Magazine Le Mensuel

Nº 3062 du vendredi 15 juillet 2016

general

Paris-Beyrouth-Damas. Un voyage… en musique

Il fallait oser, ils l’ont fait. En plein cœur de Paris, le projet musical Paris-Beyrouth-Damas est né sous l’impulsion de deux jeunes artistes, Hadi et Yaman. L’un est libanais, l’autre syrien. Ensemble, ils ont réussi le pari de fusionner musique traditionnelle arabe et sons électroniques, le tout en s’inspirant des grands de la musique orientale tels qu’Oum Kalthoum ou Abdel-Wahab, en passant par les Doors et Acid Arab. Le duo s’inspire également du tarab et offre un registre unique en son genre: l’électro brassée avec le qanûn oriental, instrument antique dérivé de la harpe. Rencontre avec un duo surprenant.

Le projet Paris-Beyrouth-Damas est le fruit d’une rencontre inédite. Comme l’aime à le rappeler Hadi, c’est le hasard qui a rendu possible la réalisation de ce projet. Né à Beyrouth, Hadi s’envole pour la France, en 2011, dans le but d’achever ses études en langues appliquées et en histoire des relations internationales. Tout au long de son séjour, le jeune musicien, qui se définit «adepte de la pluridisciplinarité», continue de travailler sur des projets musicaux, photographiques et cinématographiques, en solo ou en collaboration avec des personnes rencontrées en Europe et au cours de ses différents voyages.
La même année, c’est la guerre qui éclate en Syrie et qui change le quotidien de milliers de Syriens. Beaucoup d’entre eux se réfugient au Liban voisin, fuyant les bombardements des villes de Homs, Hama ou Alep, tandis que l’Organisation de l’Etat islamique avance ses pions dans la région. C’est le moment que choisit Yaman, futur cofondateur du duo, pour fuir son pays natal avec, en poche, un diplôme du Conservatoire de Damas et une spécialité, le qanûn oriental. Financé par un chef d’orchestre français qui détecte son précieux talent, il arrive à Paris en février 2016 et s’installe en résidence d’artistes.
Ce n’est que quelques mois plus tard que la rencontre a lieu en 2016, dans une modeste crêperie du XIVe arrondissement de la capitale, non loin de la résidence d’artistes où les deux jeunes musiciens cohabitent depuis deux mois sans le savoir: «J’ai entendu Yaman qui parlait en syrien. J’étais intrigué par sa personne, puis une discussion a entraîné une autre…». Très vite, c’est le coup de foudre musical, et le duo fraîchement formé se produit, dès le mois de mai, au Festival de la Cité devant plus de 400 personnes. Un succès fulgurant dû, selon Hadi, au concept «électro-oriental» de Paris-Beyrouth-Damas: «Mes créations musicales sont à l’image de mon brassage culturel… imprégné à la fois des cultures française et libanaise. En arrivant en France, j’ai découvert les soirées électros où se mélangent, de façon presque machinale, des lignes de basses, beats et mélodies éclectiques. C’est un genre apaisant, car l’ensemble constitue une musique ordonnée sur laquelle on peut méditer et voyager jusqu’à atteindre la transe (dans le sens noble du terme). C’est une chose qui est aussi valable lorsqu’on écoute Oum Kalthoum qui chante pendant une cinquantaine de minutes jusqu’à ce qu’on dise «Alllaaaaaaaah» et comprenne que nous avons atteint le tarab. Aujourd’hui, j’ai décidé de mélanger les deux influences et de créer une installation sonore qui s’intitule Paris-Beyrouth-Damas.
Il s’agit donc d’un brassage de deux genres complémentaires, avec des outils électroniques et des instruments acoustiques qui créent des mélodies orientales, d’où ma collaboration avec Yaman qui, lui, est au qanûn».
La singularité du duo libano-syrien, c’est aussi un nom de projet original, Paris-Beyrouth-Damas, témoignant d’une richesse triplement revendiquée: «En langage commun, lorsqu’on parle de Paris-Beyrouth, on comprendrait sûrement qu’il s’agit d’un billet d’avion… Notre installation vise à voyager au Proche-Orient le temps d’une soirée car nous créons, non seulement la musique en live, mais également des projections visuelles et des mouvements de corps et de mains que nous partageons avec le public. C’est aussi un hommage à nos deux villes d’origine, Beyrouth et Damas, qui nous ont bercés Yaman et moi, mais aussi à Paris, notre ville d’accueil», souligne Hadi.
Le voyage ne s’arrête pas là. Un rapide coup d’œil sur l’identité visuelle du duo nous transporte jusqu’à Baalbeck, cité phénicienne au style gréco-romain, reconnue comme l’un des vestiges les plus célèbres du monde antique. Pour Hadi, cette référence au patrimoine de son pays natal est incontournable: «Baalbeck est la ville où était célébré le culte de Baal, le dieu des danses sacrées. Tu l’auras peut-être remarqué, mais lorsque nous bougions, tous, nos mains ensemble, lors de notre dernier concert (à Paris, le 22 juin dernier, ndlr), c’était un sacré moment. Par ailleurs, les colonnes du temple de Jupiter représentent le Levant sans ses frontières actuelles. Nous voyons la même architecture à Baalbeck (Liban) et à Palmyre (Syrie). Le logo représente donc un ‘‘chez nous’’, qui dépasse nos frontières nationales».
Aujourd’hui, Hadi et Yaman continuent de composer et aspirent à étendre le label «Paris-Beyrouth-Damas» à d’autres endroits du monde, en partant par les grandes capitales européennes. Un bel exemple de brassage culturel pour Hadi, déterminé à «(dé)montrer à nos amis occidentaux la beauté du monde arabe en ces jours difficiles».

Marguerite Silve, Paris
 

Retrouvez toute l’actualité du projet Paris-Beyrouth-Damas sur Facebook, Twitter et sur le site www.hadizeidan.com
Prochain concert, le 18 septembre, dans le cadre du festival Arts et migration, au café de la Presse.  

Le qanûn
Le qanûn est un instrument à cordes pincées de la famille des cithares sur table, très répandu dans les pays du Moyen-Orient, ainsi qu’en Grèce, en Iran, en Azerbaïdjan, en Arménie et au Turkestan chinois.
Cette «Cithare à table» comprend une palette sonore riche dans les aigus comme dans les graves. Il est joué à l’aide de deux plectres liés à l’index de chaque main par deux anneaux métalliques appelés kuchtoubane. Le mot arabe qanûn dériverait du grec kanon (la mesure), qui était aussi le nom donné à un instrument monocorde destiné à l’étude des intervalles en musique, connu déjà de Pythagore.
Le quanûn est un instrument spécifique de la musique arabe. La plus ancienne mention de cet instrument dans la littérature arabe se situe dans les contes des Mille et une nuits d’origine perse, au Xe siècle.

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