que Téhéran adopte ce que les Libanais, et surtout les chrétiens, décident.
Par ailleurs, les concertations avec les Saoudiens se sont limitées à la situation régionale, en particulier au Yémen, au Bahreïn et à la Syrie, sans qu’ils ne prennent une position finale concernant la présidentielle libanaise. Le don de trois milliards de dollars, octroyés par l’Arabie pour équiper l’Armée libanaise, n’a pas été absent des concertations franco-saoudiennes, sans toutefois parvenir à une solution concrète.
En revanche, les Français ont ressenti une véritable compréhension saoudienne concernant le rôle de l’Armée libanaise dans la lutte contre le terrorisme. A leur tour, des sources diplomatiques indiquent qu’il n’y a pas de véritable initiative française, mais une volonté de suivi dans le but de parvenir à une solution, car les Iraniens leur ont réclamé une réponse claire concernant le résultat de leurs efforts et les Saoudiens demandent à être informés de l’évolution des tractations. C’est dans cet esprit que l’initiative française se poursuit en vue d’un déblocage de la situation. Selon des sources diplomatiques, l’initiative française se concentre sur une possibilité de retrait de Sleiman Frangié de la course présidentielle, ce qui aurait pour but de réduire l’embarras de Nabih Berry, qui ne cache pas son enclin pour celui-ci. Son retrait aurait également pour résultat de «libérer» Saad Hariri, car même si Frangié se retire, Hariri ne votera pas pour Michel Aoun, mais pourra au moins assurer un quorum des deux tiers. Ainsi, toujours selon les sources citées, la visite du ministre français des A-E n’est qu’une tentative de garder le dossier de la présidentielle ouvert, surtout qu’il n’existe aucune initiative claire et précise pour le moment.