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Nº 3066 du vendredi 12 août 2016

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Antoine Zahra, député de Batroun. La formule libanaise est en danger

«Le Hezbollah sabote l’élection présidentielle en attendant les développements de la guerre en Syrie, précisément à Alep». Dans une interview recueillie par Magazine, Antoine Zahra, député de Batroun pour les Forces libanaises, considère que «si nous ne n’élisons pas un chef d’Etat avant l’échéance parlementaire, nous allons vers un remaniement de l’accord de Taëf».

Après avoir observé de près les résultats du dialogue et le communiqué du Courant du futur, il semble que l’élection d’un chef d’Etat ne soit pas pour bientôt. Comment sortir de cette impasse?
Le schéma est très clair à mes yeux: le Hezbollah sabote l’élection présidentielle en attendant les développements de la guerre en Syrie, plus précisément à Alep. Il y a quelques semaines, Hassan Nasrallah a assuré dans son discours que la bataille d’Alep était déterminante et il semblait sûr de ce qu’il avançait. Il a trop vite crié victoire, croyant, qu’une fois de plus, il allait imposer ses conditions sur le Liban et les Libanais. Depuis, les choses ont changé: l’alliance régime syrien-Iran, appuyée par la Russie, subit des revers. Bachar el-Assad et l’Iran ne sont plus à même actuellement de décider de l’avenir de la région.

Tout semble indiquer que la guerre en Syrie ne finira pas de sitôt. Le Liban restera-t-il donc en suspens d’ici là? Pourquoi le Futur ne se plie-t-il pas à la volonté de la majorité chrétienne et appuie la candidature de Michel Aoun?
En effet, la guerre en Syrie risque de se prolonger et je pense qu’aucune partie n’en sortira réellement gagnante. Les développements continueront à aller tantôt à l’avantage du régime tantôt dans l’intérêt de l’opposition. C’est pourquoi, j’insiste et je dis que le Liban est otage du Hezbollah qui, lui, obéit aux ordres de l’Iran, lequel veut tenir la carte libanaise en main tant qu’il le peut. Pour en revenir au second volet de votre question, lors de la dernière réunion du Courant du futur, en présence de Saad Hariri, deux ou trois députés ont suggéré que le nom de Michel Aoun soit retenu. Mais la majorité des parlementaires ont rejeté en bloc cette suggestion pour plusieurs raisons. D’une part, le leader du CPL appuie incontestablement le Hezbollah dans toutes ses décisions internes et externes. D’autre part, il ne cache pas son hostilité à l’égard de la communauté sunnite et à chaque occasion, il n’hésite pas à parler de la «politique haririenne», lui faisant porter tous les maux dans lesquels se débat le Liban. Les parlementaires du Futur ont fait part de leur crainte de voir Aoun prendre le pouvoir et l’utiliser contre eux allant jusqu’à demander des changements dans la formule libanaise.

Le Futur a toujours dit que lorsque la majorité des chrétiens s’entendront sur un candidat à la présidence, il l’appuiera. Or, il semble qu’il a changé d’avis…
Le Courant du futur et les Forces libanaises, les deux grands pôles du 14 mars, ont pris deux initiatives inattendues et impopulaires en soutenant les deux candidats Sleiman Frangié et Michel Aoun. Le Futur a dit: «Allons à la séance parlementaire et que le meilleur gagne dans le respect du jeu démocratique». Or, le Hezbollah boycotte ces séances – Michel Aoun aussi d’ailleurs – et non seulement cela, mais il n’exerce aucune pression sur Sleiman Frangié et sur Nabih Berry, ses deux alliés, pour les convaincre l’un de se retirer et l’autre de voter pour le candidat qu’il dit appuyer. Vous trouvez ça logique? D’ailleurs, même les aounistes sont désormais convaincus que le Hezbollah soutient leur chef verbalement et non en pratique.

La formule libanaise est-elle en danger?
Si nous n’avons pas de président à la tête de l’Etat d’ici les élections parlementaires – au printemps prochain – nous serons dans une impasse réelle qui, à mon avis, conduira à un remaniement des accords de Taëf. J’espère que nous n’arriverons pas jusque-là.
 

Propos recueillis par Danièle Gergès

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